
Centre
Universitaire d'Étude et de Formation marxistes-léninistes
Les
étudiants, les cadres et la révolution
Janvier
1969
II - LES PORTEURS DE
LA SCIENCE: CADRES TECHNICIENS ET CHERCHEURS
Les problèmes que pose une
citation sont toujours importants, car toute référence
particulière et même la pratique générale
de la citation engagent une politique.
Mais nous les laisserons de côté
à présent, en marquant, après leur portée,
les limites de nos observations elles n’affectent encore
que partiellement les positions de Glucksmann prises en elles-mêmes.
Bien que des positions qui ne permettent
pas d’exclure les citations inadéquates soient en
elles-mêmes douteuses, il faut encore confirmer ce doute
par un examen détaillé, abstraction faite des références
exactes ou non, appropriées ou non.
Les positions de Glucksmann sont
clairement résumées dans la formule : “l’ouvrier,
l’étudiant, le jeune cadre, le chercheur remettent
en cause ensemble toute l’organisation de la production
des richesses, la révolte générale est celle
du producteur”.
Autrement dit, deux thèses
sont avancées
1. les chercheurs, les (jeunes)
cadres et les étudiants sont des producteurs
2. ils font donc partie du camp
des producteurs sur le même pied que les ouvriers.
Le second point ne se confond pas
avec le premier, car après tout des différences
de statut pourraient subsister entre les producteurs, néanmoins
il dépend du premier et tombe de lui-même si le
premier tombe ; la question centrale est donc la suivante: les
cadres et les chercheurs (laissant de côté pour
le moment le problème des étudiants) sont-ils des
producteurs? ou en d’autres termes, quel est leur être
de classe ?
Cette question est, nous l’avons
déjà observé, parfaitement distincte de
la question proprement politique appartiennent-ils aujourd’hui
au camp de la révolution? ou en d’autres termes,
quelle est leur position de classe ?
Confondre les deux questions tout
au long de ses analyses, croire que l’une se ramène
à l’autre que l’on peut y répondre en
même temps ou faire servir pour l’une les raisons
valant pour l’autre, c’est le prix que paie Glucksmann
d’avoir méconnu la portée précise des
concepts de Marx.
De ces deux questions, la première
est du domaine de l’abstraction théorique ; elle
ne met en jeu que des concepts économiques abstraits et
ne dépend nullement des événements de Mai-Juin
; au contraire la seconde est une question d’analyse politique
concrète qui est intimement liée à l’interprétation
de la récente tempête révolutionnaire et
exigerait pour être résolue véritablement
un ensemble d’enquêtes dont nous ne disposons pas,
en sorte que nous ne pourrons faire plus que rassembler quelques
indices en vue d’une solution et préciser la manière
de la poser.
En toute occasion, la question “politique”
l’emporte sur la question “théorique”,
néanmoins elle dépend de cette dernière.
En particulier, il faut déterminer
l’être de classe pour déterminer la position
de classe. Aussi nous attacherons-nous à la question théorique
et la réglerons au niveau conceptuel où elle se
pose : le travail des cadres et chercheurs est-il productif ou
non ?
1 - La définition marxiste
du travail productif
Il n’est pas inutile de rappeler
que la notion de producteur et de travail productif est très
précise chez Marx : sans doute, tout homme est porteur
d’une force de travail, et tout procès de travail
est procès de production ; en ce sens tout travail humain
est productif.
Mais bien évidemment, il
ne s’agit alors que d’une analyse abstraite qui doit
être précisée lorsqu’on se propose de
déterminer les classes existant dans un mode de production
déterminé[1] : dans le mode de production capitaliste,
seul est productif le procès de travail qui produit une
marchandise, c’est-à-dire non seulement une valeur
d’usage, mais aussi une valeur d’échange (base
de la plus-value) en revanche, un travail qui produit seulement
une valeur d’usage est réputé improductif.
Les explications de Marx sont lumineuses
sur ce point (Cf. Théories de la plus-value) éd.
Dietz, Vol. 26. 1. pp. 363-388) [2]ainsi le tailleur que son
client paie pour lui faire un costume n’accomplit pas un
travail productif, parce que son produit se réduit à
une valeur d’usage pour l’acheteur ce qui intéresse
le client ce n’est pas de vendre le costume, mais de le
porter pour lui, ce produit du tailleur n’est pas une valeur
d’échange, mais une valeur d’usage. En d’autres
termes, il n’y a eu dans le processus de production aucune
création de plus-value.
Au contraire, si le tailleur est
employé salarié d’un patron qui sur le prix
du vêtement touche un profit, alors le travail en question
est productif en effet, avant d’être vendu à
un client, le produit est d’abord propriété
de l’employeur, capitaliste qui n’est pas du tout intéressé
par le vêtement en lui-même (il ne le portera pas),
mais uniquement par sa valeur (réalisée dans la
vente), ou plutôt par le profit qu’il peut escompter
de la réalisation de cette valeur.
