
Centre
Universitaire d'Étude et de Formation marxistes-léninistes
Les
étudiants, les cadres et la révolution
Janvier
1969
III - LES ÉTUDIANTS
Au terme de l’analyse qui précède,
malgré sa longueur et sa complication, nous n’avons
pas avancé, si peu que ce soit, la solution du problème
que pose le groupe des étudiants.
Sans doute, la thèse de Glucksmann sur la science = force
productive directe, avait deux implications l’une était
de ranger les porteurs de la science parmi les producteurs, l’autre
de ranger les étudiants parmi les porteurs de la science,
de façon que se trouvent expliqués à la
fois et l’un par l’autre le caractère révolutionnaire
de Mai-Juin et l’importance du mouvement étudiant
dans les luttes populaires.
De la sorte, le cas des chercheurs
et des étudiants peut être réglé simultanément.
Mais ici encore, les deux implications
doivent être strictement séparées nous avons
soutenu que la première d’entre elles doit être
rejetée et que la relation entre porteurs de la science
et producteurs n’est pas d’identité.
Au contraire, la seconde de­meure
encore intouchée et c’est elle que nous avons à
examiner à présent, en posant la question cruciale,
qui constitue en fait l’enjeu de toutes les analyses de
Mai-Juin quels sont l’être et la position de classe
des étudiants ?
A cette question est attachée
une contradiction bien connue la tempête de Mai-Juin, entre
autres, a révélé que les étudiants
peuvent prendre une position de classe décidée
et que leur part peut même être essentielle dans
la lutte des masses malgré cela tous les critères
marxistes excluent que les étudiants comme tels constituent
une classe.
A quoi il faut ajouter la contradiction
qui fait que la position des étudiants s’est manifestée
de façon répétée au cours de l’histoire
des luttes et que pourtant la composition individuelle du groupe
évolue par définition très rapidement, et
se décrit, malgré son importance tactique, comme
un simple lieu de passage.
Pour résoudre ces contradictions,
la thèse classique propose de définir l’être
de classe de l’étudiant sur la base, principalement,
de son origine sociale, qui est en gros petite-bourgeoise et
bourgeoise.
Ce point de vue est repris souvent
par les révisionnistes et il leur sert à rabaisser
l’importance du mouvement étudiant, en affectant
par un tour de passe passe toute position de classe du groupe
des étudiants - ai décidée soit-elle - du
caractère incertain et oscillant de l’intérêt
de classe petit-bourgeois.
Contre une pareille dépréciation,
Glucksmann considère l’étudiant comme une
“réserve de forces productives”, ce qui doit
se lire, étant donné le cadre de son argumentation,
comme “porteur potentiel de la science”.
De façon analogue, Bensaïd
et Weber justifient que l’étudiant soit rapporté
aux techniciens, cadres et savants en posant qu’il détermine
son être de classe par référence à
son avenir social plutôt que sur la base de son origine
(ibid. p. 29).
De la sorte se trouvent réglés
à la fois le problème du caractère transitoire
(qui est entièrement neutralisé par les notions
de potentialité et d’avenir anticipé) et celui
de l’être de classe (qui est identifié à
celui des porteurs de science).
Il est curieux de noter que ces
positions, qui se donnent pour but d’expliquer l’importance
capitale et la spécificité du groupe étudiant,
ne trouvent d’autre issue que de le rattacher à un
ensemble plus vaste qui l’englobe -de sorte que le problème
de la définition spécifique est censé résolu
sans même être posé.
D’autre part, il doit ressortir
de notre analyse qu’à nos yeux, le choix entre avenir
et passé social demeure pour la majorité du groupe
étudiant cantonné dans les limites de la petite
bourgeoisie de part et d’autre, par leur origine et par
leur avenir, les étudiants sont en majorité des
petits-bourgeois.
