BRIGADES ROUGES
: L'HISTORIQUE
Article
paru dans Front Social n°19
1.L'Italie et
la lutte des classes
L'Italie a eu un passage au capitalisme qui fut difficile en
raison de la force des structures féodales. Il n'y eut
pas de révolution bourgeoise comme en France ; des éléments
du féodalisme, comme le Vatican, se conjuguèrent
finalement au capitalisme. Un déséquilibre se fit
sentir dans l'économie : le nord de l'Italie est ainsi
industriel tandis que les régions méridionales
sont historiquement marquées par la petite production
et l'agriculture.
Après la première guerre mondiale impérialiste
de 1914-1918, le mouvement des masses italiennes fut relativement
puissant, permettant l'émergence d'un mouvement révolutionnaire
fort. Les classes dominantes soutinrent alors le mouvement fasciste
de l'ex-socialiste Mussolini, qui écrasa le mouvement
ouvrier et pris le pouvoir en 1922.
Le tout jeune Parti Communiste, né en 1921, dut alors
s'organiser dans l'illégalité, son principal théoricien
Antonio Gramsci croupissant en prison. En le condamnant, le juge
dira: " Il faut empêcher ce cerveau de penser pour
au moins vingt ans ".
Aidé dans sa tâche par l'Internationale Communiste,
le PC réussit à se développer et à
guider le mouvement de masse dans une large résistance
armée face au fascisme dès que celui-ci passa sous
la coupe allemande (1943-1945).
Mais l'intervention américaine, qui s'alliera à
la mafia pour contrecarrer le PCI et aider la bourgeoisie italienne,
empêchera grandement une prise de pouvoir par les masses
populaires, et cela d'autant plus que la direction du PC était
gangrenée par le révisionnisme. Tout comme Thorez
en France, Togliatti avait en fait abandonné les principes
essentiels du marxisme-léninisme.
Ainsi, alors que les " brigate d'assalto " et les travailleurs
occupaient les usines et que les patrons s'enfuyaient en Suisse,
les dirigeants du P.C.I. enjoignirent ceux-ci à revenir
et " à prendre leurs responsabilités ".
L'Etat bourgeois italien put donc continuer à vivre, s'appuyant
sur les acquis structurels des années de fascisme, sur
un prolétariat du nord industriel contrôlé
par un PCI gagné au partenariat social et sur une paysannerie
au sud qui transforma la démocratie-chrétienne
en mouvement de masse.
Il va de soi en effet que les modernisations monopolistes effectuées
par les fascistes ne furent pas remises en cause. Ni même
le fascisme d'ailleurs: de nombreux plans de putsch étaient
prévus, et les attentats -massacres fascistes furent nombreux
(place Fontane en 1969, gare de Bologne en 1980, train Bologne-Florence
en 1984...). C'est ce que les révolutionnaires ont appelé
" la stratégie de la tension " effectuée
par l'Etat.
Le prolétariat combatif ne se laissera pourtant pas abattre
par les fascistes et le réformisme de type révisionniste
du P.C.I.. Il continua de s'organiser et de lutter, apprenant
grandement des expériences internationales.
C'est l'époque de la Chine
révolutionnaire, de la lutte de libération au Vietnam
A cela s'ajoute l'activité d'intellectuels qui, menant
des " enquêtes prolétaires ", redéfinissent
la lutte de la classe ouvrière, constatant qu'elle développe
des formes de luttes " différentes ", apparemment
" nouvelles ". De plus en plus en effet se généralisent
le sabotage, l'absentéisme, les grèves dures, le
refus du travail salarié exploité.
2.Les révoltes
des années 60 et le mai rampant
1966 est l'année d'une grande grève des métallos.
Des débrayages ont lieu à Rome, Milan, Naples,
Gênes et Trieste, avec à chaque fois un débordement
des syndicats et des combats de rue.
Les revendications sont également intercatégorielles.
La grève se fait à tour de rôle, afin de
pouvoir durer, et des consiglia de fabbrica (conseil d'usine)
se développent, notamment à Milan chez Siemens.
En 1967 c'est à Cutro et sur l'île de Capo Rizguto
que les paysans et les chômeurs se révoltent. Les
licenciements dans les usines textiles de Vibo et Catane, la
domination de l'administration locale par les clans, l'absence
d'électricité et de produits pharmaceutiques, la
mauvaise distribution des terres
sont autant de raisons
à cette révolte.
Dans la ville de Masse les travailleurs
de chez Olivetti réduisent eux-mêmes leur temps
de travail, et obtiennent de meilleurs accords, grâce notamment
au travail local du noyau toscan de Potere Operaio (Pouvoir Ouvrier),
qui va devenir l'un des premiers grands mouvements révolutionnaires
de masse.
En 1968, il y a tout d'abord le conflit textile à Veneto
(Mazatto / Valdagno). La région dominée par les
petites entreprises voit apparaître l'accélération
des cadences, la réorganisation capitaliste, le chômage
en février c'est la grève et en avril l'explosion.
Voitures incendiées, maisons bourgeoises pillées
Les unités spéciales
interviennent.
Dans les facultés c'est l'ébullition, surtout depuis
l'arrivée à Rome, Milan et Naples d'étudiantEs
d'origine populaire. La liaison étudiantEs - classe ouvrière
provient plus d'une situation sociale que d'un présupposé
idéologique. Pourtant, même des facs élitistes
comme Pise ou la sociologie à Trento sont touchées.
Et les thèmes développés
sont de classe, même si la gauche catholique-social tente
d'intervenir. On parle du Vietnam, du marxisme-léninisme,
de la révolution culturelle en Chine populaire.
Des groupes étudiants révolutionnaires
vont ainsi lutter contre l'influence des catholiques et celle
des travailleurs sociaux des " initiatives de citoyens ".
En avril 1968, c'est la grève quasi-permanente chez FIAT.
Les revendications : la semaine des 40 heures, la paie immédiate,
mais également le refus des heures sup, du contrôle
de la vitesse et de la quantité de travail.
Là aussi les grèves ne durent que quelques heures
par jour. A Cosenza les paysans se révoltent et sont rejoints
par des travailleurs journaliers.
En décembre 1998 les travailleurs
journaliers feront grève à Avola/Siracusa. Les
routes nationales sont bloquées, des barricades montées,
la grève générale suit. Les unités
spéciales sont repoussées, puis tirent pendant
25 minutes, faisant deux morts.
Lorsqu'en 1969 le président des USA Nixon vient à
Rome, les manifestations anti-impérialistes sont nombreuses,
il y a des combats de rue. En avril c'est la révolte à
Battipaglia/Salerno (25.000 habitantEs), lorsque la dernière
usine ferme. La police tire : 2 morts, plus de 100 blessés,
une caserne est brûlée.
Mais c'est également l'ébullition à Caserta
et Pescara, dans une moindre mesure à Palerme, Cagliari,
Melfi, Naples. Le PCI (en italien prononcer " pichi ")
s'oppose à ces luttes du Sud, y voyant l'uvre de
brigands et de " teppisti " opposés au développement
économique. Sa nature révisionniste est claire.
En automne, c'est la grève générale au niveau
national, contre les accords passés entre le patronat
et les syndicats. " Lavorare meno - lavorare tutti ! "
- Travailler moins, travailler tous, tel est le mot d'ordre.
Les sabotages se font en masse,
les hiérarchies sont brisées, les employés
et techniciens rejoignent les ouvriers. Des occupations de maison
ont lieu (" Vogliamo tutto ! Prendiamoci la citta ! "
- Nous voulons tout ! Prenons la ville !).
L'économisme des syndicats et le réformisme perdent
leur hégémonie.
Des CUB (" Comitati Unitari
di Base " - Comités Unitaires de Base) se forment,
ainsi que des groupes d'employés et de techniciens ("
Gruppi di Studio " - Groupe d'étude) et d'étudiants
(" Movimento Studentesco ").
Les années 1968-1969 vont amener la naissance de groupes
révolutionnaires puissants, dont le principal sera "
Potere Operaio " (Pot.op.), " Pouvoir Ouvrier ",
dont sortira très vite " Lotta Continua " (LC).
3.Potere Operaio
Potere Operaio ne tombe pas du ciel; l'organisation est issue
d'un travail profond dans le prolétariat. Les premières
connections se sont faites autour des revues " quaderni
rossi " (cahiers rouges, 1961) et " la classe "
(sous-entendue ouvrière, 1969).
Il s'agit principalement d'intellectuels et de techniciens analysant
le processus de production. Sont étudiées les évolutions
techniques et les restructurations. La relation capital/travail
n'est plus considérée statiquement et après
coup ; il s'agit à la fois de coller à l'ouvrier
de base et à l'évolution générale.
En 1961/1962 sont ainsi apparues
les " inchiesta proletaria ", les enquêtes prolétaires,
qui questionnent l'ouvrier dans son quotidien, et qui constatent
comment les luttes pratiques se développent malgré
la pression des révisionnistes.
Les partisans du futur potere operaio prennent le nom d'opéraistes
(en français le terme serait " ouvriériste
", mais il n'est pas tout à fait exact car il n'a
pas sa connotation économiste).
Pour eux/elles, la lutte part de la subjectivité ouvrière
: volonté de refus du travail et des cadences, volonté
qu'il s'agit de transformer en pratique révolutionnaire.
Pour les opéraistes, le niveau politique est moins à
lire idéologiquement, qui est tronqué, que dans
le niveau d'absentéisme, de sabotages, de grève,
d'insubordination, etc.
