Centre Universitaire d'Étude et de Formation marxistes-léninistes

Les étudiants, les cadres et la révolution

Janvier 1969

Appendices

APPENDICE 1 La pseudo - révolution scientifique

La thèse de la science force productive directe repose sur un postulat implicite chez Glucksmann, explicite chez Bensaïd et Weber le caractère fondamental et radicalement nouveau d’un processus de “réintégration du travail intellectuel dans le travail productif”.

Cette position reçoit sa forme la plus cohérente chez Juquin où ces deux caractères sont résumés par le concept de “révolution”.

Pour éclairer la confusion, il faut au contraire séparer les deux aspects

1) Il y a un phénomène fondamental c’est la place de la science dans le mode de production capitaliste, où elle entre en liaison avec les procédés techniques et le procès de production. Mais ce phénomène fondamental n’a aujourd’hui rien de nouveau il remonte à la Renaissance.

2) Il y a un phénomène nouveau il est parfaitement vrai qu aujourd’hui une mutation profonde a lieu dans la technologie (“troisième révolution industrielle”).

Mais ce type de changement n’a rien de fondamental et répond simplement au mouvement continu de la reproduction élargie, qui entraîne un accroissement de la masse du capital constant et l’insuffisance de l’ancienne technologie.


Déjà au cours de l’histoire, il est arrivé que l’accroissement du capital constant a été tel que les anciens procédés techniques n’étaient plus en mesure de le mettre en mouvement de manière productive : c’est alors qu’on est passé de procédés techniques fondés sur l’énergie vivante, à des procédés fondés sur la vapeur, puis l’électricité la cause du changement, on le sait, n’est pas ici la découverte de nouveaux procédés ou de nouvelles sources d’énergie, mais bien le capital constant, la nouvelle technologie n’étant adoptée qu’au moment où il est impossible de s’en tenir à l’ancienne (ainsi l’électricité comme source d’énergie et la possibilité d’une technologie fondée sur elle ont été connues avant la seconde “révolution industrielle”).

Mais ces mutations technologiques, capitales pour le mode de production capitaliste, ne peuvent être fondamentales puisqu’elles ne changent rien aux règles de celui-ci; elles ne changent rien évidemment aux structures économiques et sociales, mais aussi elles ne changent rien à la place de la science: on peut dire que le degré d’intégration entre science, technique et production a toujours été maximum à chaque étape du développement.

Les Académies de Colbert, les Physiocrates, l’Ecole Polytechnique etc. ont à chaque fois représenté à leur époque le de­gré de proximité le plus grand possible entre science et production.

La différence entre l’époque de Colbert et les “temps modernes” ne réside pas dans la distance entre science et production mais

1) dans le degré d’extension des rapports capitalistes (notamment l’existence du marché mondial)

2) dans les dimensions quantitatives du capital constant et la puissance des forces productives (techniques ou non du reste) nécessaires pour le mettre en mouvement.

Le mode de production capitaliste ne connaîtra de changement “fondamental”, de “révolution au sens de Marx” que, précisément par une révolution au sens de Marx, c’est-à-dire la prise du pouvoir par le prolétariat.

Cela est élémentaire dans le marxisme, de même que les développements sur les innovations radicales sont triviaux de la part des représentants du capitalisme : depuis toujours, chaque étape du développement des forces productives a été saluée par la bourgeoisie comme un “progrès” sans précédent, une mutation radicale, une “révolution” (industrielle).

A ce titre, les mots de “révolution” et de “fondamental” ne sont qu’un vocabulaire institutionnalisé qui permet à la bourgeoisie de croire et de faire croire que même les changements les plus profonds laissent toujours inchangées ses structures économiques et politiques, qui sont ainsi une fois de plus éternisées,

Il n’y a qu’une nouveauté dans l’affaire, et elle est aussi vieille que Kautsky et consorts, c’est que les sottises bourgeoises soient reprises par de prétendus marxistes, et ce phénomène est bien, lui, fondamental il a un nom, le révisionnisme.