Ces paradoxes doivent être
pris comme l’indice de difficultés réelles
; pour en dénouer l’enchevêtrement, il faut
commencer par séparer les deux contradictions que nous
avons notées, les résoudre l’une et l’autre
en elles-mêmes, et d’abord la plus essentielle la
relation entre être de classe et position de classe du
groupe étudiant.
1 - Être de classe des
étudiants.
Nous avons pu poser la question
de l’être de classe du cadre, du chercheur et de l’enseignant
en tant que tels.
La moindre réflexion montre
qu’une telle question n'est pas pensable à propos
de l’étudiant en effet ai l’on peut définir
l’être de classe du cadre, du chercheur et de l’enseignant,
c’est qu’il est possible de marquer la position de
leur travail spécifique à l’égard du
procès productif de plus-value et de reconnaître
la source et la forme de leur revenu.
Au contraire l’étudiant
a les traits paradoxaux, si on le considère en tant que
tel, de n’avoir aucune relation avec la plus-value, de ne
se livrer même à aucun travail socialement défini,
de n’avoir aucune source de revenu du point de vue social
tout cela n’a évidemment rien à faire avec
la quantité de travail personnel qu’il peut fournir
en s’instruisant : ce travail bien réel n’a
pourtant aucune signification pour la société de
même il ne faut pas tenir compte du fait que l’étudiant,
comme individu, peut toujours participer à la production
(travail noir, travail à mi-temps etc.) dans ce cas, l’individu
fonctionne de deux façons différentes et parfaitement
indépendante~ tantôt comme étudiant, tantôt
comme travailleur (productif ou improductif) enfin il peut se
faire que l’étudiant perçoive une allocation,
mais là encore, cela n’affecte pas les déterminations
sociales: l’argent qui est ainsi versé par l’état
ou d'autres organisation n’est pas un profit perçu
par l’étudiant; il ne rétribue pas des services
rendus, un travail (productif ou non) qui aurait été
accompli et vendu ; il ne constitue donc pas à proprement
parler un revenu.
En fait, l’étudiant
en tant que tel est une détermination qui n’a de
sens qu’au sein de l’institution universitaire; c’est
une notion superstructurelle (juridique) qui se ramène
à définir une place dans une organisation réglementée.
On pourrait même défendre
l’idée que le contenu social de cette notion juridique
consiste à faire de l’étudiant (comme on général
de tous les “élèves” dans l’école)
un “inapte” aux yeux de la société et
de ses institutions, l’étudiant est considéré
comme n’ayant aucune qualification pour agir socialement,
c’est-à-dire pour exploiter avec profit pour lui-même
ou être exploité avec profit pour son employeur[1].
Définir l’étudiant
comme un porteur de science revient donc à me placer tout
à fait on dehors du point de vue social sans doute, considérés
dans leur Individualité, les étudiants ont des
connaissances, mais de cela la société n’a
que faire, et il est impossible d’en tirer la caractérisation
d’un être de classe.
Chercher une signification de classe
ou une position politique dan, la détermination de l’étudiant
comme tel, est ainsi une démarche parfaitement vaine.
En revanche, il n’est pas
vain de se demander quel est l’être de classe des
sujets qui se trouvent à l’université on position
d’étudiant; un étudiant donné a un
être de classe, non pas on tant que tel, mais parce que
nul n’échappe à la lutte des classes dans
la formation sociale.
Cela doit conduire à modifier
radicalement la question initialement posée ; ce qui importe
maintenant c’est de décrire en termes de classe non
plus l’étudiant, mais le groupe des étudiants,
et de mesurer quels facteurs objectifs peuvent jouer sur un sujet
dont l’être de classe est déjà déterminé,
lorsqu’il est à l’université.[2]
Le problème de fait est assez
facile à résoudre on s’accorde à reconnaître
que la majorité des étudiants est de la petite
bourgeoisie, ou plutôt, car il faut renverser les termes,
que ce sont des petits bourgeois que l’on trouve on majorité
à l’université (que leur être de classe
se règle sur leur passé ou sur leur avenir est,
de ce point de vue, secondaire)[3].