Dans le document de 1971 intitulé "Che cos'è
Potere Operaio", il sera ainsi dit:
" Le slogan que nous avons propagé durant toutes
les années 1960, " plus d'argent moins de travail
", signifiait justement cela : avec une intention précise
et subjective provoquer la crise capitaliste, c'est-à-dire
opposer à la stabilité du capital l'irréductibilité
des besoins de la classe ouvrière.
Nous avons fait l'expérience suivante : eu égard
un capital ayant réduit ses contradictions intérieures
à un minimum, nous avons tenté de faire jouer jusqu'au
bout la contradiction principale, qui reste insoluble - la contradiction
entre travailleur et capital - et d'organiser cela par rapport
du rapport de production ".
L'objectif des opéraistes, qui partent de l'ouvrier-masse,
c'est-à-dire de l'ouvrier des grandes usines d'alors,
est d'unifier la classe avec comme axes principaux le refus du
travail, le refus des différents échelons de salaires.
Contre l'inflation, le chômage, il s'agit d'exiger les
mêmes augmentations pour tous, et, qui plus est, "
un revenu garanti pour tous, qui travaillent ou pas, ou s'y préparent
; en plus de la semaine des 36 heures, le paiement des heures
de transport pour aller au travail et l'abolition de la mobilité
".
L'objectif de Potere Operaio est ainsi d'unifier les classes
populaires, de la femme de ménage à l'étudiant,
tout en défendant " l'hégémonie des
luttes des ouvriers sur les étudiants et les prolétaires
".
Mais beaucoup d'autres questions
se posent, car en définitive Potere Operaio n'était
que l'expression d'un besoin des éléments avancés
des masses de s'organiser. De plus, l'influence de l'école
de Francfort est grand, et Potere Operaio est assez proche de
la conception révisionniste comme quoi le capitalisme
arrive à " surmonter " ses crises en se réorganisant.
Il est parlé du groupe des " professeurs ",
puisque les dirigeants sont plus proches du monde universitaire
que de la classe ouvrière (Toni Negri, Franco Piperno,
Oreste Scalzone).
Une frange est très vite sortie de Potere Operaio, quasiment
dès le départ, pour former " Lotta Continua
" (LC). LC prônait la radicalisation des luttes partielles
: lutte dans les villes, les prisons (" les damnés
de la terre "), l'armée (" prolétaires
en uniformes "), et développement de la contre-information.
Le succès de LC est notable, en raison de son aspect plus
politique.
Mais la politique de LC consiste
principalement en une contestation révolutionnaire, pas
en une politique révolutionnaire. Et c'est ainsi ailleurs
au sein de cette nouvelle gauche que les éléments
les plus avancés de rassemblent, cherchant des réponses
chez Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong.
4.La naissance
du CPM (1969)
Le 8 septembre 1969 se forme dans cette mouvance de la "
nouvelle gauche " un nouveau groupe, le CPM, c'est-à-dire
le Collettivo Politico Metropolitano.
Issu de groupes ouvriers (Sit-Siemens, IBM, Pirelli...), particulièrement
dans le " triangle de fer " (Turin, Milan, Gênes),
le CPM entend amener de nouveaux fondements pour la lutte révolutionnaire.
Leur stratégie consiste en effet à " enraciner
la lutte armée à partir des luttes de l'ouvrier-masse
des grandes concentrations industrielles ".
Dans un texte de décembre 69, intitulé " lutte
sociale et organisation dans la métropole ", le CPM
prône l'autonomie ouvrière, c'est-à-dire
" le mouvement de libération du prolétariat
de l'hégémonie globale de la bourgeoisie ",
la rupture totale avec les institutions.
Le CPM ne prône pas, comme en général les
mouvements pour l'autonomie, la fédération de groupes
de base, " d'associations spontanées, sporadiques
et apolitiques ", mais la construction d'une organisation
révolutionnaire, avec des structures illégales
selon le principe léniniste, et visant le renversement
de l'Etat.
La propagande du CPM diffère donc également des
groupes prônant l'organisation de groupes armés
pour l'éventualité d'un coup d'Etat, comme les
Groupes armés partisans de l'éditeur Feltrinelli,
qui se veulent issus de la résistance des années
de guerre. Il s'agit ici de mener une guerre populaire, de classe.
En juillet 70, le CPM prend le nom de sa revue, " sinistra
proletaria ", la gauche prolétarienne.
Ce nom est clairement une allusion
au groupe révolutionnaire français du même
nom, qui développe une lutte à la base dans les
usines.
Le 17 septembre 1970 les brigate rosse (brigades rouges) apparaissent
en revendiquant l'incendie d'une voiture d'un manager de Siemens
- c'est en fait le CPM qui en est à l'origine. En avril
1971, la revue change de nom et devient " nuova resistenza
", nouvelle résistance, avec comme symbole un marteau
et une faucille entrecroisé d'un fusil.
On peut y lire dans le n°2 que : " La révolution
moderne n'est plus une révolution propre (...), elle recrute
ses éléments en pêchant en eau trouble. Elle
avance par des voies détournées et elle se trouve
des alliés en tous ceux qui n'ont aucun pouvoir sur leur
propre vie et le savent (...).
Dans l'attente de la grande fête
révolutionnaire où tous les expropriateurs seront
expropriés, le geste criminel isolé, le vol, l'expropriation
individuelle, le saccage d'un supermarché ne sont qu'un
avant-goût et un signe de l'assaut futur contre la richesse
sociale".
5.La parenthèse
semi-révisionniste armée
des Groupes d'Action Partisane
Les GAP, ce sont les " gruppo d'azione partigiana ",
terme repris aux groupes d'action partisane opérant en
1944 contre le fascisme.
Ces groupes d'action partisane ont été fondé
en 1970 par l'éditeur Giangiacomo Feltrinelli, un très
grand éditeur (comme Gallimard, avec en plus une quinzaine
de grandes librairies), qui avaient appelé en 1969 à
la formation de structures illégales. Ces groupes clandestins
naissent à Milan, Turin et Gênes.
La ligne des GAP oscille entre celle de la Fraction Armée
Rouge allemande et celle de la résistance armée
au fascisme. D'un côté les GAP sont là pour
défendre les structures démocratiques le cas où.
Il est vrai que l'Italie des années 1960-1970 est marquée
par de nombreux attentats-massacres organisés par les
fascistes (ainsi ceUX de la Place Fontane, de Brescia, du train
Rome-Brenner).
Mais la ligne qui devient dominante considère que l'Italie
devient la colonie de l'OTAN, et que cela fait partie d'un processus
de fascisation. Il faut donc des " bases rouges ",
tout en considérant le bloc de l'Est comme un arrière-pays
passivement " positif " même si révisionniste.
Les luttes sociales ne sont pas mises en avant, à l'opposé
de l'anti-impérialisme.
La ligne est de fait celle de la
RAF : il s'agit de libérer le pays de l'emprise de l'impérialisme,
principalement américain. Pour Feltrinelli, puisque l'Italie
avait une situation sociale chaude, il fallait s'attendre à
ce que l'OTAN impose des transformations brutales. Ce qui se
passera de fait en Turquie quelques années plus tard,
à ceci près que ce pays était réellement
une néo-colonie.
La radio-pirate " RADIO-GAP " explique que :
" La voie de la révolution communiste, la voie de
la libération définitive du prolétariat
et des travailleurs italiens de la domination et de l'exploitation
par le capital italien et étranger nécessite une
guerre dure et longue. Mais les brigades de partisans, les camarades
travailleurs italiens se sont à présents mis sur
cette voie. La voie de la libération, la voie des partisans,
marchant en avant-garde de la révolution communiste.
Travailleurs, journaliers et étudiants révolutionnaires
ensemble et unis pour la victoire définitive sur le capitalisme
et l'impérialisme ".
Il s'agit d'organiser " une participation toujours plus
large et intensive à la guerre anti-impérialiste
internationale ".
Feltrinelli dira à ce sujet que :
" Qui considère la guerre révolutionnaire
cubaine comme terminée se trompe sur la réalité,
même s'il la voie, et comprend vraiment très peu
de la stratégie révolutionnaire. La guerre révolutionnaire,
le processus révolutionnaire est continental dans le faits
et ne peut que terminer par une victoire définitive sur
l'impérialisme en Amérique latine ".
C'est-à-dire qu'il fait la même erreur stratégique
que le Che, et qui sera vigoureusement critiqué par les
maoïstes, notamment après la catastrophe bolivienne.
Cette position est similaire à la RAF, qui considérait
également le processus révolutionnaire comme immédiatement
totalement international.
Feltrinelli a la même position à ceci près
qu'il va encore plus loin puisqu'il fait une transposition de
l'analyse de l'Amérique latine de Guevara :
" La gauche européenne a comme devoir de trouver
des solutions tactiques qui correspondent à la réalité
de chaque pays européen (pris dans sa particularité).
Dans le déroulement des différents
processus révolutionnaires qui - et même si cela
est timide - apparaissent au grand jour dans les pays du vieux
monde, une stratégie continentale prendra sa forme et
sa substance, et aura une fonction décisive dans notre
guerre de longue durée ".
Feltrinelli fut à l'origine de la publication de très
nombreux documents ; il succomba à l'explosion de sa bombe
en 1972 (visant à détruire un grand pylône
électrique). Les GAP s'écroulèrent aussitôt.
La ligne des GAP aura toujours été très
critiqué par les groupes armés d'Italie, qui l'interprétaient
comme réformiste armée.
6.1970/1973 :
la naissances des BR
Les BR sont donc nées de l'activité théorico-pratique
du CPM, et ne forment au départ qu'un petit groupe, avec
lequel les membres des plus grandes organisations sympathisent.