APPENDICE 2 La jeunesse

Le raisonnement de Glucksmann (“un jeune ouvrier n’est pas un ouvrier d’âge mûr. un jeune cadre n’est -assez souvent- pas un vieux cadre”) devrait, tel qu’il est présenté, être poursuivi “un jeune bourgeois n’est pas un vieux bourgeois” ; ceci met à nu le danger de la formulation adoptée: proposer la jeunesse comme une atténuation de la lutte des classes (ce qui n’est évidemment pas la position de Glucksmann).

En fait, ce qui est passé sous silence, c’est que s’il y a bien différence dans les deux cas, elle ne peut être dite la même : le rapport entre jeune ouvrier et ouvrier même peut être identifié au rapport entre jeune cadre et vieux cadre que par une analogie (au sens propre) et cette analogie (égalité de rapports), qui seule permet de parler par abstraction de “jeunesse”, n’est elle-même possible qu’à condition d’oublier la disparité des classes,

Cela n’apparaît pas chez Glucksmann parce que selon lui la différence s’efface entre jeune ouvrier et jeune cadre (sur­tout jeune technicien) mais la pétition de principe est évidente

- la différence de classes s’efface à cause de la commu­nauté de la détermination “jeunesse”.

- la détermination “jeune” n’est commune que si la différence des classes est effacée.

Du point de vue social, il faut considérer la jeunesse comme une institution qui, dans une formation sociale, règle sous forme de hiérarchie le fait (censé “biologique”) d’une différence.

C’est donc une institution de même nature que la règle des sexes (primauté de l’homme dans les sociétés occidentales) ou celle des races

Là où il y a hiérarchie dans une société, il y a oppression et donc résistance.

Il est parfaitement exact donc que la jeunesse peut servir de base de mobilisation politique, utilisable par la propagande prolétarienne au même titre que le féminisme (dont on sait l’importance dans le mouvement ouvrier au XIXe siècle, attestée par le livre de Bebel sur la femme, et les figures de R. Luxembourg, I. Armand, S. Pankhurst etc.) et que la révolte des minorités ethniques (Cf. Bund, mouvement afro-américain).

Cela dit cette base n’est pas en elle-même prolétarienne il existe un féminisme réactionnaire et des organisations capitalistes juives ou noires : et l’on connaît l’usage politique des thèmes centrés sur la “révolte des jeunes”.

En tant qu’institutions répressives traversant, semble-t-il, les divisions de classe, les règles hiérarchiques du type décrit donnent lieu à des revendications apparemment communes à toutes les classes, mais précisément, ainsi que Lénine le faisait observer à I. Armand à propos du féminisme (Lettre du 24 janvier 1915, tome 35, pp. 178-181), il appartient aux marxistes de distinguer entre revendications bourgeoises et revendications prolétariennes.

C’est donc toujours sur une base de classe déterminée que les mouvements de révolte des femmes, des minorités ethniques, des jeunes doivent être organisés.

On pourrait résumer le schéma de la façon suivante

1) les contradictions propres à le jeunesse peuvent (a) pousser un fils de grand-bourgeois vers la petite-bourgeoisie, (b) rallier un petit-bourgeois au prolétariat.

2) seulement alors, sur la base d’une position de classe déjà fermement acquise, qu’il existe une base pour une solidarité entre jeunes petits-bourgeois et jeunes ouvriers.

APPENDICE 3 Être de classe et position de classe

Dans une analyse de classes, on distinguera l'être de classe et la position de classe.

1) L’être de classe est défini

a) suivant des critères économiques (position dans les rapports de production et source de revenus),

b) suivant des critères politiques, c’est-à-dire d’après l’intérêt de classe déduits des facteurs économiques de base,

Il y a deux intérêts de classe fondamentaux

- l’intérêt de classe bourgeois augmenter le profit et, autant qu’il est effectivement possible, maintenir les formes d'oppression les plus propres à favoriser cette augmentation.

- l’intérêt de classe prolétarien abolir le rapport d’exploitation, procès économique de création de la plus--value et oppression politique.

