A propos d'un
document prônant des actions illégales
Article
paru dans Front Social
Nous avons pu recevoir un long document
de 15 pages prônant des actions armées et intitulé
" Des mots aux armes, des armes à la Révolution
".
Ces 15 pages étaient accompagnées
d'une feuille recto-verso contenant " 17 points pour la
Révolution armée ".
Après un première impression marquée par
le scepticisme, nous avons considéré ce document
comme intéressant et avons décidé d'en parler.
Vu le contenu, on peut considérer
qu'il ne s'agit pas d'une provocation ; vu que ce document est
lu, il est nécessaire d'ouvrir un débat.
Notons néanmoins que le débat est difficile. Bien
sûr, d'un côté, l'histoire de Front Social
est également l'histoire de la lutte pour ouvrir le débat
quant à la violence révolutionnaire.
Nous sommes à l'origine d'une grande avancée à
ce sujet, au grand désespoir des réformistes de
toutes tendances.
Mais nous avons aujourd'hui le dilemme inverse.
Le groupe (sans nom) ayant "
pondu " ce texte n'est pas vraiment là pour débattre
; ce point est difficilement acceptable.
Nous rejetons le schéma légal/illégal
qu'impose la bourgeoisie. Il ne suffit pas de partir de l'illégalité
pour avoir raison. D'ailleurs, il est assez absurde de critiquer
ceux qui ne font rien et, de l'autre, de pondre un texte sur
la lutte armée sans revendiquer aucune action en tant
que tel !
Agiter, coller des affiches, distribuer des tracts, diffuser
des revues et des documents révolutionnaires, faire de
la propagande, bomber, organiser les révolutionnaires,
organiser des comités de lutte, etc.
. tout cela
n'est pas rien et ne mérite pas d'être dévalué.
Dire " Demain est aujourd'hui
! Lutte armée jusqu'à la révolution ! "
est une chose ; en attendant aujourd'hui n'est pas demain et
on ne peut pas dire que nous soyons encore très nombreux/nombreuses
à assumer toutes les tâches de la militance révolutionnaire
Le fait est que le groupe " aux 17 points " se pose
comme mouvement, et non pas comme élément d'un
mouvement existant. Le groupe ne part ni des luttes des classes,
ni de l'anti-impérialisme, ni de l'antifascisme, etc.
Il rejette les luttes sectorielles,
il n'est pas un bras armé, il veut lancer un nouveau mouvement,
qui soit armé et " révolutionnaire ".
Il critique d'ailleurs les " FTP " pour n'avoir justement
été qu'un mouvement partiel.
Cela est sûrement vrai, mais au moins les FTP ont existé
sur autre chose que sur le papier
. La politique, il est
plus facile d'en parler que de la faire
Il est facile de
critiquer la pratique des autres quand on en a soi-même
pas, et d'arriver en disant : il faut tout casser ! Ce n'est
ni plus ni moins que du simple gauchisme.
Mais regardons ce que dit exactement le groupe aux 17 points.
Car il faut se confronter aux positions de ce groupe, comme il
faut se confronter aux positions de TOUS les groupes révolutionnaires.
Il n'y a aucune raison d'exclure
tel ou tel groupe ; ceux/celles qui tentent de passer sous silence
l'existence d'actions illégales ou de groupes se positionnant
positivement par rapport à l'illégalité
sont à rejeter le plus fermement possible!
Ceux/Celles ne parlant que de la répression et en profitant
pour nier le débat politique faisant avancer le mouvement
révolutionnaire doivent être fermement critiquéEs
!
Cela ne signifie pas qu'il faille être " bienveillant
" avec les groupes prônant l'illégalité
; il faut simplement être franc, confronter les positions,
afin de distinguer ce qui est juste de ce qui ne l'est pas, pour
avancer.
Le groupe " aux 17 points " dit :
· " Il y a une disparition de la notion de classe
au sens de son ancienne définition. La classe ouvrière
est morte, la classe paysanne est morte, la classe étudiante
est morte. Cette notion de classe est morte dans l'uniformisation
des comportements socioculturels vers ce que l'on peut qualifier
d'" idéalisme bourgeois ".
· Mais cet " idéal
" visant à une satisfaction bassement matérialiste
et inégalitaire, provoque en réaction une contre-culture
qui ne demande qu'à exploser".
· " Cette économie génère une
société à plusieurs vitesses où une
minorité s'accapare les richesses produites par une majorité
rendue, de fait, toujours plus soumise ".
· " La lutte armée n'est une science politique
mais une technique révolutionnaire ".
· " La lutte armée révolutionnaire
est rupture, c'est pour cela qu'elle est armée. L'action
armée étant, dans un cadre révolutionnaire,
la plus haute rupture consommée d'avec le système
et ses transitions et inutiles pièges ".
· " Se définir comme sujets révolutionnaires
autonomes c'est s'organiser comme groupe armé et adopter
la violence comme technique révolutionnaire ".
· " La symbiose politico-révolutionnaire initiale
détermine le développement ultérieur du
processus révolutionnaire en démasquant les contradictions
du système et en provoquant l'apparition de groupes de
lutte armée agissant sur un concept similaire.
Cette symbiose s'articule dans son
développement autour des principes de conscientisation
et d'émulation, garantissant contamination révolutionnaire
et popularité de la lutte ".
Pour nous, il va de soi que ces positions sont erronées.