Le groupe Lotta Continua, alors l'une des plus grandes organisations,
ira jusqu'à proposer aux BR de devenir leur bras armé.
Lotta Continua tente en effet d'encadrer
ce qu'elle a souhaité théoriquement mais n'assume
pas en pratique.
Ainsi, lors de la grande révolte de la ville de Reggio
en Calabre (juillet 1970-février 1971) à l'annonce
que la ville ne serait pas capitale provinciale (et qu'il n'y
aurait ainsi pas d'aides pour résorber le chômage,
alors que seulement 30% des emplois étaient " normaux
"), la lutte armée avait commencé, et Lotta
Continua affirmait la soutenir.
Les masses populaires (avec l'aide
des ouvriers des usines Omeca et des milliers de paysans pauvres)
se retranchent dans les petites rues des quartiers populaires,
érigent des barricades en ciment, désarment les
carabinieri (les gendarmes italiens), pillent les commissariats,
détruisent la mairie, la gare, les sièges des partis
politiques et des banques.
La lutte alterne manifestation et
dynamite, mais est écrasée au moment de son extension
en Sicile et en Calabre par l'intervention de l'armée.
Le journal de Lotta Continua du 30 octobre y consacra 6 pages
(" Reggio proletaria, Reggio rossa ") : " Menons
la. Ce qui est nécessaire : ne plus payer de loyers, de
tickets, d'impôts, ne plus faire le service militaire,
ne plus voter, s'organier en rassemblement de quartier (
).
Dans une partie de l'Italie, à Reggio en Calabre, la lutte
armée a commencé (
). Contre l'Etat, contre
les patrons, contre l'exploitation, contre le chômage,
contre l'émigration ".
Lotta Continua mène la même politique que la Gauche
Prolétarienne en France, avec le même soutien théorique
à la violence populaire qu'elle ne sait ni organiser ni
comprendre stratégiquement. Potere Operaio mène
également le débat, le congrès de 1971 (le
troisième) débat également de l'illégalité.
Il a même été créé un éphémère
FARO (Fronte Armato Rivoluzionario Operaio) qui mènera
quelques attentats à l'explosif.
A l'opposé, les BR mènent ainsi de 1970 à
1973 ce qu'elles appellent la propagande armée. Se concentrant
sur les grandes usines, notamment à Milan et Turin (Fiat),
les brigadistes distribuent des listes d'indics et de chefs qui
doivent être " frappés de la vengeance prolétaire
" en raison de leurs liens avec les patrons.
Ce fut en 1970 le début d'une série d'actions systématiques
consistant en ce que les prolétaires faisaient eux-mêmes
de temps en temps: bastonnade des capi (contremaîtres),
sabotages, etc. En automne 70 les BR menèrent des actions
contre les fascistes et les provocateurs dans les usines, contre
les cadences et pour la remise en cause du lien entre hausse
de la productivité et hausse des salaires.
Après avoir incendié la voiture du chef de la sécurité
de Pirelli (27.11.70) et du chef du personnel (8.12.70), elles
incendient huit poids lourds de chez Pirelli, afin de "présenter
la facture " aux patrons pour les licenciements.
Dans leur sixième communiqué les BR affirment que
les patrons sont allés trop loin pour qu'un compromis
soit encore possible. Des techniques de sabotage furent diffusées,
montrant par là que les brigadistes avaient des gens sur
place.
En septembre 71 sortit le premier texte programmatique, sous
la forme d'une auto-interview (de la même manière
donc que les Tupamaros uruguayens). Les BR y expliquent qu'il
est nécessaire de choisir la stratégie de la lutte
armée pour le communisme, critiquent les politiques "
défensives " , et affirment ne pas être un
" bras armé " mais un " point de rencontre
" des révolutionnaires.
Les actions continuent alors jusqu'à l'enlèvement
le 3 mars 72 d'Idalgo Macchiarini, top manager de chez Siemens
et responsable de l'organisation du travail. Les br le gardent
20 mn pour un procès symbolique puis le libèrent
(sous " conditions ").
Dans un tract les BR le traitent de " fasciste en chemise
blanche ". C'est le début des slogans qui marquent:
" Frapper et s'enfuir ! Rien ne restera impuni! En frapper
un pour en éduquer cent! ". Cette action fut populaire
dans l'extrême-gauche, un peu de la même manière
que les actions " violentes non armées " de
la Gauche Prolétarienne en France.
Ce genre d'action est en effet aisément compréhensible
par tout travailleur, ne nécessite pas de connaissance
idéologique au préalable. D'autant plus que le
prolétariat est dans une situation précaire. Chez
SIP (télécommunication), 20.000 travailleurs sont
en CDD ou au noir!
Néanmoins la gauche " officielle " et les patrons
attaquent les BR dès le départ, et les diffamations
sont nombreuses. De faux attentats signés " BR "
sont effectués, et la répression fut grande. Cela,
et les affrontements entre manifestants et la police à
Milan lors de la manifestation du 9 mars 1972, poussent les BR
à passer dans la clandestinité totale.
" Ce fut l'offensive du pouvoir mené le deux mai
contre l'organisation qui enleva tout doute au fait que la clandestinité
soit une condition sine qua non à la survie d'une organisation
politico-militaire opérant à l'intérieur
des métropoles impérialistes ". Les brigadistes
attaquèrent alors des banques et organisèrent de
nouvelles " colonnes ".
Le 26.11 et le 17.12.1972, ils/elles incendient les voitures
des responsables de la sécurité et de la surveillance
de chez FIAT à Turin. Le 11 janvier 73 ils/elles pillent
un bureau du syndicat fasciste la CISNAL à Turin également,
et le 15.1.73 à Milan le bureau d'une union d'entreprises
liée à la démocratie-chrétienne.
L'hiver fut rude: affrontements très violents de manifestants
contre la police à l'occasion d'une réunion du
parti fasciste le " MSI ", et licenciements massifs
à la FIAT de Turin où presque 200 000 travailleurs
se sont mis en grève.
Le 12.2.73 les BR enlèvent alors Bruno Labate, secrétaire
de la CISNAL de Turin, et l'enchaînent dans l'usine avec
un panneau rempli de slogans, ce après l'avoir interrogé
pendant quatre heures. Pas un seul ouvrier rentrant dans l'usine
ne le libérera.
En mars 73, à la FIAT de Mirafiori, l'usine fut occupée
et défendue une semaine par les travailleurs contre la
police et les fascistes.
C'est ce qu'on a appelé le
" parti de Mirafiori ", le mouvement offensif et spontané
des travailleurs. Mais avec les accords passés par les
syndicats la tension retomba. Les BR répondirent à
cette dépendance ouvrière par un papier théorique,
à nouveau sous la forme d'un auto-interview.
A l'opposé, une frange spontanéiste
se développe au sein du mouvement pour l'autonomie ouvrière,
et refuse le principe d'une organisation d'avant-garde menant
la lutte armée.
7.La multiplication
des BR (1973-1974)
Pour les BR les prolétaires veulent mettre à bas
la bourgeoisie, mais ne savent pas comment. Il s'agit de résoudre
cette contradiction par trois lignes d'offensive: " guerre
au fascisme; résistance dans les usines; résistance
contre la militarisation du régime ".
De son côté le système met en avant la "
repubblica conciliare ", la république de la conciliation.
Les brigadistes tentent dans cette période de toucher
la base du P.C.I. qui, si elle est sincère, " comprendra
certainement quel choix il faudra faire " pour la prise
du pouvoir. La direction du P.C.I., qui développe le compromis
historique, est par contre considérée comme ennemie.
Le mouvement de masse est lui énorme : autoréductions
massives dans les supermarchés à Naples, Milan,
Rome, mais également du téléphone, du gaz,
de l'électricité
Occupations de logements
vides, sabotages des téléphones des quartiers bourgeois,
aides des médecins et des infirmierEs à l'avortement
Il faut dire qu'en 1973/1974, le loyer prend 50% des salaires
; il y a 10 à 60.000 familles sans logement par ville.
Il y a 11.413 cas de typhus, 278 de choléra, 40.000 hépatites,
3.000 méningites, 73.OOO mortEs par maladies infectieuses
(seulement 12.489 reconnuEs comme tel). 4.000 communes sont sans
eau, 2.000 sans canalisation, un million de personnes vivent
dans des baraquements, la mortalité infantile est de 50
pour 1.000.
Des boycotts s'organisent, rassemblant
de 50 à 100.000 personnes par million de payeurs/payeuses
(le prix au Kw est 6 fois plus cher que pour les entreprises).
Le grand mouvement de contestation dura deux années, afin
de se ralentir, mais a bouleversé le paysage politique
révolutionnaire, d'autant plus que les femmes s'investissent
énormément (un référendum autorise
d'ailleurs le divorce).
Le groupe d'extrême-gauche " lotta continua "
disparaît peu à peu, son réformisme n'ayant
plus cours.
Potere Operaio, mouvement fondateur du principe d'autonomie de
la classe ouvrière, se dissout également, de manière
spontanéiste, contribuant à la naissance de l'autonomia
operaia., l'autonomie ouvrière dite " autonomie organisée
", qui coexiste avec l'autonomie en général
(revues " Viola ", " Désir ", "
Neg/azione ", " A/traverso ", " Zut "
).
Les NAP, noyaux armés prolétaires, se forment dans
les prisons, et mènent des actions conjointement avec
les BR.