L’intérêt de class e petit-bourgeois n'est pas indépendant des deux autres dans son contenu, mais il est spécifique clans sa forme, puisque c’est le seul intérêt de classe oscillant.

Le même intérêt de classe(économique et politique) peut avoir pour base des facteurs économiques descriptivement très différents.

C’est pourquoi il y a des fractions clans une classe (ainsi les agrariens et les industriels dans la grande bourgeoisie), entre lesquelles les contradictions peuvent être très vives et même parfois antagonistes.

Dans ces conditions étant donné une conjoncture particulière, le même intérêt de classe peut prendre des contenus très différents suivant les particularités économiques descriptives de sa base objective.

Ainsi le même intérêt de classe (augmenter le profit), sur une base économique formellement identique position d'exploiteur dans les rapports de production, revenu issu du profit), mais descriptivemerrt différente (collaboration ou non-collaboration avec le capitalisme étranger) a conduit en Chine la bourgeoisie compradore et la bourgeoisie nationale à adopter des positions antagonistes vis-à-vis de l’impérialisme étranger, et à ranger la seconde aux côtés du prolétariat.

2) Ainsi faut-il distinguer entre l'être de classe et la position de classe puisque la même classe peut se trouver divisée en fractions qui s’opposent, et que la même position peut réunir des groupes provenant de classes différentes.

De même qu’il y a deux êtres de classe fondamentaux, il y a deux positions de classe pour ou contre le prolétariat.

L’analyse de classes n’est achevée que si les particularités des fractions sont précisées et que par elles, on peut répondre à la question étant donné la position du prolétariat, quelle est la position des diverses classes et fractions de classe dans une conjoncture donnée ?

Pour les fractions de la petite-bourgeoisie en particulier, l’intérêt de classe, n’ayant pas de matière propre, ne peut varier que dans la forme de son oscillation.

C'est pourquoi l’analyse dans ce cas a pour tâche d’étudier les facteurs objectifs qui déterminent le sens et le rythme du mouvement oscillant propre à chaque fraction.

En ce qui concerne les étudiants, le problème se particularise de la façon suivante :

- Ils ne tirent pas leur être de classe de leur statut d’étudiants, mais de conditions objectives situées hors de l‘Université dans la formation sociale soit leur origine sociale, soit leur avenir.

- Même si les bases économiques sont indirectes elles n'en sont pas moins suffisantes à fixer l’intérêt de classe d’un sujet pour ou contre l’exploitation - ou de manière oscillante.

L'un ou l‘autre. Puisque la question posée concerne le groupe des étudiants, la réponse est descriptive et statistique et puisque les faits descriptifs sont clairs, on peut dire que le problème est résolu : pour la majorité des étudiants, l’intérêt de classe est de forme petite-bourgeoise.

Sans doute-, il y aura des cas particuliers : pour que l'intérêt de classe d‘un sujet donné se fasse petit-bourgeois, il peut arriver que parmi les déterminations économiques indirectes son avenir l’emporte sur son origine ou inversement.

De même, pour que l’intérêt de classe petit-bourgeois penche du côté du prolétariat, il faut parfois que des déterminations idéologiques l’emportent sur l’économie etc.

Peu importe : il va de soi que des cas particuliers appellent des analyses particulières; le point n’est donc pas que pour ceux-ci les analyses générales ne soient pas suffisantes, puisque cela est impliqué d'emblée, mais qu’au minimum elles n'interdisent pas des analyses particulières adéquates, ou au maximum qu’elles leur soient nécessaires.

 

APPENDICE 4

Karl MARX Travail productif et improductif

Karl Marx : Matériaux pour l'économie - Œuvres Tome II, Pléïade, p392 et suivantes.

«...... Les fonctionnaires peuvent ainsi devenir des salariés du capital sans être pour autant des travailleurs productifs.

L’expression “travail productif” n’est qu’un terme abréviatif pour désigner la forme particulière que le travail et la force de travail revotent dans le système de production capitaliste.