L'histoire est toujours l'histoire de la lutte des classes, et
il est absurde de parler d'" uniformisation des comportements
socioculturels " et de soumission toujours plus grande des
masses.
C'est une lecture pessimiste marquée
par la capitulation. Nous ne disons pas qu'il faille tout voir
à travers un prisme triomphaliste, mais il ne faut pas
confondre retraite et liquidation.
Cette lecture anti-prolétarienne du groupe aboutit d'ailleurs
à un point de vue bourgeois, à savoir le fait de
considérer la lutte armée comme une technique indépendante
de la politique.
Tel n'est pas notre point de vue.
Pour nous il y a une science bourgeoise de la guerre et une science
prolétarienne de la guerre (la guerre populaire). La guerre
populaire est d'ailleurs la véritable rupture avec le
système, pas la " lutte armée " prise
dans un sens abstrait et technique (" taper fort ",
" taper haut ").
C'est pour cela que le programme des Noyaux Autonomes pour le
Communisme dit : " La Guerre Populaire ne se confond pas
avec la guerre des partisanEs. Le processus révolutionnaire
comprend également l'organisation des masses, en comités,
en conseils populaires ".
Il y a ainsi une contradiction flagrante dans ce que dit le groupe
" aux 17 points " : d'un côté la lutte
armée est une technique, de l'autre elle est censée
assurer une popularisation spontanée de la lutte !? Comment
cela peut-il être ?
De fait, parler de " symbiose politico-militaire "
est un tour de passe-passe idéologique et un prétexte
pour rejeter un travail révolutionnaire conséquent.
C'est un réformisme inversé,
comme le disait Lénine : " Economistes et terroristes
s'inclinent devant deux pôles opposés de la tendance
spontanée : les économistes devant la spontanéité
du "mouvement ouvrier pur", les terroristes devant
la spontanéité de l'indignation la plus ardente
d'intellectuels qui ne savent pas ou ne peuvent pas lier en un
tout le travail révolutionnaire et le mouvement ouvrier.
Il est difficile en effet à
ceux qui ont perdu la foi en cette possibilité, ou qui
n'y ont jamais cru, de trouver une autre issue que le terrorisme
à leur indignation et à leur énergie révolutionnaire
".
Que propose le groupe aux 17 points ? Exactement comme les socialistes-révolutionnaires
de l'époque de Lénine, il veut " exciter "
les masses, pas les organiser. Pour nous, ce texte est une réponse
sincère mais erronée à la domination organisationnelle
des trotskystes et des anarcho-syndicalistes.
Il suffit de vouloir un tant soit
peu foutre en l'air le système pour sympathiser avec ce
texte. Mais ce qui fait qu'on puisse éprouver de la sympathie
est en même temps ce qui marque les énormes limites
de ce document.
Car il est évident que ce que le document prône,
c'est le militarisme, et non la militarisation du mouvement révolutionnaire.
On peut ainsi lire dans le document
: " Nous réaffirmons ici notre refus de la création
d'un parti politique, et ce qu'il soit légal, semi-légal
ou clandestin.
Nous ne sommes le bras armé
d'aucune structure et ne souhaitons pas le devenir ".
Ceux/Celles qui sont à l'origine de ce texte ne doivent
donc pas s'attendre à un chèque en blanc de notre
part. Se battent-ils/elles pour eux/elles, ou pour nous tous/toutes
? N'ont-ils/elles pas l'impression que l'ensemble des révolutionnaires
est concerné ?
Que c'est des masses populaires
qu'il est question, en définitive ?
Si ce groupe prétend être
mieux que les autres, eh bien qu'il le prouve ! Nous ne sommes
pas de ceux qui tremblent devant les mots de " lutte armée
", de " révolution ", etc. Nous aussi nous
avons comme projet le renversement de l'Etat, à ceci près
que nous nous avons un projet précis pour le suite : le
socialisme, le communisme.
C'est pour cela que le programme
des Noyaux Autonomes pour le Communisme cite les objectifs :
de la confiscation sans contrepartie et de la socialisation de
la production industrielle et capitaliste d'Etat, à la
reconnaissance des nations corse, bretonne et basque, etc.
Les différences ne consistent donc pas en une question
d'utilisation de la violence révolutionnaire, mais en
la question de la ligne, de l'objectif à atteindre. Nous
trouvons prétentieux de la part d'un groupe " sans
histoires " à prétendre directement réussir
ce que la Fraction Armée Rouge n'est pas arrivée
à faire.
C'est un peu fort de café.
Nous ne savons pas ce que le futur nous réserve, et nous
ne voyons AUCUNE raison de spéculer. Soit le groupe a
raison, auquel cas sa pratique le démontrera, soit sa
pratique erronée ou inexistante devra l'amener à
se remettre en question. Dans tous les cas, il appartient à
chaque révolutionnaire de se positionner par rapport à
cette " proposition stratégique " du groupe
" aux 17 points ".
Au-delà du document et du
groupe étant à son origine, il faut lutter contre
la censure et surtout l'auto-censure des révolutionnaires
de pacotille ou de salon qui refusent que le mouvement révolutionnaire
gagne en maturité. Même si nous critiquons vigoureusement
les positions énoncés par le groupe " aux
17 points ", nous ne rejoindrons pas ceux/celles qui censurent
le document " pour le bien du mouvement ".
Pas de spéculation sur la provenance du document !
Pas de compromis avec les dissociéEs !
Pour un débat clair sur la question de la ligne
révolutionnaire et de la ligne de masse !
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