Le 28 juin 73 Michele Mincuzzi, ingénieur de chez Alfa
Roméo, est enlevé, interrogé puis libéré.
Ici ce sont encore les cadences qui sont attaquées. Le
10.12.73 c'est le chef du personnel de FIAT qui est enlevé.
La convergence patronat / syndicat / PCI est ici attaquée
de plein fouet. Les BR le gardent huit jours et émettent
des revendications très précises (réintégrations
des licenciés, dévoilement des indics, informations
dans la presse quant à l'action, etc.).
Le futur maire de Turin parle alors
des BR comme de " personnes cliniquement malades et droguées
", le journal l'Avanti parle de " néo-fascistes
" et les trotskystes, toujours à la pointe de l'anticommunisme,
affirment qu'il s'agit d'un " complot des services secrets
".
Après cette phase caractérisée par la propagande
armée, considérée par les BR comme un "
début ", la lutte sur le terrain de l'usine cède
la place à l'attaque contre l'Etat. L'attaque au cur
de l'Etat doit être au niveau de l'antagonisme prolétaire.
De fait, début 74, les BR
se sont élargies aux villes industrielles. Les groupes
les plus forts sont:
o la colonne milanaise, avec ses trois brigades (Sit siemens,
Alfa Roméo, Pirelli),
o la colonne Vénétie, avec des brigades à
Padoue et Porto Maghera,
o la colonne turinoise chez FIAT dans les sections Meccanica,
rivalta, presse et lingotto,
o la colonne de Gênes, avec au moins une brigade.
Les BR sont en grande majorité composées d'ouvriers,
ce qui ne les empêchent pas de développer des analyses
extrêmement poussées des phénomènes
modernes (informatisation, militarisation
). Le prestige
de l'organisation est très grand.
Le 18 avril 74, le jour où Agnelli est nommé patron
des patrons, les BR mettent en pratique le slogan " Sossi,
fasciste, tu es le premier sur la liste ! ". Elles enlèvent
à Gênes le procureur Mario Sosssi, et rend public
le document intitulé " Contre le néo-gaullisme,
mener l'attaque au coeur de l'Etat! ", où les restructurations
étatiques sont considérées comme la cible
n°1.
La résistance doit, selon les BR, passer à un niveau
stratégique. Sossi est libéré en l'échange
de la promesse de libération de prisonniers. Libération
qui n'est pas faite, au lieu de cela la police écrase
par les forces armées les révoltes dans les prisons
(six morts).
Le 28 mai 74 les fascistes font un attentat à une réunion
syndicale. Les brigadistes réagissent en attaquant le
17 juin 74 un bureau du MSI. Il y aura deux morts, sans que les
BR l'aient initialement voulu.
Cet " incidente sul lavoro
", " accident " lors du travail effectué,
ne pose pas vraiment de problèmes de conscience, même
s'il ne s'agissait pas de dirigeants.
Le 1er octobre les Noyaux Armés Prolétaires (NAP)
font sauter des mur des prisons de Poggioreali, Rebibbia et S.
Vittore, et laissent des magnétophones munis de hauts-parleurs:
" Attention ! Restez à l'écart, cet équipement
et cet endroit sont minés et exploseront à la moindre
tentative d'interrompre cette communication.
Camarades prisonnières et prisonniers en taule, cette
communications vous est destinée par les Noyaux Armés
Prolétaires, qui se sont formés clandestinement
en-dehors des prisons, afin de continuer la lutte des prisonniers
contre le camp de l'Etat bourgeois et de sa justice. C'est un
appel à la reprise des luttes dans les prisons, qui nous
ont uni avec le prolétariat de 1969 à aujourd'hui.
Contre le capitalisme violent des entrepreneurs, contre l'Etat
des entrepreneurs et son gouvernement.
La réponse de l'Etat bourgeois à 5 ans de dures
luttes a été la répression grandissante
et une série de mesures fascistes comme le doublement
des détentions préventives, et le creusement définitif
de la réforme des prisons, qui est tellement prisée
la propagande du gouvernement.
Le doublement de la durée est supportée par la
peau de notre couche prolétarienne, avec l'active participation
des révisionnistes. Maintenant et venu le moment de montrer
que nous ne laisserons aucun répit à l'application
de cela ; que notre volonté et notre capacité de
lutter n'a malgré tout pas disparu, et qu'en-dehors des
prisons les noyaux armés prolétaires sont nés
pour cela : soutenir et être au côté des luttes
des prisonniers, répondre aux meurtres et aux bains de
sang et à la répression de l'Etat.
Camarades prisonniers prolétaires, pour nos droits, contre
la violence de l'Etat dans les prisons, les usines, les quartiers,
les écoles et les casernes, contre le renforcement de
la répression, révolte générale dans
les taules !
Nous refusons la manière de vivre à laquelle nous
force la bourgeoisie au moyen de l'exploitation, de la misère
et de l'oppression.
Nous refusons d'être plus
longtemps l'alibi pour les structures policières anti-prolétariennes
de l'Etat. Camarades, la répression contre nous apporte
de l'aide et perfectionne le fascisme des lois de l'Etat, confirme
que le pouvoir écrase de ses pieds les droits des prolétaires
les plus faibles et se prépare à ainsi à
écraser et pulvériser la liberté de tout
le prolétariat.
Nous n'avons pas le choix : ou alors se rebeller, et lutter,
ou mourir lentement dans les camps, les ghettos, dans les asiles,
auxquelles nous force la société bourgeoise, de
la manière violente. Contre l'Etat bourgeois, pour son
renversement, pour notre contribution au processus révolutionnaire
du prolétariat, pour le communisme.
Révolte générale dans les prisons et lutte
armée des noyaux à l'extérieur !
Révolte et lutte armée comme refus de tolérer
la répression, qui devient un génocide social permanent
de notre couche prolétarienne. Révolte et lutte
armée contre l'existence des prisons, et comme réponse
à des dizaines d'années de torture, à des
centaines de meurtres, qui sont faits sans peur de punition par
les bourreaux du système dans les prisons, les asiles,
les maisons de redressement.
Les Noyaux Armés Prolétaires ont comme centre des
camarades qui ont supporté la taule, avec une expérience
combattante et politique. Ils l'ont supporté comme nous,
camarades, couchés de force dans les quartiers d'isolement,
ils ont supporté les mauvais traitements des geôliers
et les tortures des prisons psychiatriques, et ils n'ont pas
oublié !
Camarades prisonniers, les crimes des larbins de l'Etat qui torturent
ne seront plus impunis : aux bourreaux fascistes, aux exécuteurs
de la répression des taules et des asiles, nous ferons
le procès, ils seront condamnés selon la justice
prolétarienne.
Contre toutes les violences qu'endurent les prolétaires
emprisonnés, nous devons répondre avec le seul
slogan de classe dans toutes les situations d'oppression et d'exploitation
du prolétariat : la reprise de notre lutte de masse !
Hors des taules ceux qui luttent pour le communisme, pour les
riches les cloaques.
Contre le fascisme de l'Etat, la
violence organisée du prolétariat emprisonné
!
Camarades, n'oubliez pas que les fascistes sont les mêmes
porcs qui réclament avec acharnement le rétablissement
de la peine de mort, la revalorisation générale
des peines de leur infâme code pénal, des traitements
durs dans les taules, et ils font toujours les premières
propositions les plus réactionnaires et liberticides.
Camarades, n'oubliez pas cela chez
ceux qui sont proches de vous, isolé, et tapez les fascistes,
et souvenez-vous que nos bourreaux sont aussi les matons, la
police, les vigiles et les capitalistes.
Camarades prisonniers, dans cette phase de la lutte de tout le
prolétariat contre le pouvoir bourgeois, qui tente de
réaliser sa plus haute tentative réactionnaire
et anti-prolétaire, dans la mesure où il entreprend
une attaque à la base des conditions de vie et des libertés
prolétaires dans les usines et les quartiers d'habitation,
dans le cadre d'une crise économique et politique de l'impérialisme
mondial, dans la mesure où le chômage s'accroît,
où la répression et la police se renforcent, et
en conséquence le nombre de prolétaires emprisonnés
s'agrandit.
Cela, notre cadre de lutte, signifie l'unité avec la lutte
de tout le prolétariat, et propose de chercher une relation
avec un pouvoir victorieux et une stratégie qui voit la
classe ouvrière à la tête de la confrontation
de toutes les couches du prolétariat.
Notre plate-forme vise la poursuite de ces buts :
Lutter contre les lois fascistes comme moment d'unité
politique du prolétariat contre un instrument de pouvoir
à la base comme conditionnement oppresseur ;
Lutter pour la démocratisation interne des prisons et
pour l'application de réformes radicales qui considèrent
le système en entier, la possibilité réelle
et effective d'user de ses droits politiques et humains inaliènables
que la plate-forme a cité.
Autogestion, démocratisation, comme aboutissement capable
de développement de notre lutte pour les masses emprisonnées,
qui ne peuvent passer que dans une pratique de lutte de masses
amorphes et instrumentalisables à des masses conscientes
de leur droits et devoirs de classe par rapport au processus
révolutionnaire général.