Par conséquent, quand nous parlons de travail productif, nous parlons du travail socialement déterminé, du travail qui implique un rapport bien déterminé entre acheteur et vendeur de travail.

Le travail productif s’échange directement contre l’argent en tant que capital, c’est-à-dire contre l’argent qui, en soi, est du capital, qui est destiné à fonctionner comme capital et qui, comme tel, fait fa­ce à la force de travail.

Par conséquent, est productif le travail qui ne fait que reproduire pour le travailleur la valeur prédétermi­née de sa force de travail et qui, en tant qu’activité créatrice de valeur, fait fructifier le capital en opposant au travailleur lui-même, sous la forme du capital, les valeurs produites par cette activité.

Le rapport spécifique entre le travail matérialisé et le travail vi­vant, qui transforme le premier en capital, fait que le second devient du travail productif.

La plus-value, produit spécifique du processus de la production capitaliste, est créée uniquement grâce à l’échange avec le travail productif.

Ce qui en constitue la valeur d’usage spécifique pour le capital, ce n’est pas son caractère utile bien déterminé, pas plus que les qualités utiles particulières du produit dans lequel il se matérialise, mais son caractère d'élément créateur de la valeur d’échange (plus-value).

Le processus de la production capitaliste n’est pas seulement production de marchandises.

C’est un processus qui absorbe du travail non payé et change les instruments de production en moyens pour absorber du travail non payé.

De ce qui précède, il résulte que le fait, pour le travail, d’être productif n’a absolument rien à voir avec le contenu déterminé du travail, son utilité particulière ou la valeur d’usage particuliè­re dans laquelle il se matérialise.

Par conséquent, du travail dont le contenu reste inchangé peut être à la fois productif et improductif.

Milton, par exemple, qui a écrit Paradise lost, était un travailleur improductif.

Mais l’auteur qui fournit à son éditeur du travail industriel est un travailleur productif.

Milton a produit Paradise lost ainsi qu’un ver à soie produit la soie comme une manifestation de sa nature.

Plus tard, il vendit son produit pour 5 L et devint ainsi marchand.

En revanche, l’écrivain prolétaire de Leipzig qui produit des livres sur commande pour son libraire, par exemple des manuels d’économie politique, est assez près du travailleur productif, dans la mesure où sa production est subordonnée au capital et ne s’effectue que pour le faire fructifier. Une chanteuse qui chante comme un oiseau est un travailleur improductif. Lorsqu'elle vend son chant, elle est salariée ou marchande.

Mais la même chanteuse, engagée pour donner des concerts et rapporter de l’argent, est un travailleur productif, car elle produit directement du capital. Un maître d’école qui donne des leçons n’est pas un travailleur productif.

Mais lorsque, avec d’autres maîtres d’école, il est engagé dans une institution comme salarié pour faire fructifier par son travail l’argent des patrons d’institutions qui commercialisent l’enseignement, il est un travailleur productif.

Toutefois, la plupart de ces activités ne tombent guère formellement sous la catégorie du capital elles appartiennent aux formes de transition.

Certains travaux susceptibles d’être consommés uniquement comme services ne peuvent constituer des produits à part, transformables en marchandises autonomes toutefois, ils peuvent être exploités directement de manière capitaliste. Mais, comparés à la masse de la production capitaliste, ces travaux sont quantitativement peu importants!.»

APPENDICE 5

MAO TSE-TOUNG Le mouvement de la jeunesse

Mao Tse-toung «L'orientation du mouvement de la jeunesse» (mai 1939), Œuvres, II, 263-264.

«Il y a aujourd’hui vingt ans se produisit en Chine un grand événement, connu dans l’histoire sous le nom de Mouvement du 4 mai et auquel participèrent les étudiants ce fut un mouvement d’une portée considérable. Quel a été le rôle de la jeunesse chinoise depuis le “4 mai’ ?

Celui d’une avant-garde en quelque sorte chacun le reconnaît dans le pays, sauf les réactionnaires irréductibles.

Mais qu’entend-on par jouer un rôle d’avant garde?