On sait que la condition du profit
est la plus-value ou différence entre la valeur de la
force de travail socialement nécessaire pour produire
un objet et la valeur de cet objet lui-même.
Le caractère productif du
travail ne dépend donc pas de la nature matérielle
ou immatérielle du produit, ni de l’utilité
de ce produit, mais uniquement de la création ou non-création
de plus-value ; et seul peut être considéré
comme producteur, dans le mode de production capitaliste, le
travailleur qui crée de la plus-value[3].
Il peut se faire que le travail
non-productif soit payé, mais alors l’argent versé
ne fonctionne pas comme capital, c’est le simple équivalent
en argent de la valeur d’usage.
Ce travail peut même faire
l’objet d’une exploitation; dans le cas par exemple
où la contre-partie versée pour le produit serait
très basse et insuffisante à payer la dépense
de force de travail ; simplement cette exploitation n’est
pas de type capitaliste, puisqu’elle n’est pas source
de plus-value si le client donne du vêtement qu’il
portera un prix insuffisant à payer la force de travail
mise en oeuvre par le tailleur, il n’aura pas fait un profit,
il aura simplement acquis un -objet utile moins cher qu’il
ne l’aurait dû.
Au contraire, sera capitaliste l’employeur
qui tout en versant un salaire parfaitement suffisant pour payer
la force de travail mise en oeuvre, devient propriétaire
d’une valeur supérieure à ce salaire, à
seule fin de réaliser cette différence de valeur
ou plus-value, sous forme de profit, dans un acte d’échange.
Il faut souligner que tout travailleur
que son employeur paie en vue de pouvoir consommer son produit
(et non de le vendre) accomplit un travail non-productif.
Ainsi en va-t-il du valet de chambre,
que son maître paie pour profiter lui-même de son
travail et non pas pour le revendre ; ainsi en va-t-il aussi
de l’ingénieur si l’on admet que le produit
de l’ingénieur consiste en gros en un ensemble de
procédures techniques permettant d’utiliser de manière
rationnelle les moyens de productions et les matières
premières, il est clair que l’employeur en général
ne compte pas vendre directement ce produit, mais bien en tirer
parti lui-même dans le cadre de son entreprise.
De façon plus précise,
et sans s’attacher à la forme juridique de la vente,
il faut dire que l’employeur n’attend pas de l’ingénieur
un profit quelconque, mais des services bien définis l’argent
qu’il lui verse n’est pas du capital (argent dépensé
en vile de s’acquérir la plus-value), mais l’équivalent
des services qu’il en retirera c’est pour l’employeur,
une manière intelligente (et même indispensable)
de dépenser son argent, ce n’est pas néanmoins
un investissement directement productif de profit.
Sans doute on peut dire qu’indirectement,
- ces services permettent d’augmenter le profit (par exemple
en rationalisant les procédés techniques de façon
à diminuer le coût de production), mais toute la
différence tient dans le caractère indirect du
rapport: en lui-même le travail de l’ingénieur
ne crée aucune valeur; il ne peut faire croître
le profit que si, en dehors de lui, un travail productif est
donné dont il pourra rationaliser l’organisation.
En ce sens donc, le travail de l’ingénieur
n’est pas productif et l’ingénieur n’est
pas un producteur[4].
2 - Les cadres
Ce qui vaut pour l’ingénieur
peut à présent être étendu aux cadres
en général, dont il est possible ainsi d’éclairer
le statut. Il faut observer d’abord que la notion de “cadre”,
reprise sans critique des descriptions bourgeoises, est en elle-même
fort composite ; on y regroupe en général tous
les “spécialistes intellectuels” directement
employés dans une entreprise, de telle sorte qu’on
y peut distinguer principalement
a- les spécialistes commerciaux,
chargés de faire circuler les marchandises produites,
c’est-à-dire de réaliser le profit de la manière
la plus avantageuse possible (directeurs de vente, etc.)[5].
b- les spécialistes financiers,
chargés de gérer le profit, (comptables, etc.).
c- les spécialistes techniques
chargés de maintenir le coût de production par une
organisation technique optimale ou même de le réduire
grâce à des procédés permettant un
meilleur usage des moyens de production ou une exploitation plus
rationnelle de la force de travail (ingénieurs, essentiellement).
Malgré ces différences
de position à l’égard du profit capitaliste,
ils ont néanmoins pour trait commun d’être
en relation avec lui qu’il existe, ils le réalisent
ou le gèrent, avant qu’il existe, ils préparent
les conditions matérielles de son augmentation.
Tâches très importantes,
mais qui ne sont rien si le profit n’est pas créé
par d’autres en un point du procès de production
la relation des cadres à ce procès implique par
elle-même qu’ils ne soient pas des producteurs.
Ainsi se trouve déterminée
leur place dans les rapports de production entretenir un rapport
indirect avec la constitution du profit, et de même la
source de leur revenu du point de vue de la substance le profit
sur lequel l’employeur prend les sommes nécessaires
à leur rétribution, et du point de vue de la forme
le salaire.