Nos buts immédiats sont :
Abolition des prisons psychiatriques, qui sont de véritables
camps nazis et une vengeance terroriste sur les prolétaires
emprisonnés ;
Abolition des camps de redressement, lieux d'origine de la violence
contre la jeunesse prolétaire, qui par leur programme
assure au pouvoir bourgeois la continuité de cette délinquance
dont elle a à tout prix besoin pour justifier l'appareil
policier et la justice d'Etat ;
Amnistie générale et sans conditions sauf pour
la mafia et les bourreaux nazis, comme petit adoucissement des
dommages subis avec les lois fascistes ;
Abolition immédiate de la notion de " récidiviste
" ;
Mise en place d'une commission non-parlementaire par des camarades
meneurs de luttes d'usine et de quartier, afin d'enquêter
sur les tortures, les mauvais traitements et les meurtres qui
ont été commis dans les taules et qui continuent
à être commis ;
La vérité sur les camarades exécutés
à Florence, et sur le bain de sang que le pouvoir a ordonné
à ses bourreaux à Alessandria.
Camarades, pour la poursuite de ces buts, les Noyaux Armés
Prolétaires contribuent dehors par des actions, qui sont
toujours plus nécessaires. Ces actions de propagande pour
les luttes ont été mené par un noyau externe
du mouvement des prisonniers.
Vive le communisme !
Vive la lutte des prisonniers ! ".
Le 14 octobre 74 la police procède à des arrestations
dans les BR grâce à un infiltré (permis par
sa " publicité " dans la presse qui l'a fait
passé pour un militant internationaliste).
Le 25 octobre les NAP pillent le siège de l'union des
employeurs chrétiens-démocrates.
Le 29, Luca Mantini et Sergio Romeo
sont tués dans une attaque de banque à Florence.
Deux militants sont grièvement blessés et arrêtés,
un camarade s'enfuit. La police, au courant de l'opération,
avait préparé un piége pour liquider les
militantEs.
Le 30 octobre 4 sympathisants sont
arrêtés.
Alors que jusqu'en février 75 les BR ne mènent
plus que de petites actions, à cause de la répression,
les NAP continuent, en pillant par exemple le 20 décembre
le siège de la Démocratie-Chrétienne à
Naples.
8.1975-1978 :
apogée de l'autonomie ouvrière
et maturation des BR
Le 6 février les NAP détruisent la voiture du magistrat
De Matteo, responsable d'une proposition de loi sur la détention.
Le 18 février 75 les BR lancent un commando, mené
par Mara Cagol, une membre du noyau historique, contre la prison
de Casale Monferrato. Renate Curcio, autre membre historique,
est notamment libéré.
Suit une " résolution stratégique " ,
qui définit l'Etat comme " Etat impérialiste
des multinationales ", et qui montre le rôle central
de la DC (démocratie-chrétienne).
La gauche est comprise comme " gauche du capital ",
le système est considéré comme un nouveau
fascisme, propre à la période impérialiste.
Pour les BR, le mouvement autonome,
qui se développe parallèlement, est insuffisant
car seulement légal ou semi-légal. Il est temps
selon elles de rompre les liens entre la classe ouvrière
et les organisations institutionnelles, d'attaquer la DC comme
centre de la réaction, de frapper l'Etat dans ses points
faibles.
L'Etat réagit vivement.
Les perquisitions sont facilitées
par de nouvelles lois et les policiers obtiennent le droit de
tuer quasi légalement " dans l'exercice de leurs
fonctions ". Ce qui amena un nombre considérable
de tués chez les jeunes " voleurs ", ou encore
des " passants " à proximité des manifs.
Le 23 février les NAP attaquent un poste de police. Un
militant est arrêté.
Deux camarades s'évadent
de la prison de Murate (Florence) mais sont repris deux semaines
plus tard (prenant au passage 3 et 4 ans de prison pour évasion).
Le 11 mars, Vitaliano Principe meurt dans l'explosion de sa bombe,
Gentile Schiavone est grièvement blessé mais interrogé
pendant 14 heures.
En avril c'est une grande répression contre les NAP. En
prison un militant est blessé par un fasciste et tous
les témoins mis en isolement. Le 22 le magistrat Di Gennaro,
membre de la cour de cassation et du service de recherche sur
la prévention et les peines au ministère de la
justice, est enlevé par les NAP.
Après avoir fait croire pendant quelques jours à
une histoire amoureuse, l'Etat accorde les revendications des
NAP, à savoir celles de trois militants barricadés
dans une prison après une tentative d'évasion,
ainsi que le passage d'un communiqué à la télévision,
à la radio (cela sera fait à 7H25 du matin) et
dans la presse.
Libéré, Di Gennaro ne collabore pas avec les carabinieri,
qui font sauter sa voiture devant sa maison (pour " raisons
de sécurité ").
Il donne des interviews où
il explique que la lutte armée a des causes politiques
et sociales. Il participera néanmoins par la suite à
la répression, notamment lors de l'écrasement de
la révolte de la prison de Trani.
Le mois d'avril 1975 est également celui de l'apogée
de l'autonomia operaia, qui est présente de manière
organisée dans la rue pendant une semaine.
Les affrontements avec les fascistes
et les carabinieri font 4 mortEs à gauche.
En avril 1975 paraît également une résolution
de la direction stratégique des BR. L'objectif central
y est expliqué :
" Rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante
industrielle et les organisations de travailleurs ;
Briser la DC, centre politique d'organisation de la réaction
et du terrorisme ;
Frapper l'Etat dans ses maillons les plus faibles ".
Les BR affirment que " la DC n'est pas seulement un parti,
mais aussi l'âme noire d'un régime qui depuis 30
ans opprime les masses ouvrières du pays. Déclarer
la nécessité d'abattre le régime et proposer
dans les faits un compromis 'historique' avec la DC n'a pas de
sens. Bavarder sur le moyen de la 'réformer' en a encore
moins. Il faut liquider, battre et disperser la démocratie-chrétienne
".
Et sur la guérilla urbaine :
" A notre avis, on doit affronter la question à partir
de la couche de classe qui plus que tout autre subit l'intensification
de l'exploitation due aux projets de restructuration capitaliste
et impérialiste.
La théorie révolutionnaire, c'est la théorie
des besoins politico-militaires de " libération "
de cette couche de classe. Elle seule en fait exprime en puissance,
sinon en conscience (qui signifie " organisation ")
l'universalité des intérêts de classe.
C'est seulement autour de ses besoins que peuvent être
organisés et assumés les besoins des couches sociales
marginalisées par le processus de restructuration et que
peuvent être battues les résolutions révisionnistes,
réformistes ou corporatives de cette partie de la classe
ouvrière qui trouve un avantage, même moindre, dans
le renforcement du système de domination impérialiste.
La guérilla urbaine joue un rôle décisif
dans l'action de désarticulation politique du régime
et de l'Etat. Elle atteint directement l'ennemi et fraye un chemin
au mouvement de résistance. C'est dans la guérilla
que se constitue et s'articule le mouvement de résistance
et le terrain de l'autonomie, et non le contraire.
Elargir ce terrain signifie en premier lieu développer
l'organisation de la guérilla, sa capacité politique
et militaire.
Toutes les positions qui considèrent la croissance de
la guérilla comme une conséquence du développement
terrain légal ou semi-légal de " l'autonomie
" sont fausses. Il est nécessaire de faire la lumière
sur ce point.
Dans ce qui est défini comme " terrain de l'autonomie
" s'entassent des positions très diverses. Certains,
qui situent leur place dans la lutte des classes par la voie
" subjective ", se reconnaissent comme faisant partie
de ce terrain, plus pour lui imposer ses problèmes et
ses besoins, c'est-à-dire pour le " récupérer
", si bien qu'ils expriment, aujourd'hui, une interprétation
très partiale et surtout sectorielle de ses besoins.
A leur source, ils ont constitué un facteur décisif
dans le processus de dépassement de " l'esprit de
chapelle ", mais aujourd'hui ils risquent de finir eux-mêmes
dans le cul-de-sac de ce processus.
C'est le " fétichisme de la légalité
" qui prédispose à ce danger, c'est-à-dire
l'incapacité à sortir de la fausse opposition entre
" légalité et illégalité ".
En d'autres termes, les assemblées autonomes ne réussissent
pas à poser le problème de l'organisation à
partir des besoins politiques, et finissent ainsi par les délimiter
dans le type d'organisations légales existantes.
Ce qui correspond à couper le pied pour le faire entrer
dans la chaussure !
Certains, plus conscients de la contradiction où ils se
débattent, arrivent à admettre un dualisme d'organisation
et ainsi à de nouveau proposer l'improposable théorie
du " bras armé ", dans la vieille logique de
faillite de la IIIème Internationale.
Mais, dans cette nouvelle situation, sous peine d'extinction
de leur fonction révolutionnaire, ils doivent faire un
saut dialectique s'ils veulent rester fidèle à
l'engagement fondamental d'organiser sur le terrain de la guerre
de classe l'opposition de la couche " objectivement "
révolutionnaire.
En-dehors de cette perspective, il n'y a que conceptions minoritaires
ou inféodés au révisionnisme.
La guérilla urbaine organise le " noyau stratégique
" du mouvement de classe, pas le bras armé. Dans
la guérilla urbaine, il n'y a pas contradiction entre
penser et agir militairement et donner la première place
à la politique. Celle-ci développe son initiative
révolutionnaire selon une ligne de masse politico-militaire.
Pour la guérilla, ligne de masse ne veut pas dire, comme
quelqu'un l'a mal compris, " organiser le mouvement de masse
sur le terrain de la lutte armée ", tout au moins
pas pour le moment.
Dans l'immédiat, l'aspect
fondamental du problème reste la construction du "
Parti Combattant " comme interprète des besoins politiques
et militaires de la couche de classe " objectivement "
révolutionnaire, et l'articulation des organismes de combat
au niveau de classe sur les divers front de la guerre révolutionnaire.
La différence n'est pas sans importance, et cela vaut
la peine de l'expliquer, car elle cache une divergence sur une
question primordiale : l'organisation.