C’est prendre la tête, c’est marcher au premier rang de la révolution. Il existe, dans les rangs du peuple chinois en lutte contre l’impérialisme et le féodalisme, un corps formé par les jeunes intellectuels et étudiants.

C’est un corps assez considérable bien que de nombreux jeunes gens aient déjà donné leur vie, il compte aujourd’hui un effectif de plusieurs millions.

C’est une armée qui forme l’un des fronts, et c’est môme un front important, dans la lutte contre l’impérialisme et le féodalisme.

Mais cette armée ne suffit pas et nous ne pourrons vaincre l’ennemi en comptant uniquement sur elle, car, après tout, elle n’est pas la force principale.

Quelle est donc la force principale ?

Ce sont les ouvriers et les paysans. Nos jeunes intellectuels et nos étudiants doivent se mêler aux masses ouvrières et paysannes, qui représentent les 90 pour cent de la population les mobiliser et et les organiser.

Si nous n’avons pas cette force principale constituée par les ouvriers et les paysans, si nous comptons uniquement sur le corps ,des jeunes intellectuels et étudiants, nous ne pourrons triompher’ de I‘impérialisme et du féodalisme.

C’est pourquoi toute la jeunesse intellectuelle et étudiante du pays doit s‘unir aux larges masses ouvrières et paysannes et faire corps avec elles voilà le seul moyen de constituer une force puissante.

Une armée de plusieurs centaines de millions d'hommes Avec elle nous emporterons les solides positions de l’ennemi et détruirons ses derniers bastions.

Si l’on considère de ce point de vue le mouvement de la jeunesse dans le passé, une tendance erronée doit être signalée: ces dernières décennies, une partie des Jeunes ne voulaient pas s'unir aux masses ouvrières et paysannes et s'opposaient au mouvement ouvrier et paysan; ils formaient un contre-courant au sein du mouvement des jeunes.

Ils manquaient vraiment de bons sens en re­fusant de s’unir aux masses ouvrières et paysannes, aux 90 pour cent de la population, en allant même jusqu’à s’opposer carrément aux ouvriers et aux paysans.

Était-ce là un courant souhaitable ? Je pense que non, car s’opposer à eux, c’est s’opposer à la révolution.

C’est pourquoi je dis que c’était un contre-courant au sein du mouvement de la jeunesse. Un tel mouvement ne peut rien donner de bon. J’ai écrit, il y a quelques jours, un petit article dans lequel je disais

“Pour déterminer si un intellectuel est révolutionnaire, non révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, il y a un critère décisif c’est de savoir s’il veut se lier et s’il se lie effectivement aux masses ouvrières et paysannes”.

J’ai énoncé là un critère, le seul valable à mon avis, Comment s’y prendre pour déterminer si un jeune est révolutionnaire ou non?

Comment faire la distinction ?

Il n’y a qu’un seul critère, c’est de voir si ce jeune veut se lier aux masses ouvrières et paysannes et se lie effectivement à elles. S’il le veut, et s’il le fait, c’est un révolutionnaire; dans le cas contraire, c’est un non-révolutionnaire ou un contre-révolutionnaire.

Qu’il se lie aujourd’hui aux masses d’ouvriers et de paysans, il est un révolutionnaire ; que, demain, il cesse de le faire, ou qu’il se mette au contraire à opprimer les simples gens, il sera alors un non-révolutionnaire ou un contre-révolutionnaire”.


APPENDICE 6

MAO TSE-TOUNG

Les diverses fractions de la petite bourgeoisie autres que la paysannerie

Mao Tse-toung «La révolution chinoise et le parti communiste chinois » (décembre 1939), Œuvres, II, 343-344.

La petite bourgeoisie comprend outre la paysannerie, la masse des intellectuels, des petits commerçants, des artisans et des membres des professions libérales.

La situation de toutes ces fractions ressemble plus ou moins à celle des paysans moyens. Elles subissent l’oppression de l’impérialisme, du féodalisme et de la grande bourgeoisie et s’acheminent de plus en plus vers la ruine et la déchéance.