Cela dit le groupe des étudiants
existe et il a une spécificité parmi les fractions
de la petite bourgeoisie.
Déterminer cette spécificité,
cela consiste justement à caractériser l’oscillation
de l’intérêt de classe petit bourgeois dans
ce cas particulier, on examinant s’il est ou non plus rapidement
et plus décidément que pour d’autres fractions
près de rallier le camp du prolétariat.
En d’autres termes, il faut
rechercher les facteurs objectifs qui sont particuliers au groupe
étudiant et déterminent sa position de classe[4].
2- Position de classe des étudiants
On peut reconnaître parmi
ces facteurs : la jeunesse, la position d’intellectuel,
le statut d’universitaire,
Rien ne s’oppose en effet à
admettre les remarques de Glucksmann[5] et à considérer
la jeunesse comme une forme institutionnelle, liée à
certains phénomènes économiques, qui alourdit
encore la dépendance à l’égard du capital
; il est tout à fait exact que les jeunes ouvriers ou
les jeunes petits-bourgeois ont des “raisons de se révolter”
qui leur sont propres [6] et que n’a pas l’ensemble
de leur classe, de sorte qu’ils sont plus que les autres
mobilisables contre la classe dominante.
Mais il faut voir que, de ce point
de vue, la jeunesse est un fait de superstructure et n’exerce
son effet que sur un être de classe déjà
déterminé; elle ne peut donc servir à définir
celui -ci, pas plus qu’elle ne donne à elle seule
la base d’une révolte c’est toujours on tant
que prolétaires ou en tant que petits-bourgeois que les
jeunes peuvent être mobilisés, même si le
jeune prolétaire est plus décidé à
lutter et le jeune petit bourgeois plus près de rallier
le camp de la révolution.
La détermination “intellectuel”
est d’une autre nature elle doit être comprise à
partir de la division radicale entre travail manuel et travail
intellectuel qui affecte l’organisation des forces productives,
c’est-à-dire la base et non la superstructure.
Cette division n’est pas propre
au mode de production capitaliste elle apparaît dans d’autres
modes de production (cf. par exemple les scribes de l’ancienne
Égypte ou les mandarins de la Chine impériale)
et ne cesse pas automatiquement avec lui (c’est même
une des raisons qui expliquent la nécessité d’une
révolution culturelle après la révolution
politique prolétarienne).
Seulement, le système capitaliste
lui donne une forme particulière dans l’organisation
des classes et des superstructures qui lui sont propres la classe
dominante, spécifiée comme (grande) bourgeoisie,
se réserve le travail intellectuel, qui devient son apanage
et celui de ses servants petits-bourgeois ; d’autre part,
une institution est créée qui s’inscrit tout
entière dans le cadre de cette division, qui la suppose
et la consolide l’université.
Bien qu’il ne se livre à
aucun travail socialement reconnu, l’étudiant est
donc d’ores et déjà placé dans la division
entre travail intellectuel et manuel, tous ceux qui participent
à l’universi­té étant comme tels
des intellectuels.
Il supporte ainsi les contradictions
idéologiques qui sont attachées à cette
position et que nous avons rappelées ailleurs. De plus,
on tant qu’intellectuels, les étudiants sont particulièrement
ouverts à la science marxiste-léniniste ; même
s’ils la reçoivent d’abord sous une forme adultérée
(humaniste ou théoriciste), c’est une base de mobilisation
importante.
Quant à l’université,
on sait que les contradictions y sont de jour en jour plus algues.
Nous ne nous y attarderons pas et
rappellerons seulement qu’elles affectent à la fois
la forme de l’organisation, le contenu de l’enseignement
et la fonction sociale de l’institution[7].
Sur tous ces points, les étudiants
sont de plus on plus décidés à engager la
lutte et à la mener sur une base de classe.