Cette divergence réside dans le fait que la première
thèse aplanit jusqu'à la faire disparaître
l'organisation du " mouvement " qui, dans le même
temps, gonfle jusqu'à atteindre des dimensions mythiques
; la seconde conçoit organisation et mouvement en tant
que réalités nettement distinctes en perpétuelle
discussion. Le parti combattant est un parti de cadres combattants.
C'est donc une unité avancée et armée de
la classe ouvrière, par conséquent distincte et
en même temps partie intégrante de celle-ci.
Le mouvement est une réalité complexe et hétérogène
où de multiples niveaux de conscience coexistent et se
combattent. Il est impensable, et impossible d'" organiser
" cette multiplicité de niveaux de conscience "
sur le terrain de la lutte armée ". Parce que ce
terrain, bien qu'étant stratégique, n'est pas encore
le principal, parce que le noyau que constitue le parti combattant,
c'est-à-dire les BR, n'a certainement pas mûri les
capacités politiques, militaires et d'organisation, nécessaires
à son objectif.
Il ne s'agit pas d'" organiser le mouvement de masse sur
le terrain de la lutte armée ", mais d'enraciner
l'organisation de la lutte armée et la conscience politique
de sa nécessité historique, dans le mouvement de
classe ".
Le 15 mai 75, à Mestre près de Venise, les BR pillent
le bureau de la DC; à Turin elles mettent le feu à
plusieurs voitures de syndicalistes de la CISNAL; à Milan
elles attaquent un bureau de l'iniziativa democratica (organisation
de l'aile droite de la DC), où un responsable de ce groupe
est jambisé.
Les BR préviennent: elles
liquideront la DC et vont " alzare la tiro ", serrer
la vis contre la DC, " moteur de la contre-révolution
".
En juin 75 c'est l'enlèvement de l'industriel Vittorio
Gancia; les policiers découvrent la cache et interviennent,
liquidant à bout portant Mara Cagol.
De mai à septembre de nombreuses arrestations ont lieu,
dont l'ensemble du noyau historique.
En juillet Anna Maria Mantini des NAP se fait exécuter
lors de son " arrestation ".
Le 17 octobre 75 les BR jambisent
Luigi Salera, médecin chez FIAT participant aux licenciements,
puis enlèvent des dirigeants de Singer le 21 ainsi que
le chef du personnel de Ansaldo Meccanico à Gênes
le 22. Les BR attaquent également des banques: le 14 juillet
75 la banca populare de Lonigo, le 8 octobre la filiale de la
Cassa di Risparmio à Gênes. Le 21 octobre c'est
un dirigeant de l'usine de Singer qui est enlevé.
L'année 1976 est marquée par l'explosion du mouvement
de la jeunesse. Des centres de jeunesse apparaissent, ainsi que
de grands festivals (comme celui de parco lambro) où les
jeunes vont par dizaines de milliers, pratiquant sur place la
" spesa proletaria " dans les supermarchés.
Des rondes prolétaires, menées par des " circoli
proletari giovanili " sont menées contre les entreprises.
Les jeunes quittent de plus en plus la campagne au profit de
la ville, et s'affrontent à la culture ambiante et aux
institutions. C'est également l'explosion des radios libres,
l'apparition d'un nouveau langage, opposée à la
culture de l'ouvrier-masse.
L'autonomia operaia analyse cela comme " le besoin de communisme
", et s'éloigne de plus en plus de la lutte révolutionnaire
contre l'Etat.
L'affaiblissement de la lutte ouvrière
des très grandes usines à cause de la mobilité
pousse l'autonomia operaia (aut.op.) à expliquer la situation
autrement, et l'un de ses principaux théoriciens, Toni
Negri, explique que la " révolution est déjà
faite ", que la " pluralité des sujets "
révolutionnaires est positive, car les travailleurs sociaux
doivent s'exprimer différemment que dans le capitalisme.
C'est la ligne des " freaks ", c'est-à-dire
de la marginalité comme " espace révolutionnaire
", que les flics s'empressent de casser par la diffusion
massive d'héroïne et l'étranglement de l'approvisionnement
en drogues douces.
Seule l'autonomia organizatta (Rome, Padoue, Milan
) tente
de maintenir les liens au sein du mouvement autonome, mais c'est
globalement l'échec, à part pour un temps et dans
un sens armé avec les CoCoRi (Comitati Comunisti Rivoluzionari)
ou le Movimento Comunista Organizzato (MCO), issu du Colletici
Politici del Veneto per il Potere Operaio (CPV), lui-même
issu de Potere Operaio, qui eux aussi succombent à la
répression en raison de leur caractère semi-légal.
Le mouvement de l'autonomie ouvrière part dans tous les
sens, perdant toute cohérence, à l'opposé
des BR qui se présentent comme le seul courant réellement
révolutionnaire.
Le 14 avril 76 un dirigeant de FIAT Mirafiori est jambisé,
le 28 avril un bureau patronal est pillé à Gênes.
Le 8 juin 76, les BR exécutent Francesco Coco, qui dirige
le premier procès contre des brigadistes ainsi que la
répression dans les prisons. Les brigadistes sont regroupés
dans des cages lors des procès qui se veulent une démonstration
de force du système. Cette exécution est considéré
comme " un saut dans la guerre de classe ".
Les BR attaquent au cur de
l'Etat.
Le 7 octobre 1976 les NAP jambisent un maton de la prison de
S. Vittore (Cosimo Ventich, " ami et protecteur des mafiosi,
protégé par le directeur de l'établissement
"). Le 8 une entreprise exploitant les prisonniers est attaquée.
En décembre 76 le brigadiste Walter Alasia est tué
à bout portant.
Le 12 janvier 77 les BR enlèvent l'industriel Pietro Costa,
qui est libéré au bout de 81 jours. Le 18 le directeur
du personnel de FIAT Turin est jambisé. Le 29 ce sont
les NAP qui jambisent le juge Pietro Margariti, qui est d'après
le Corriere " l'homme le plus haï des 32.000 prisonniers
italiens ", le responsable du placement dans les "
prisons de l'horreur " et celui qui couvre les attaques
contre les prisonniers communistes.
Il y a également le même mois les occupations des
facultés de Palermo, Sassari, Salerno et Napoli.
Le 9 février les NAP exécutent le meurtrier d'Anna
Maria Mantini. Les flics et les fascistes attaquent la fac de
Rome, tirant sur de nombreux étudiantEs. Un mouvement
se lance et s'élargit, quasiment toutes les facs sont
occupées par des précaires, des étudiants,
des chômeurs.
Le chef du syndicat CGIL, Lama,
arrive avec 1.000 militantEs du PCI pour tenir un discours à
la fac de Rome : ils sont accueillis par 10.000 révolutionnaires
qui les chassent manu militari. La fac est vidée le jour
même par la police qui occupe de nombreux quartiers. La
mobilisation culturelle est énorme à Bologne, Rome
et Naples.
En mars 77, des combats de rue ont lieu dans toutes les grandes
villes. Le 11, l'étudiant Francesco Bruno se prend des
balles dans le dos, la manif nationale tourne à l'émeute,
les magasins, les supermarchés et les armureries sont
pillés.
Le 12 mars à Rome 100.000
manifestantEs extrêmement bien organiséEs brisent
les cordons policiers et défilent une journée (des
armes sont distribuées puis reprises).
Mais le soir, la pression retombe,
les tanks sont présent dans les manifs suivantes, et l'autonomia
operaia s'écroule définitivement à son congrès
de Bologne en octobre 1977.
Pour les autonomes, il n'y alors plus le choix et il s'agit d'opérer
un saut qualitatif.
Se forme ainsi par exemple le groupe
" Action Révolutionnaire ", influencé
par la RAF et le situationnisme, et actif dans diverses régions
(Lombardie, Piémont, Toscane, Ligurie), qui ne durera
que jusqu'en 1979 où ses restes rejoignent Prima Linea,
comme le feront certainEs des Prolétaires Armés
pour le Communisme (PAC, 1977-1979) (les autres formant les "
Rapinatori Comunista " !).
Ou encore les Unités Communistes Combattantes, qui dureront
jusqu'en 1979, les Squadre Proletarie di Combattimento per l'Esercito
di Liberazione Comunista (Equipes Prolétariennes de Combat
pour l'Armée de Libération Communiste) jusqu'en
1978, les Noyaux Communistes Territoriaux et les Reparti Comunisti
d'Attaco jusqu'en 1980.
Prima Linea, fondée en 1976, est la véritable guérilla
de l'autonomie organisée. Elle s'est formée pour
appuyer les luttes. " Première ligne " est issue
des courants de Lotta Continua qui prônaient l'armement
de masse, ainsi que de militantEs de Potere Operaio. Prima Linea
(PL) n'est en tant que tel pas réellement un nouveau groupe
combattant, mais une sorte d'agglomération de différents
groupes.
Le sigle apparaît en tant
que tel le 29 avril 1976, lorsque est exécuté Enrico
Pedenovi, conseiller provincial du parti fasciste le MSI. Le
premier congrès de PL se tient en avril 1977 à
San Michele a Torri, avec des représentants des villes
de Milan, Bergamo, Florence, Turin et Milan.
Les BR deviennent le point de confluence des groupes les plus
avancés ; les rejoignent ainsi la " Brigate d'Assalto
Dante di Nanni ", responsable de nombreuses attaques armées,
mais aussi la " Brigate Proletaria Erminio Ferretto en 1974,
beaucoup de membres des Formations Communistes Armés en
1975, ou encore des Noyaux Communistes.