A la différence d’autres
spécialistes improductifs employés par les capitalistes,
mais dont le travail ne concerne pas du tout la création
de plus-value, la rétribution des cadres prend la forme
juridique du salaire, comme s’il s’agissait de travailleurs
productifs.
Il s’agit bien évidemment
d’un fait de superstructure qui n’a pas du tout le
même contenu de base que le salaire propre­ment dit
qui est prix de la force de travail productrice de plus -value
[6].
Néanmoins, ce n’est
pas par hasard que cette forme est régulièrement
choisie par les capitalistes pour rétribuer leurs cadres
(de préférence au pourcentage sur les bénéfices
par exemple) c’est qu’à leurs yeux tous les
employés de l’entreprise, directeurs, cadres, ouvriers,
ont le même statut, sinon la même importance et concourent
au même titre, mais inégalement (d’où
l’inégalité des salaires)[7] à “la
bonne marche" de l’entreprise, et de fait le directeur,
le cadre et l’ouvrier ont bien pour trait commun d’être
en rapport avec la plus-value (le fait que seul ce dernier la
produit est évidemment tout à fait dissimulé
à celui qui l’empoche), au con­traire des artistes
par exemple rie sont pour le capitaliste qu’une source de
dépense improductive et occasionnelle de son profit.
Pour formelle qu’elle soit,
la détermination du salaire a donc une certaine base objective
et fixe de manière précise la position des cadres
dans la formule trinitaire des revenus profit, rente foncière,
salaire[8].
3 - Porteurs de science et travail
productif
Le problème posé par
les porteurs de la science est plus complexe c’est même
à cause de cette complexité et pour la lever qu’a
été formulée la thèse qui nous occupe
principalement et que nous rencontrons enfin pour elle-même
la science est une force productive directe, donc les porteurs
de la science sont des producteurs (points B et C du raisonnement
de Glucksmann).
Il faut observer dès l’abord
que le lien logique entre les deux parties de la thèse
n’est pas valide quoi que puisse être la science,
le porteur de science est producteur si et seulement s’il
produit de la valeur.
De même qu’un artisan
quelconque n’est pas producteur, bien qu’il mette en
oeuvre des outils qui sont une force productive, s’il ne
produit pas une valeur (une plus-value), de même la science
peut être une force productive sans que le savant soit
un producteur.
Les deux questions étant
indépendantes, elles peuvent être examinées
séparément et d’abord la plus spectaculaire,
celle de la science.
Il est parfaitement exact que la
science occupe dans le mode de production capitaliste une position
particulière, qu’on ne retrouve dans aucune autre
formation historique.
Sans doute, le processus de production
suppose toujours un certain savoir (divisé en général
en savoir faire pratique et savoir faire théorique)[9]
et cela est vrai dans des modes de production bien antérieurs
au capitalisme ce qui est nouveau dans le mode de production
capitaliste, c’est que le savoir faire théorique
(principes généraux des procédés
techniques particuliers) entre en relation (jusqu’à
se confondre) avec la science il n’est pas nécessaire
historiquement que la théorie de la pratique technique
relève de la science (ce n’était pas le cas
dans la Grèce antique) et la révolution galiléenne
comporte bien que désormais la science soit applicable
dans la technique à des fins de développement économique,
c’est-à-dire en bref que la science con­cerne
le procès de production.
Mais tout cela ne signifie pas que
la science en elle-même soit devenue une force productive
directe, si du moins les termes sont pris en un sens précis.
Ce qui apparaît directement
dans le procès de production (et peut donc fonctionner
comme force productive) ce ne sont jamais que des pratiques techniques
mises en oeuvre ; ce qui intéresse le procès de
production, c’est tel ou tel procédé, telle
ou telle machine etc ., ce n’en sont pas les principes généraux;
or ce sont précisément ces principes généraux
que la science peut donner lorsqu’elle est appliquée
la science appliquée (forme “moderne” de la
théorie technique) ne se confond pas avec la technologie,
elle ne se préoccupe pas de construire les plans détaillés
de machines particulières, mais d’en donner le principe
et d’en démontrer la possibilité[10].
Toutes ces observations ressortent
directement des textes de Marx qui, en toute rigueur, ne considère
la science dans le procès de production que sous la forme
de l’invention[11], c’est-à-dire précisément
cette forme superstructurelle qui nomme la mise en relation,
typique du capitalisme, de la technique et de la science. Ce
n’est du reste pas un hasard si les notions d’invention
et d’inventeur sont elles-mêmes liées au mode
de production capitaliste et n’apparaissent pas avant lui.
Ce sont de plus des banalités
épistémologiques ; c’est pourtant leur méconnaissance
qui autorise la thèse de la science-force productive directe,
à laquelle les intellectuels progressistes semblent faire
si bon accueil.
On ne peut du reste s’empêcher
de soupçonner un jeu de mots dans l’exposé
qu’on en donne, dans la mesure où tout ce qui mérite
épistémologiquement le nom de science semble y
être impliqué (et de fait, seule cette extension
pourrait expliquer que tous les étudiants par exemple,
littéraires et scientifiques. sans aucun privilège
en faveur de ces derniers, aient pris part au mouvement de masses).