On peut ainsi caractériser
un ensemble de contradictions définies à trois
niveaux distincts, qui toutes jouent dans le même sens
et sont autant de motifs capables de faire pencher l’intérêt
du petit-bourgeois étudiant vers le prolétariat
; mais aussi, à chacun des niveaux qui tous ensemble spécifient
le groupe étudiant, il est nécessaire de définir
une zone de solidarité dépassant de groupe groupe
de la jeunesse (rassemblant des ouvriers, des cadres, des chercheurs,
des enseignants etc.), groupe des intellectuels (rassemblant
tous les travailleurs intellectuels cadres, universitaires, artistes,
etc.), groupe des universitaires (enseignants et étudiants).
3 - Autonomie et spécificité
du groupe étudiant.
Tactique et stratégie
Si l’on veut trouver une définition
de l’étudiant qui lui soit entièrement propre
et tout à fait autonome, il faut s’en tenir à
la définition juridique de son statut universitaire.
Mais si l’on veut trouver des
caractéristiques qui ne soient pas purement formelles
et comportent un contenu politique et économique, Il faut
reconnaître qu’elles ne peuvent être trouvées
pour lui seul les étudiants, on tant que groupe descriptivement
isolable, sont à l’intersection de trois ensembles
diversement définis et qui se recoupent entre eux.
Du point de vue politique, ils concentrent leurs contradictions
respectives ainsi s’explique l’exceptionnelle "sensibilité”
politique du groupe étudiant et le fait qu’il puisse
jouer le rôle d’un révélateur dans une
conjoncture.
En retour, du point de vue de l’analyse
de classes, la conséquence est la suivante non seulement,
comme tous les petits-bourgeois, les étudiants n’ont
pas d’intérêt propre à la révolution
(au sens d’intérêt de classe), mais de plus
ils n’ont pas de motifs propres à faire leur l’intérêt
du prolétariat les motifs qui les poussent, ils les partagent
avec tous les jeunes (ouvriers et petits-bourgeois), tous les
intellectuels (universitaires et non-universitaires), tous les
universitaires (étudiants et enseignants).
Cela signifie que les étudiants
subissent les effets de facteurs objectifs plus nombreux et plus
puissants que tous les membres petits-bourgeois de chacun des
autres groupes, (et en particulier que les cadres et chercheurs
puisqu’aux difficultés des salariés non-productifs
qu’ils connaîtront plus tard et qu’ils peuvent
anticiper, se surajoutent dès à présent
les contradictions propres à la jeunesse et à l’institution
universitaire[8].
Mais cela signifie aussi que pour
expliquer les raisons qu’ils peuvent avoir de se révolter,
il ne faut pas faire appel à des motifs qui leur seraient
réservés et qu’ils ne partageraient avec aucun
autre groupe ; il faut reconnaître la superposition et
le renforcement mutuel de raisons objectives qu’ils ont
en commun avec cha­cun des trois ensembles dont ils sont
l’intersection de la spécificité que le groupe
étudiant tient de la combinaison unique de trois caractéristiques,
il ne faut pas conclure à son autonomie.
Du point de vue de la stratégie
de classes, il n’y a donc pas de particularité du
groupe étudiant son être de classe est celui de
la petite bourgeoisie en général ; son intérêt
de classe est oscillant entre la bourgeoisie et le prolétariat,
comme celui de tous les petits-bourgeois ; il est vrai qu’il
penche de manière particulièrerent décidée
du côté du prolétariat, mais c’est sur
la ba­se de facteurs appartenant à des groupes plus
vastes.
Les problèmes qui se posent
à leur propos se réduisent donc
1) aux problèmes de la jeunesse
qu’il faut regrouper et mobiliser sur la base de ses difficultés
propres (difficulté d’embauche, instabilité
de l’emploi, oppression bureaucratique dans les entreprises
et sou­vent dans les organisations syndicales etc. )
2) à ceux des intellectuels
qu’il faut rallier au camp de la révolution, puis
révolutionnariser ;
3) aux problèmes de l’institution
universitaire, où la lutte des classes doit être
menée sous des formes spécifiques.