Le 1er mars les NAP et les BR agissent en commun contre des casernes
de carabinieri à Milan, Turin, Naples, Florence, Rome,
Pise.
Le 5 mars dans la prison de Poggioreale 10 militants des NAP
se barricadent après une tentative ratée d'évasion.
Ils réclament la diffusion d'un communiqué, et
libèrent les otages 12 heures après, leur demande
de déplacement ayant été accepté.
Leur procès est fait le 12 mars, trois prisonniers dénoncent
la torture subie. Les prisonniers prennent deux ans en plus chacun,
une voiture piégée explose devant le tribunal.
Le 12 mars toujours, à la suite d'affrontements de manifestants
avec la police, un bâtiment de la DC est attaqué
à Rome. En avril les BR incendient les voitures de politiciens
de la DC et jambisent un chef de FIAT à Turin.
Le 28 avril 77 le président de la chambre des procureurs
Croce est exécuté. Le 8 mai les NAP blessent grièvement
le juge Dell Annua, notamment responsable du procès de
l'exécution d'Anna Maria Mantini. Le 11 mai deux membres
des NAP prennent 19 et 15 ans de prison.
Le 1er juin 77 le vice-directeur du journal de Gênes "
il secolo XIX " est jambisé, le lendemain c'est au
tour du fondateur d'il Giornale à Milan, Indro Montanelli,
et enfin le 3 juin à Rome d'Emilio Rossi directeur de
la rédaction des informations de la RAI.
Il y aura jusqu'en juillet 7 autres jambisations. Le 20 août
11 prisonniers des NAP s'évadent du camp de Lecce.
Il y a 5 jambisations en automne. Le 16 novembre à Turin
les BR exécutent Carlo Casalegno, vice-président
de la Stampa (qui fait partie de la presse contrôlée
par Agnelli).
Le 22 novembre les NAP attaquent le chef antiterroriste Noce
et son escorte. Le militant des NAP Zichitella est exécuté
après l'action.
Début 78 d'autres jambisations sont menées, contre
le chef de section de la FIAT de Turin, contre un responsable
de la compagnie des téléphones à Rome, contre
un responsable de Siemens à Milan, contre un fonctionnaire
de la DC à Gênes.
Le 29 janvier deux militantes des NAP s'enfuient de la prison
de Poggioreale de Naples, dont Franca Salerno (arrêté
en été 1976 alors qu'elle était enceinte,
son compagnon étant exécuté).
Le 16 février 78 un membre de la cour de cassation est
exécuté par les BR. Le 10 mars c'est un officier
des carabinieri qui est tué par les BR.
Le 16 c'est Aldo Moro qui est enlevé ; un dirigeant de
prison et un dirigeant policier sont exécutés le
même jour. Le 9 mai le cadavre d'Aldo Moro est retrouvé
dans une voiture à mi-chemin des bâtiments centraux
de la DC et du PCI.
Par cette action les BR frappent au plus haut niveau. Elles visaient
le " compromis historique ", alliant le PCI et la Démocratie-Chrétienne.
La ligne était passé
entre le 13ème (début 1972) et le 14ème
(début 1974) congrès du PCI, et visait à
la rationalisation de l'économie en 5 ans. En attaquant
Moro les BR attaquent de front sa réalisation, ébranlent
le système politique, et partant de là leurs propres
structures.
9.L'attaque au
cur de l'Etat (1978/1979)
Il y a en 1978 au moins 638 actions armées révolutionnaires,
dont 106 menées par les BR. Les autres groupes se comptent
par centaines .
Il y a également une réorganisation
qui se fait ; ainsi, Prima Linea et les Formations Communistes
Combattantes créent un commandement national unifié.
La lutte contre la répression est quasiment centrale ;
est ainsi exécuté le 11 octobre 1978 à Naples
Alfredo Paolella, responsable de l'anthropologie criminelle à
la prison de Pozzuoli.
On notera également des actions contre des vendeurs d'héroïne,
par le Movimento Proletario di Resistenza Offensiva - Nucleo
Antieroina, qui prendra par la suite le nom de Guerriglia Comunista.
Mais " l'attaque au coeur de l'Etat " a mené
les BR à un autre niveau de lutte, ouvrant de nouveaux
espaces. Si de 1972 à 1977/78 les BR n'étaient
qu'un groupe au sein d'un large mouvement social, l'écroulement
du mouvement autonome en 77 faute de débouchés
politiques pour les larges masses et l'ampleur de la répression
contre toute la sphère légale fait que les BR deviennent
centrales dans la lutte pour le communisme.
Les prisonniers brigadistes pourront ainsi dire en 1980 que "
la situation politique présente se trouve entre deux phases
: nous ne sommes plus dans la phase de propagande armée,
et pas encore dans celle de la guerre civile ".
Pour comprendre ces deux années, il faut comprendre ce
qui se révélera en décembre 1980, avec la
publication de " l'Ape e il comunista ", " l'abeille
et le communiste ", qui rassemble des " Eléments
pour la critique marxiste de l'économie politique et pour
la construction du programme de transition au Communisme ".
Ce document, véritable pavé rassemblant les thèses
brigadistes, a été écrit par un collectif
de prisonniers, qui ne reflète qu'une tendance existante
dans les BR alors, une tendance plus mouvementiste, plus guérillera.
Ainsi, les " XX thèses finales " mettent en
avant les concepts de " système de pouvoir rouge
" et d'" organismes de masse révolutionnaires
" que l'on retrouvera plus tard au centre du futur projet
du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain.
Mais quoi qu'il en soit, au niveau stratégique pour les
BR il s'agit désormais d'effectuer la tâche de "
destruction des forces politico-militaires de l'ennemi et de
la conquête du pouvoir ".
Les BR catalysent à ce moment là l'essentiel de
la guérilla. Les autres groupes ont échoué
par incapacité théorique et technique. Ainsi les
militantEs de Prima Linea -1ère ligne, guérilla
issue et membre de l'autonomie- se font exécuter en plein
jour par les forces de répression à cause de leur
statut de semi-légalité. Quant à la direction
arrêtée, elle brade tout (" il n'est jamais
trop tard pour sortir du communisme " ira jusqu'à
dire l'un d'eux).
Rien qu'en 78 les BR mènent 25 exécutions. Il y
a également l'appui d'autres groupes pour les campagnes,
comme les formations communistes combattantes, qui exécutent
le procureur de Frosinone le 8 novembre 1978 et oscillent idéologiquement
entre PL et les BR.
L'Etat joue alors intelligemment avec les " pentiti ",
les repentis, qui voient leur peine minimisée s'ils parlent.
Patrizio Peci est le plus connu d'entre eux et responsable de
nombreuses arrestations ; il est issu des PAIL (Proletari Armati
in Lotta, 1973-1975), un groupe ayant rejoint les BR. L'Etat
n'hésite pas à payer des opérations de chirurgie
esthétique et à dépenser beaucoup d'argent
pour défendre sa bourgeoisie.
C'est également en 1978 que les BR développent
le thème du MPRO, le Mouvement Prolétaire de Résistance
Offensive : " Nous appelons MPRO l'aire du comportement
de classe antagonique suscité par l'aggravation de la
crise économique et politique ; l'aire des forces, des
groupes et des noyaux révolutionnaires qui donnent un
contenu politico-militaire à leur initiative de lutte
anticapitaliste, anti-impérialiste, anti-révisionniste
et pour le communisme ".
A partir de mars 79 les BR appellent " à isoler les
Berlingueristes [Berlinguer est le secrétaire du PCI]
de la classe ouvrière, à les exclure, à
les traiter comme les pires ennemis du prolétariat ".
De fait, le 24 janvier 79 les BR avaient exécuté
un syndicaliste membre du PCI pour avoir dénoncé
à la police un de leurs " messagers ". Le PCI
assume très bien son statut de contre-révolutionnaire
et appelle à la défense de la république
contre le " terrorisme ".
Plus tard, une brigatista, Raffaelle Fiore, est arrêtée
le 19 mars 79.
Le 18 juillet 1979 Prima Linea exécute le patron du bar
Angelo de Turin, qui avait donné à la police des
militantEs de PL immédiatement exécutés
par la police (Barbara Azzaroni " Carla " et Matteo
Caggegi " Charlie ").
Le 29 janvier 1979 PL avait également exécuté
un juge spécialisé dans les structures des organisations
révolutionnaires.
Les BR lancent ensuite une campagne contre la DC à l'occasion
des élections parlementaires italiennes et européennes.
Le 29 mars 79 un commando de la colonne romaine exécute
un fonctionnaire de la DC et un haut représentant de FIAT.
Un policier est tué par la
suite. Le 3 mai 79 un commando de 15 brigatisti pille à
10 heures du matin un siège de la DC, affrontant au passage
quelques carabinieri.
L'Etat italien trouve alors une réponse tactique pour
casser la résonance des BR, consistant en l'arrestation
du théoricien de l'autonomie, Toni Negri, le plus grand
critique des BR, pour l'accuser d'en être le chef.
L'Etat entend ainsi diviser le mouvement
de masse, d'autant plus que les BR, n'ayant pas trouvé
(ni pratiquement ni théoriquement) les moyens d'agir en
terrain ouvert, sont forcément en retrait par rapport
à ce nouveau processus.
En effet, pour une fraction de l'autonomie, les brigadistes ne
sont pas des " camarades se trompant tactiquement, mais
des prolétaires se trompant stratégiquement ".