Il est bien clair cependant qu’il
n’y a pas lieu sur ce point de modifier l’opinion générale
seu­le intéresse le procès de production capitaliste
la science applicable techniquement[12].
D’autre part, même les
sciences technique­ment applicables ne sont pas des forces
productives directes, mais seulement les procédés
(inventions) qu’elles rendent possibles.
Nous pouvons sur cette base reprendre
le problème du chercheur et du savant en général
de même que la science, le savant peut être considéré
de points de vue tout à fait différents, le point
de vue épistémologique (qui n’intéresse
pas la société) et le point de vue social (qui
n’intéresse pas l’épistémologie)
; du point de vue de la société capitaliste, le
savant n’a qu’une fonction, celle d’inventer des
procédés applicables, et pour le capitaliste, il
n’a qu’une raison de lui verser des subsides, c’est
qu’il puisse en attendre des découvertes utiles.
Sans doute les chercheurs ne sont
pas en général directement employés par
le capitaliste dans une entreprise (encore que cela soit possible,
par exemple dans l’industrie chimique), mais cela n’empêche
pas que bien évidemment la classe capitaliste dans son
ensemble finance directement (fondations) ou par l’intermédiai­re
de l’état (université) la recherche scientifique.
Pour que ce financement soit en
général possible, il faut que la classe capitaliste
en escompte un bénéfice quelconque ; ce qui revient
à dire que la classe capitaliste escompte bien être
directement ou indirectement en mesure de disposer des inventions
produites par les chercheurs et que ces chercheurs sont des servants
directs ou indirects du capital.
Même quand la relation est
indirecte entre les chercheurs et les capitalistes, leur rétribution
prend en général la forme du salaire (par opposition
à d’autres travailleurs intellectuels non-productifs,
par exemple les artistes) ; même si de fait, comme c'est
le cas en France, le financement de ce salaire provient pour
une part majeure d’impôts levés sur toutes
les classes et principalement sur les classes laborieuses, c’est
bien la classe dominante capitaliste qui décide en dernier
ressort qu’une partie des impôts soit attribuée
au paiement des chercheurs, de sorte qu’il faut maintenir
pour ceux-ci la détermination de salarié indirect
du capital[13].
Sur la base de ces caractéristiques,
on peut justifier une définition du chercheur comme une
espèce particulière de cadre, ayant pour fonction
propre d’inventer des procédés techniques
(ou d’en rendre l’invention possible) capables d’augmenter
la productivité du travail .
Mais quand il emploie le savant
comme “cadre de l’invention”, le capitaliste n’escompte
pas en général que le travail de celui-ci produise
une marchandise douée de valeur, mais une in­vention
qui pourra être utilisée, c’est-à-dire
une valeur d’usage et son une valeur d’échange.
En d’autres termes. le capitaliste
emploie le chercheur pour la valeur d’usage qu’il produit
; le surtravail de ce dernier ne produit pas une plus-value ;
le salaire que lui verse le capitaliste n’est pas une source
de profit, mais un poste de dépen­se du profil.
Sans doute, indirectement, les inventions
ont pour effet d’accroître le profil en accroissant
la productivité ou en diminuant les dépenses en
capital constant, mais en elles-mêmes elles ne sont pas
un profit.
Par conséquent, vis-à-vis
du chercheur et du savant, le capitaliste n’est pas un capitaliste
et vis- à-vis du capitaliste. le ‘‘cadre de
l’invention’’ n ‘est pas producteur, cela
explique du même coup qu’il ne soit pas un prolétaire
(salarié productif) [14]Il appartient, comme tous les
cadres, à la catégorie des salariés non-productifs[15].
4. Les salariés_non-productifs:
être de classe
Sans doute il existe des différences
entre les salariés non-productifs et ainsi parmi les trois
types de cadres que nous avons distingués, financiers,
commerciaux et techniques, les deux premiers n’ont pas de
relation spécifique avec la science et leur compétence
est intrinsèquement liée aux structures de marché
et aux superstructures juridiques propres au mode de production
capitaliste.
Au contraire, le troisième
type de cadre (ingénieurs) est en rapport avec la science
en tant qu’elle donne la théorie générale
des procédés techniques qui sont l’objet propre
de ces spécialistes.
D’autre part, même si
toute leur technique est en fait imprégnée du capitalisme
où elle prend naissance, les problèmes que les
ingénieurs ont à régler contiennent un noyau
irréductible qui subsiste dans tout procès de production.
Ce noyau, il est vrai, n’apparaît
jamais à l’état pur et les procédures
techniques superficiellement les plus innocentes peuvent avoir
une signification de classe bien définie: il reste que
les spécialistes techniques ne sont pas aussi directement
liés au capitalisme que les autres.