L’importance stratégique
du groupe se ramène corrélativement à l’importance
qu’il faut reconnaître à la jeunesse qui constituera
de façon générale le fer de lance dans la
lutte ouverte, aux intellectuels, qui, révolutionnarisés,
pourront opérer la fusion du marxisme et du mouvement
ouvrier, objectif fondamental de toute organisation com­muniste,
à l’université qu’il faut retourner contre
le système capi­taliste, avant d’en briser la
machine tout entière.
Une organisation communiste devra
distinguer les types de tache qu’elle doit accomplir à
l’égard des trois groupes
1) organisation quasi-militaire
de la jeunesse,
2) révolutionnarisation des
intellectuels,
3) lutte dans l’université
(lutte légale et révolution culturelle).
Mais ce serait tomber dans l’abstraction
que de négliger les effets que doivent avoir sur cette
analyse stratégique générale, les superstructures
particulières de l’institution universitaire lorsqu’en
effet une stratégie est définie, rien n’est
encore fait.
Si l’on n’en déduit
pas une tactique les deux taches sont distinctes, bien qu’elles
soient liées dans le premier mouvement, il faut démêler
la signification de classe des formes superstructurelles observables
afin d’en situer la position par rapport à l’action
révolutionnaire, c’est-à-dire leur place stratégique
(analyse de classes); cela fait, il faut, on un second temps,
définir l’application de la stratégie on fonction
des conditions objectives que lui font ces superstructures existantes
(tactique).
De ce point de vue, ce qui compte
au moment où la lutte est engagée ce n’est
plus seulement l’être et la position de classe des
sujets, mais aussi leur degré et leur forme d’organisation
alors il est très important que l’institution universitaire
fonctionne comme un rassemblement donné dans l’objectivité.
Il est décisif que l’université
rassemble au même point (les facultés, considérées
comme un lieu) et par une structure institutionnelle commune[9],
de jeunes intellectuels, alors que partout ailleurs les jeunes
ne sont qu’une partie inorganisée et dispersée,
par exemple, de l’entreprise et que les intellectuels (comme
les petits-bourgeois en général) forment une foule
atomisée, répartie à divers points de la
formation sociale.
La différence entre le point
de vue stratégique et tactique permet de comprendre pourquoi
les étudiants peuvent être, pris individuellement,
des petits-bourgeois instables et oscillants, sur lesquels il
est impossible de fonder une stratégie révolutionnaire,
mais aussi pourquoi les petits-bourgeois, quand ils sont étudiants,
constituent une force irremplaçable dans une position
privilégiée, avec laquelle la tactique doit compter
pour évaluer le rapport des forces.
C’est à ce titre que
l’alliance de classe du prolétariat avec cette fraction
spécifique de la petite bourgeoisie est important aujourd’hui,
comme elle l’a été par le passé on
Chine autant ce serait une erreur opportuniste que de privilégier
les étudiants et faire dépendre l’action du
prolétariat d’une fraction de la petite -bourgeoisie,
autant c’est de l’aventurisme de les négliger
du point de vue tactique et vouer le prolétariat à
un solo funèbre.
C’est donc on un sens bien
précis qu’ils peuvent être dits, une avant-garde,
selon l’expression de Mao Tsé-toung [10] les étudiants
qui, pris sur une longue période, sont oscillants dans
leur position de classe et quittent rapidement leur situation
d’universitaire, ne peuvent, cela est clair, constituer
une avant-garde du point de vue stratégique, c’est-à-dire
élaborer pour toute la durée d’une conjoncture
la ligne politique et la ligne d’action en fonction de l’objectif
principal (c’est là la tache du parti), mais ils
forment l’avant-garde tactique, car, pris à un moment
déterminé, ils sont fermes dans leur position de
classe sur la base des contradictions objectives qu’ils
subissent, ils combattent au premier rang dans la lutte des masses,
se lancent les premiers dans la bataille et même parfois
donnent le signal déclenchant l’affrontement général.