Elles constituent donc une des forces motrices de la révolution, une alliée sure du prolétariat; elles ne pourront se libé­rer que sous la direction du prolétariat.

Faisons maintenant l’analyse de ces diverses fractions.

Premièrement, les intellectuels et les jeunes étudiants.

Ils ne forment ni une classe ni une couche sociale distincte. Néanmoins, dans la Chine d’aujourd’hui, leur origine familiale, leurs conditions de vie et la position politique qu’ils adoptent permettent de classer la majorité d’entre eux dans la petite bourgeoisie.

Au cours des dernières décennies, leur nombre s’est considérablement accru en Chine.

A l’exception du groupe d’intellectuels qui s’est rap­proché de l’impérialisme et de la grande bourgeoisie et qui travaille pour eux contre le peuple, la plupart des intellectuels et des étudiants subissent l’oppression de l’impérialisme, du féodalisme et de la grande bourgeoisie et sont menacés de se trouver sans travail ou de devoir interrompre leurs études.

De ce fait, ils sont fort enclins à la révolution.

Ils ont plus ou moins assimilé la science bourgeoise, possèdent un sens politique aigu et souvent ils jouent un rôle d’avant-garde et servent de pont dans l’étape actuelle de la révolution.

Le mouvement des étudiants chinois à l’étranger avant la Révolution de 1911, le Mouvement du 4 mai 1919, le Mouvement du 30 mai 1925 et le Mouvement du 9 décembre 1935 en sont des preuves éclatantes.

En particulier, les larges couches d’intellectuels relativement pau­vres sont capables de participer à la révolution ou de lui apporter leur soutien, en se plaçant aux côtés des ouvriers et des paysans.

En Chine, c’est d’abord parmi les intellectuels et les jeunes étudiants que les idées du marxisme-léninisme ont reçu une grande dif­fusion et trouvé une large audience.

On ne peut réussir à organiser les forces révolutionnaires et à accomplir le travail révolutionnaire sans la participation des intellectuels révolutionnaires.

Mais, avant que les intellectuels se jettent corps et âme dans la lutte révolution­naire des masses, qu’ils se décident à les servir et à faire corps avec elles, il arrive souvent qu’ils sont enclins au subjectivisme et à l’individualisme, que leurs idées sont stériles et qu’ils se mon­trent hésitants dans l’action.

Aussi, bien que les nombreux intellectuels révolutionnaires chinois jouent un rôle d’avant-garde et ser­vent de pont, tous ne sont pas révolutionnaires jusqu’au bout.

Dans les moments critiques, une partie d’entre eux abandonnent les rangs de la révolution et tombent dans la passivité certains deviennent même des ennemis de la révolution. Les intellectuels ne viendront à bout de ces défauts qu’en participant longuement à la lutte des masses.

Deuxièmement, les petits commerçants.

Ils tiennent boutique généralement avec très peu ou point de commis.

Exploités par l’impérialisme, la grande bourgeoisie et les usuriers, ils sont menacés de faillite.

Troisièmement, les artisans. Ils représentent une masse nombreuse.

Possédant en propre des moyens de production, ils n’embauchent pas d’ouvriers ou bien n’emploient qu’un ou deux apprentis ou aides.

Leur situation est comparable à celle des paysans moyens.

Quatrièmement, les membres des professions libérales. Cette catégorie comprend des gens appartenant à diverses professions, par exemple les médecins.

Ils n’exploitent pas le travail d’autrui ou ne le font que dans une faible mesure, Leur situation rappelle celle des artisans.

Les diverses fractions de la petite bourgeoisie que nous venons d’examiner forment une masse très importante que nous devons gagner à nous et protéger, parce qu’elles sont en général capables de participer à la révolution ou de lui apporter leur soutien et d’en être de très bonnes alliées.

Leur défaut, c’est que certains de leurs éléments tombent facilement sous l’influence de la bourgeoisie; aussi devons-nous faire parmi elles de la propagande et du travail d’organisation révolutionnaires.»