Cette différence a pu se
marquer en Mai-Juin nous manquons de renseignements sur l’attitude
des comptables ou spécialistes commerciaux dans les entreprises,
il est néanmoins vraisemblable qu’elle a été
moins décidément progressiste que celle des jeunes
techniciens (par exemple les “blouses blanches” de
Rhône-Poulenc).
Une autre distinction évidente
doit être établie entre les salariés non-productifs
qui sont directement présents dans l’entreprise capitaliste
(par exemple les ingénieurs) et ceux qui, comme les chercheurs
ou les enseignants, n’ont qu’un rapport indirect et
non personnel avec le “patron” capitaliste.
Les formes de participation aux
luttes ouvrières ne seront pas les mêmes pour l’une
et l’autre catégorie puisque la première peut
entrer directement en liaison avec les masses ouvrières,
tandis que l’autre en est tenue éloignée par
tous les barrages matériels et idéologiques établis
dans la formation sociale (et les moindres d’entre eux ne
sont pas les appareils révisionnistes).
La propagande ne sera pas non plus
la même suivant qu’elle s’adresse ou non à
ceux qui peuvent avoir directement sous les yeux le processus
d’exploitation.
Toutes ces différences qui
peuvent être capitales lorsque les luttes sont engagées
de façon ouverte ne peuvent effacer la profonde communauté
des déterminations économiques.
De l’ensemble des cadres et
des chercheurs, nous pouvons en effet donner une caractéristique
commune : ce sont des salariés non-productifs.
Ainsi se trouve déterminée
d’une part leur position dans les rapports de production,
c’est-à-dire leur place par rapport à la production
de la plus-value (réalisée en profit) -ils ne créent
pas de plus-value mais concourent aux conditions matérielles
de son augmentation- et d’autre part, entre les trois formes
fondamentales du revenu, (profit, rente, salaire), celle qui
est en question le salaire.
En d’autres termes, cette caractérisation
répond aux réquisits marxistes d’une définition
de classe.
Pour compléter cette définition
strictement économique, et préciser définitivement
quel est l’être de classe des salariés non-productifs,
il reste à déterminer la forme politique de leur
intérêt de classe bourgeois, petit-bourgeois, prolétarien.
Sur ce point il semble que la réponse soit claire et que
l’on tienne en fait dans la détermination de salarié
non-productif une des base économiques objectives de la
petite-bourgeoisie.
De cette classe on connaît
la définition léniniste: classe oscillante, que
sa situation économique rapproche du prolétariat,
mais qui dépend idéologiquement de la grande bourgeoisie
— c’est-à-dire l’ensemble de ceux qui
servent l’exploitation de la bourgeoisie, sans être
exploiteurs eux-mêmes.
La mise en correspondance avec les
salariés non-productifs est immédiate ainsi sont-ils
par définition partagés en tant que non-producteurs,
ils sont bourgeois, en tant que salariés, ils partagent
le sort de la classe ouvrière ils ont en commun avec elle
les problèmes du chômage, de l’incertitude
de l’emploi, de la dépendance à l’égard
du patron, même ai ce chômage, et ces incertitudes
sont moins aiguës ; même ai cette dépendance
n’est pas une dépendance de classe.
Au niveau où la base économique
est organisée dans des formes superstructurelles (juridiques
entre autres) ils entrent dans la même catégorie
que les salariés productifs et peuvent s’unir à
eux sur la base de revendications économiques.
5 - Salariés non-productifs : position de classe
Lorsque les (jeunes) cadres et les
chercheurs se rangent aux côtés du prolétariat,
cela ne prouve pas qu’ils ne fassent pas partie de la petite
bourgeoisie; au contraire c’est sur la base mê­me
de leur être de classe petit-bourgeois que cette position
d’allié du prolétariat est possible.
Seulement ils se rangent aux côtés
du prolétariat plus rapidement et de façon plus
décidée qu’aucune autre fraction de la petite
bourgeoisie ;
ceci parce que des contradictions
spécifiques viennent renforcer la communauté économique
qui les rapproche de la classe ouvrière : entre autres,
le fait que les cadres et les chercheurs appartiennent au même
stade de développement économique que le prolétariat
industriel ;
ils constituent même la petite
bourgeoisie propre au capitalisme monopoliste, alors que les
autres fractions de la petite bourgeoisie (petits commerçants,
artisans, paysans moyens, etc.) proviennent de survivances au
sein du capitalisme monopoliste de stades antérieurs du
mode de production ou même de modes de production précapitalistes
[16].
Les cadres, les chercheurs et la
classe ouvrière dans sa majorité ont donc affaire
directement ou indirectement au même type de “patron”,
la grande entreprise.
A cela il faut ajouter que les porteurs
de la science sont par définition des intellectuels, plus
réceptifs que d’autres aux thèmes de la liberté
formelle et de la lutte populaire.
Enfin, par leur spécialité
même, ils perçoivent directement la dépendance
étroite où le capitalisme, tout en la finançant,
maintient en fait la science, limitant les moyens de son développement
quand elle ne le sert pas, ne la favorisant que pour perfectionner
grâce à elle l’exploitation du prolétariat
[17].