Notes
[1] Si l’on peut admette que
dans tout mode de production, il doit s’opérer une
certaine transmission de “savoirs” (quel qu'en soit
le contenu : recettes techniques, formes idéologiques,
sciences), il n’est pas du tout nécessaire historiquement
que cette transmission soit amurée dams le cadre d'une
Institution déterminée par un corps de spécialistes
(professeurs).
Dans bien des formations sociales,
la transmission d’un savoir n’est pas séparée
de la mise en œuvre de celui-ci : la relation enseignant-enseigné
prend alors la forme de la relation maître--apprenti, et
nom pas du tout professeur-élève.
L’université est liée
au mode de production capitaliste de maniére radicale
: plus encore que par les servants qu’elle forme et l’idéologie
qu’elle transmet, elle suppose le capitalisme dans son être
même, c’est-à-dire l’existence d’un
corps de spécialistes chargés uniquement de la
transmission de savoir.
C’est pourquoi la révolution
doit avoir pour objectif de briser la machine universitaire (révolution
culturelle).
[2] On pourrait éclairer
le raisonnement par une comparaison de l’étudiant
avec le militaire (non pas le militaire de carrière, mais
le conscrit)
1) Il est parfaitement vrai
que l’année de conscription est, comme l’université,
liée à un mode de production déterminé
et même à une forme déterminée de
l’Etat capitaliste : ce n’est pas un hasard si l’université
a été réorganisée et l’armée
de conscription créée au même moment en France.
Sur cette base, l’armée et l’université
ont une signification de classe très précise et
reconnue.
2) Tout en appartenant donc
à une institution de classe, le milItaire comme tel, de
même que l’étudiant, n’en a pas pour autant
un être de classe fixe et déterminé.
Son être de classe, il le
tient d’ailleurs (en général, pour le militaire,
de son origine sociale plus que son avenir). S’il est un
petit-bourgeois par ex., ce n’est pas parce qu’il est
à l’armée, mais parce qu’en dehors de
l’armée, un certain nombre de facteurs objectifs
le lient à cette classe.
3) Mais si la question de l’être
de classe du militaire comme tel n’a pas de sens, Il est
important et parfois capital pour la lutte de déterminer
qui est l’être de classe numériquement le plus
représenté parmi le groupe des militaires (contingent)
et d’en déduire la position que ce groupe adoptera
vis-à-vis du camp de la révolution,
4) Il est tout à fait compréhensible et normal
que pour ce type de question, on n’obtienne pas de réponse
systématique par oui ou non, mais une réponse descriptive
en termes de propor­tion (majorité/minorité).
[3] Trois déterminations
sont en jeu : la détermination politique (intérêt
de classe oscillant) —-l’origine de classe — l’avenir
de classe et elles sont d’importance inégale, puisque
la première est toujours en dernière instance décisive
: il peut se faire qu’un fils de grand bourgeois à
l’université en vienne à une position petite-bourgeoise
et de là prolétarienne, Cf. Appendice 3.
On peut observer que suivant les
besoins de leur cause, les révisionnistes varient l’accentuation
des trois facteurs insistant sur les deux premiers s’il
s’agit de décrier le milieu étudiant (petits-bourgeois
incertains, fils de grands bourgeois) ou sur le troisième
quand il s’agit de n’en être pas coupé
(futurs intellectuels, futurs cadres, précieux pour la
nation, etc.).
Le procédé est risible
Il est de plus le produit d’une analyse insuffisante, deux
traits concomitants du révisionnisme.