Tous ces facteurs conjoints font
pencher l’oscillation de l’intérêt de
classe du côté du prolétariat, la tâche
de la propagande marxiste étant de fixer le mouvement
de manière définitive.
Le problème qui se pose à
propos des cadres et des chercheurs est donc un problème
de stratégie révolutionnaire: celui d’une
alliance de la classe ouvrière avec une partie déterminée
de la petite bourgeoisie.
C’est une forme classique d’alliance
qui a été définie par Mao-Tsé-Toung:
la rejeter, sous prétexte de préserver la pu­reté
ouvrière de la révolution, c’est faire preuve
d’aventurisme, s’aveugler aux différences de
classe fondamentales qui subsistent au sein de l’alliance
sous forme de contradictions non antagonistes, c’est faire
preuve d'opportunisme.
Qu’on la prenne en un sens
ou dans l’autre, toute analyse qui se fonde sur la notion
obscure et con­fuse de “révolte commune des producteurs”
ne peut que masquer les problèmes stratégiques
et faire verser la ligne politique alternative­ment dans
l’une et l’autre erreur,
Il est vrai que Glucksmann a eu
l’intention de résoudre un problème qui se
pose effectivement la position de classe spécifi­que
de certains servants du capital.
Mais en utilisant des concepts économiques
(exploitation-production) et non pas politiques (oppression-résistance),
il est amené à manquer le point capital : il est
des groupes qui ne sont pas en termes d’être de classe
du prolétariat, mais dont il est possible sur cette base
de déplacer leur position de classe par une propagande
politique définie.
Le résultat de cette altération
des concepts est en dernière analyse une erreur sur l’interprétation
des événements de Mai-Juin et sur la tactique à
en déduire.
Notes
[1] Cf. Capital, 1, Vol, 1, note
b (Pléïade, p. 731)
[2] Cf. notre appendice 4.
[3] Chez Marx, les producteurs sont
producteurs de la plus-value, c'est-à-dire le fondement
de la richesse bourgeoise la contradiction de la société
bourgeoise tient en ceci que les producteurs de richesse sont
précisément ceux qui ne la possèdent pas
et réciproquement.
C’est vulgariser Marx que d’y
lire une opposition entre ceux qui produisent ou travaillent
en et ceux qui jouissent du fruit du travail sans rien faire
(cf. l’opposition maître/esclave ou la fable des abeilles
et des bourdons). A cela les séides du capital ont beau
jeu de faire valoir le travail harassant du grand financier ou
du capitaine d’industrie le point est que les capitalistes
peuvent en effet s’épuiser à la tâche
sans produire un atome de valeur, et qu’ inversement, ils
peuvent parfaitement rester oisifs sans que cela les empêche
d’être propriétaires de valeurs produites par
d’autres.
[4] Notre présentation est
simplifiée à dessein, de sorte que des confusions
peuvent se produire, si l’on s’en tient aux apparences
et la différence entre travailleur productif et non-productif
peut par­fois être obscurcie t par ex. un ouvrier,
de façon générale, ne produit pas un objet
parfaitement fini qui serait directement vendable ; il en produit
une pièce qui sert ensuite de matière première
à un autre ouvrier qui la modifie et ainsi de suite à
l’intérieur du processus de fabrication d’un
seul objet. Devra-t-on dire que l’ouvrier, dans ce cas,
n’est pas producteur, puisqu’ il produit quelque chose
qui n’a pas de valeur d’échange réalisable
? (l’objet produit n’est pas vendable tel quel), mais
seulement une valeur d’usage (utilité de la matière
première pour un autre ouvrier dans le procès de
fabrication)?
Évidemment non : le point
est que l’ouvrier, même s’il ne produit pas un
objet fini, directement vendable, c’est-à-dire une
valeur réalisable, n’en produit pas moins une valeur
qui s’incorpore au total et contribue à déterminer
la valeur du produit achevé. Le profit qui revient au
capitaliste correspond à l’ensemble des plus—values
créées par tous les travailleurs productifs aux
divers moments du processus de fabrication, et il n’est
pas une opération de l’ouvrier, qui ne contribue
à cet ensemble, même si au moment où elle
est créée, la plus value n’est pas encore
réalisable.
Au contraire le travail de l’ingénieur
n’est pas incorporé à la valeur du produit
son effet por­te sur les conditions matérielles dans
lesquelles cette valeur est produite. Cf. sur ce point le texte
de Marx cité dans la note suivante et, dans le Capital,
le chapitre 5 du Livre III, intitulé “Economie dans
l’emploi du capital constant” (Ed. Soc., tome VI, p.
96-99).
[5] Cf. Capital, III, 17, Ed. Soc.,
tome VI, p. 309 t “le travailleur commercial ne produit
pas directement de la plus-value, mais le prix de son travail
est déterminé par la valeur de sa force de travail,
donc par ce qu’il en coûte de la produire”. Cependant
“ce qu’il coûte et ce qu’il rapporte au
capitaliste sont des grandeurs différentes. Il lui rapporte
non pas parce qu’il crée directement de la plus-value,
mais parce qu’il contribue à diminuer les frais de
la réalisation de la plus-value, en accomplissant du travail
en partie non-payé” (ibid.).
Cette présentation peut servir
de guide pour préciser le statut des cadres dans leur
ensemble.
[6] Cf. Capital, III, 17, Ed. Soc.,
tome VI, p. 308 où Marx déclare à propos
des cadres commerciaux : “la dépense pour ces salariés,
bien qu’elle représente du salaire, se distingue
du capital variable dépensé pour acheter du travail
productif. Elle vient augmenter les dépenses du capitaliste
industriel, la masse du capital à avancer, sans augmenter
directement la plus-value. Car il s’agit d’une dépense
pour du travail uniquement consacré à réaliser
des valeurs déjà créées”.
[7] A propos du directeur d’entreprise,
cf. Capital, III, 23 , Ed. Soc., tome VII, p. 38 sqq. Du point
de vue économique, le directeur d’entreprise est
le capitaliste actif. les propriétaires (actionnaires)
n’étant que des bailleurs de fonds, en d’autres
termes le premier correspond au capital industrie] et les seconds
au capitalisme financier, Néanmoins du point de vue formel
et juridique, le capitaliste apparaît de plus en plus comme
un employé salarié des propriétaires. “Par
rapport au capitaliste financier, le capitaliste industriel est
un travailleurs, travailleur en tant que capitaliste, c’est-à-dire
un exploiteur du travail d’autrui” (ibid. p. 52). A
propos de l’inégalité des salaires, Marx observe
de plus que “dans la tète” du capitaliste actif
“se formera nécessairement l’idée que
son profit d’entreprise - loin de s'opposer de façon
quel­conque au travail d’autrui non payé - s’identifie
plutôt à une rémunération de travail
ou de surveillance (. . ) il considère que son salaire
est supérieur à celui d’un simple salarié,
1e parce que son travail est plus complexe 2e parce qu’il
se rétribue lui-même” (ibid. p. 45) Dans ce
cas, la ressemblance de forme juridique ne peut avoir aucune
portée objective (il n’y a pas solidarité
de salarié entre le directeur et les ouvriers, comme il
peut y en avoir une entre cadres et ouvriers) t c’est que
le directeur est salarié pour être exploiteur, ce
qui le distingue radicalement non seulement de l’ouvrier,
maïs aussi du cadre.
Il faut ajouter que le caractère
élevé du salaire n’est pas une détermination
uniquement quantitative socialement, un salaire élevé
est un salaire qui dépasse suffisamment le prix d’entretien
de la force de travail pour permettre à son possesseur
de l’investir. En d’autres termes, un salaire élevé
est un salaire qui permet à son possesseur de fonctionner
comme capitaliste : cela vaut pour tous les salariés,
même ouvriers (le cas s’est présenté
et se présente encore aux États-Unis.
[8] Bien que le capital variable
(capital investi dans l’achat de force de travail productive)
soit en général versé sous la forme de salaire,
au point que salariat (forme surperstructurelle) et rapport d’exploitation
capitaliste (détermination de base) puissent tItre identifiés,
il subsiste un certain degré d’indépendance
entre les deux.
Nous avons dans les cadres un exemple
de salaire qui ne répond pas à du capital variable.
l’exemple inverse est également attesté :
prenons ainsi l’écrivain qui vend son oeuvre à
un éditeur ; s’agit d’un rapport capitaliste
puisque l’œuvre représente le produit d'une
force de travail, et que l’éditeur n’achète
pas ce produit pour l’utiliser (le lire) mais pour en tirer
profit. La différence entre la somme versée à
l’auteur et le bénéfice de l’éditeur
constitue de la plus-value, réalisée comme profit,
et à strictement parler, ce que l’éditeur
achète, ce n’est pas du travail mais la force de
travail (passée) de l’auteur.
La rétribution de l’auteur
est bien du capital variable et pourtant elle n’a pas la
forme du salaire, mais celle d’une participation aux bénéfices
(droits d’auteur).
[9] Ce qui est désigné
ici par savoir-faire théorique ou théorie technique,
ne vise pas une notion épistémologique, mais un
fait institutionnel : ce qui, dans une formation sociale, est
reçu comme justification générale des procédés
techniques (explication de leur efficacité, critère
de leur admissibilité). On sait que suivant les sociétés,
ces justifications varient ainsi des procédés techniquement
tout à fait efficaces étaient en Chine impériale
appuyés par une mystique des nombres, une cosmologie,
etc... (Cf. les études de Granet). Au contraire, dans
le mode de production capitaliste, un procédé technique
ne sera considéré comme justifié que s’il
est référé à une science positive
: dans ces conditions, la “théorie technique”
prend la forme de la “science appliquée”.