[4] Ainsi se résout la contradiction
entre le caractère passager de la condition étudiante
et la possibilité de reconnaître des caractéristiques
permanentes du groupe étudiant il faut maintenir à
la fois que des conditions objectives communes pèsent
sur tous les étudiants, que ces conditions ont un effet
mobilisateur sur l’intérêt de classe petit-bourgeois
et qu’elles peuvent ne pas suffire à le maintenir
définitivement du côté du prolétariat.
C’est pourquoi le petit-bourgeois
se démobilise facilement après avoir quitté
l’université (ce qui lui permet de mettre se mobilisation
passée au compte du romantisme juvénile), tandis
que d’autres étudiants, lui ayant succédé,
se mobilisent à leur tour sur la base des mêmes
facteurs.
La tâche de la propagande
prolétarienne est justement de fixer définitivement
la position de classe prolétarienne de l’étudiant
et de la maintenir même après qu’il a quitté
l’université.
[5] Stratégie et révolution.
p. 49-50
[6] Il ne. suit pas de là
qu’elles soient les mêmes dans les deux cas. Cf. Appendice
2
[7] Cf. Fascicule 1
[8] On fait souvent état
d’un motif de révolte qui serait exclusivement propre
aux étudiants: la lutte contre les enseignants.
En fait, il faut replacer cette
lutte, qui existe en effet, dans le cadre général
de la lutte contre l’oppression au sein de l’institution
universitaire.
Les points de cette lutte sont les
suivants:
1) La lutte contre
l’administration : c’est en fait une lutte qui doit
engager les enseignants aussi bien que les étudiants contre
les représentants de la machine d’État.
2) Lutte contre
les enseignants réactionnaires Il ne s’agit pas de
combattre ces enseignants en tant que tels, mais en tant que
réactionnaires.
A ce titre, c’est une lutte
générale que doivent mener tous les universitaires
progressistes (enseignants et étudiants). Même si
par leur nombre et leur combativité, les étudiants
sont à chaque fois l’aile marchante du mouvement,
leur objectif n'est donc jamais de placer la ligne de démarcation
entre étudiants et enseignants, mais toujours entre progressistes
et non-progressistes.
Aux deux points de la lutte, correspondent
des formes d’action différente lutte matérielle
(juridique ou violente) dans le premier cas, lutte idéologique
dans le second.
Il est vrai que bien souvent elles
sont étroitement conjointes, parce que les enseignants
idéologiquement réactionnaires sont aussi ceux
qui se font les suppôts de l’administration et usent
de la fraction de pouvoir administratif qu’ils détiennent
pour opprimer les étudiants.
Néanmoins, cette liaison
n’est pas nécessaire : Il a pu se faire que des enseignants
de droite aient protégé des étudiants, par
anarchisme aristocratique et inversement, on a vu des enseignants
idéologiquement progressistes commettre la faute de ne
pas user de leur pouvoir administratif pour protéger les
masses étudiantes.
Et même si la liaison a lieu,
elle a seulement pour conséquence qu’il faut alors
unir le, deux formes de lutte, sans les confondis et en les hiérarchisant
suivant la conjoncture dénoncer l’enseignant réactionnaire
comme Idéologue du capitalisme, d’autre part le dénoncer
comme agent de l’administration oppressive et combattre
matériellement cette oppression.
[9] De la même façon,
la stratégie doit considérer la classe ouvrière
dans son ensemble et se donner pour objectif de la libérer
de la structure existante de l’industrie (et en particulier
de sa sujétion à l’dgard de l’entreprise),
mais du point de vue tactique.
Il est essentiel de tenir compte
de la forme d’organisation objectivement donnée que
constitue l’usine comme lieu et l’entreprise comme
institution.
C’est ce qui échappait
à Rosa LUXEMBOURG lorsqu’elle s’opposa aux thèses
de LÉNINE sur l’organisation (Cf. p. ex. le texte
reproduit dans Que faire?, Seuil, p. 264).
[10] Cf. Appendices 5 et 6

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