[10] Même si l’os veut
étendre la notion de “force productive” au point
d’y englober à côté de la force de travail,
non seulement les moyens de production proprement dits, mais
la science appliquée qui permet de développer ceux-ci,
le qualificatif “direct”, rapporté à
la science, sers toujours inexact. Dans ces conditions, l’extension
considérée n’est rien de plus, semble-t-il,
qu’une variante stylistique, sans effet sur l’analyse
et partant sans intérêt.
[11] Cela ressort des citations
avancées par GLUCKSMANN lui-même.
[12] Il n’en va pas de même
dans le mode de production socialiste, comme le démontre
la révolution culturelle, où le marxisme-léninisme,
science dont le point d’application n’est pas la technique
agit de façon spécifique sur le procès de
production : cela est inimaginable dans le cadre du capitalisme).
[13] Dans toutes ces matières,
des facteurs superficiels propres ~ la France peuvent obscurcir
la ques­tion (réticence des industriels à financer
la recherche scientifique, rôle dominant de la machine
d’Etat). Au contraire, l’exemple des États-UnIs
est beaucoup plus clair et doit de toute éviden­ce
servir de critère pour déméler les confusions
(Cf. pour de, exemples, Baran et Sweezy, Monopolv capitalism
entre autres).
[14] Cela ne veut pas dire que le
prolétariat intellectuel soit impossible a priori. mais
simplement que cette détermination ne rend pas compte
du statut du chercheur.
Pour qu’il y ait prolétariat
dans ce cas, il faudrait imaginer des capitalistes embauchant
les chercheurs afin de vendre leurs inventions et non les utiliser
: on ne peut pas dire que le phénomène soit répandu.
Le prolétariat intellectuel
du reste existe (par exemple dans les écoles privées
dirigées par un capitaliste qui en escompte un profit:
il est remarquable qu'avec le développement du capitalisme,
cette forme tende précisément à disparaître
et qu’elle ait toujours semblé, au moment de sa plus
grande extension, une survivance du passé (c'est comme
telle qu'elle a été ou condamnée au nom
du progrès ou défendue au nom de la tradition.
Cela tendrait à prouver que le prolétariat intellectuel
proprement dit ne répond pas aux exigences du mode de
production capitaliste.
[15] La même détermination
permet de donner un statut au groupe des enseignants que, de
façon surprenante, GLUCKSMANN et d’autres ne mentionnent
même pas , alors que leur importance numérique et
leur activité en Mai-Juin a été au moins
égale à celle des chercheurs.
De manière générale,
dans la forme la plus avancée du capitalisme quelconque
(municipalité, fondation, etc. ) non pas pour qu'on en
tire une plus-value, mais en fonction de la valeur d'usage qui
leur est propre: enseigner les connaissances nécessaires
aux agents et aux servants du capital.
Ceci doit être entendu en
un sens très général, qui recouvre aussi
bien les connaissances techniques et scientifiques requises pour
être exploité ou exploiter avec profit, que les
formes idéologique propres à maintenir ou développer
cette exploitation.
En d’autres termes, les enseignants
ne sont pas producteurs, bien que leur travail intéresse
le procès de production,
[16] Il ne s’agit pas de minimiser
les différences qui existent entre les deux types de petite-bourgeoisie.
En fait, leur définition économique est très
différente. Mais, la définition politique (Structure
oscillante de l’intérêt de classe) prime en
ce cas.
De la même façon, Marx
rangeait dans la même classe les épiciers et leur
“représentants politiques ou littéraires”
(Le l8—Brumaire, Ed. Soc., p. 201).
Ou plus clairement peut-être
les contradiction, parfois très aiguës qui ont opposé
au cours du XIXè siècle les grands agrariens et
les industriels n'ont jamais empêché l'analyse marxiste
de les considérer comme une seule et mène classe,
porteuse d’un seul et même intérêt fondamental.
[17] Ce type d’ambiguïté
est aujourd’hui vivement ressenti par les chercheurs progressistes
des États-Unis qui savent très bien que leur activité
scientifique est rendue possible par des crédit, que dispensent
les grands monopoles et les organismes d’un État
impérialiste (en particulier l'armée).
Cette contradiction ente l’idéologie
largement répandue de la science libre et impartiale,
et la réalité objective de son développement
a pu devenir Insupportable à un grand nombre et constituer
un puissant facteur de mobilisation dans les Universités
américaines.
C’est la seule signification
politique précise qu’il est possible de reconnaître
à l’idée fréquemment émise que
les savants et chercheurs auraient intérêt au socialisme
parce que seul il permet le libre épanouissement de la
science.
De façon plus exacte, la
notion d’intérêt (au sens du moins d’intérêt
politiquement défini, c’est-à-dire Intérêt
de classe) est ici inapplicable : les petits-bourgeois, par hypothèse,
n’ont pas d’intérêt de classe fixe, mais
un intérêt oscillant ente
la bourgeoisie et le prolétariat.
Ce qui peut exister, ce sont des facteurs objectifs spécifiques
qui font pencher l’oscillation des petits-bourgeois du côté
du prolétariat, c’est-à-dire des motifs propres
(et non un intérêt) qui les poussent à faire
leur l’intérêt du prolétariat.

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