Les heurts entre ces autonomes anti-guérilla (et critiquant
ainsi plus que non solidairement les autonomes pro-guérilla)
et les BR se feront nombreux au fur et à mesure, et encore
plus lorsque la répression tombe sur les anti-guérilla
(à cause soi-disant des pro-guérilla).
L'arrestation le 7 avril 79 de Toni Negri et de 21 personnes
de l'autonomia provoque donc plus que des remous entre partisans
de la prise du pouvoir à la Lénine et défenseurs
du " travailleur social " et des marginaux comme nouveaux
sujets révolutionnaires.
Toni Negri ne démordra pas,
et sera longtemps prof de fac à Paris VIII. Il trouve
régulièrement un nouveau sujet révolutionnaire
à chaque mouvement social, en 95 on a ainsi eu droit au
" salarié bio-politique " (?!). Reparti en Italie,
où ses livres sont disponibles partout depuis longtemps,
il est arrêté, puis mis en semi-liberté.
La revue autonome " Rosso ", issu du Gruppo Gramsci
passé dans l'autonomie, explique les différences
entre autonomes [anti-guérilla] et les BR: " les
autonomes sont pour le parti de Mirafiori, les br pour l'attaque
au cur de l'Etat ". En 1978 la rupture est consommée.
Après les élections, Prospero Gallinari, un membre
important des BR, est arrêté après une fusillade
le 24 septembre 79. Les BR sont quasiment les seules à
mener des actions armées fin 79; seule existe encore la
guerriglia diffusa, la guérilla diffuse des autonomes
pro-guérilla mais non-organisés. 5 policiers sont
tués ainsi que trois surveillants de prison.
Prima Linea, " la " guérilla autonome, développe
son action. Entre autres, un gruppi di fuoco occupe une école
de gestion de Turin, rassemble toutes les personnes dans une
salle, choisit cinq responsables de FIAT et Olivetti et les cinq
plus vieux étudiants, les font se mettre à genoux
et tirent dans les jambes.
Un ingénieur de FIAT, responsable
de la planification et de la logistique, est également
exécuté.
Début 80, 5 brigadistes sont exécutés par
les unités spéciales. Le 12 février 80 le
vice-président de la plus grande association de la justice
italienne est exécuté à Rome par les BR.
Le 5 février 1980 Prima Linea exécute un responsable
d'Icmesa, une usine de Seveso responsable d'une grave pollution
toxique.
Le 16 mars 80 c'est au tour du procureur en chef de Salerno,
Nicola Giacumbi, exécuté par un groupe indépendant
sous le nom de " Brigades Rouges colonne Fabrizio Pelli
" (le groupe rejoignant par la suite, en prison, les BR).
Le 18 c'est le cas de Minervini, membre de la cour de cassation
et fonctionnaire du ministère de la justice. Le 19 c'est
Prima Linea, groupe de feu Valerio Tognini qui exécute
le juge Guido Galli, expert de la contre-guérilla. Le
28 mars 80 à Gênes la police exécute les
brigadistes Lorenzo Betassa, Piero Panciarelli, Anna Maria Ludmann,
Riccardo Dura.
Le 1er avril 80 la colonne milanaise Walter Alasia va à
une réunion électorale de la DC, choisit parmi
les trente personnes présentes 7 fonctionnaires de la
DC et les jambise. Après deux actions similaires à
Rome la colonne Vénétie exécute à
Mestre le 12 mai 80 un membre de la DIGOS (la police spéciale).
Le 29 avril 80 Roberto Sandolo de
Prima Linea était arrêté à cause d'un
leader de PL repenti, William Vaccher, qui sera exécuté
par PL. Mais Sandolo se repent aussi et le dernier commando de
PL est démantelé par le police.
Le 19 mai 1980 la colonne napolitaine exécute Pino Amato,
conseiller municipal de la DC.
A Milan se forme un nouveau groupe,
la Brigata XXVIII Marzo, du jour de l'exécution par la
police de quatre camarades. Ce groupe revendique la jambisation
le 7 mai 80 du rédacteur de la Repubblica. Le 29 mai le
groupe exécute Tobagi, reporter de la Corriere della Serra,
et président de l'association lombarde des journalistes.
Les membres du groupe seront arrêtés en septembre.
En octobre 1980 est publié une nouvelle résolution
stratégique.
Le " prolétariat métropolitain " y est
clairement présenté comme le sujet révolutionnaire.
Le 12 décembre le juge Giovanni D'Urso est enlevé,
la libération de prisonniers politiques exigés.
Le 28 décembre a lieu une révolte dans la prison
spéciale de Trani, en soutien à l'action des BR.
Le 30 la police intervient et torture les prisonniers.
Le 31 les BR exécutent en
réponse le général carabinieri Galvagli,
bras droit de Dalla Chiesa, responsable de la coordination des
forces de sécurité et des prisons.
Pour les BR D'Urso est condamné à mort, mais décident
de laisser les prisonniers décider. Ceux-ci demandent
sa libération, ce qui est fait le 15 janvier 85, après
la publication dans les journaux d'une interview des BR, du protocole
du jugement fait par les BR et d'articles sur ce qui s'est passé
à Trani.
10.1981 : les
BR sont seules
1981, c'est l'année de la solitude pour les BR après
l'échec définitif de la guerriglia diffusa, la
" guérilla diffuse ".
Prima Linea n'a également pas tenu le choc ; des militantEs
se sont dissociéEs, et les différents congrès
de l'organisation n'arrivent pas à inverser la tendance.
Une partie rejoint les BR , une autre forme un " pôle
organisé ", finalement est formé le groupe
des COLP, " Comunisti Organizzati per la Liberazione Proletaria
".
Ne restent donc plus que les BR, qui s'appuient surtout sur:
o la colonne romaine,
o la colonne napolitaine,
o la colonne Vénétie,
o la colonne Walter Alasia de Milan.
Cette dernière a exécuté en automne 80 deux
managers de chez Marelli & Falk, et pratique un " réformisme
armé ". Elle profite de l'arrivée de militants
des NAPO (Nuclei Armati per Il Potere Operaio).
De multiples actions sont menées. En Janvier à
Milan, la colonne Walter Alasia, qui prend de plus en plus le
large avec la direction des BR, exécute le directeur du
grand hôpital, la " Policlinico ". Son mot d'ordre
: " construisons le Parti Communiste Combattant ".
A Rome, les BR exécutent le général de gendarmerie
Enrico Galvaligi. Le 7 avril, deux policiers sont tués.
Les BR lancent alors une offensive simultanée, qui va
montrer les différentes conceptions des colonnes. L'offensive
est générale, mais chaque colonne considère
les choses selon son point de vue.
o La colonne napolitaine
Le 27 avril la colonne de Naples exécute l'escorte du
député Cirillo et enlève celui-ci.
Responsable démocrate-chrétien de la région
Campania, Cirillo se voit exiger de nouveaux logements et le
paiement d'indemnités pour le tremblement de terre en
Italie du sud de novembre 80. La colonne a ici comme stratégie
d'élever le niveau de lutte des chômeurs et des
sans-logis : " contre la restructuration du marché
du travail, soutenir les luttes du prolétariat marginal
et illégal, et construire les organisme de masse révolutionnaire
".
La ligne de la colonne se veut clairement mouvementiste, et un
document est même signé : " Front des Prisons,
Colonne de Naples. Pour le Communisme, Brigades Rouges ".
o La colonne Vénitie
Le 20 mai la colonne Vénétie enlève Talierco,
directeur de l'usine Montedison de Mestre, par le commando "
Ana Maria Ludmann ". Il est considéré comme
responsable des restructurations et des licenciements chez Montedison.
o
La colonne milanaise
Le 1er juin la colonne Walter Alasia enlève l'ingénieur
et directeur de l'organisation du travail chez Alfa-Roméo,
Sandrucci, et exige l'abandon du licenciement prévu de
500 travailleurs de chez Alfa-Roméo.
Les documents publiés par les BR montrent une connaissance
parfaite des restructurations, révélant par là
même que les BR ont des sympathisants chez les cadres.
Y sont analysés la situation de l'entreprise, le développement
technologique, et constatés que la rationalisation de
la production ne va pas dans le sens d'une humanisation, mais
dans celle de l'intensification du travail salarié.
Le 30 octobre est arrêté le chef présumé
de la colonne. Il a 25 ans, travaillait chez Alfa-Roméo
depuis 1977, était délégué depuis
1979 ainsi que membre de la commission exécutive du Conseil
d'Usine, et est passé en 1980 dans la clandestinité.
o La colonne romaine
Le 11 juin c'est la colonne romaine qui donne le ton, en enlevant
et exécutant le frère de Patrizio Peci, Roberto,
qui est lui-même un repenti (Patrizio Peci, arrêté
en février 1980, étant le repenti ayant balancé
le plus de noms à la police). Le 19 juin l'avocat de Patrizio
Peci est jambisé. La colonne revendique les actions au
nom du " front des prisons".
La colonne romaine est très proche de la ligne mouvementiste,
en raison de son origine : elle provient notamment de deux groupes
de la " guérilla diffuse " : les "Formations
armées communistes ", créées en 1974
et les " Unités Combattantes Communistes ".
Ce dernier groupe avait tenté en 1976, en enlevant un
négociant de viande, de faire vendre 70 tonnes de viande
à bas prix dans des quartiers prolétaires de Rome.
Les " résultats " diffèrent selon les
colonnes.
Cirillo est ainsi libéré après la reconstruction
des maisons et la distribution d'allocations chômage.
Le " porc Talierco " est par contre exécuté
par la colonne Vénétie.
Sandrucci est lui libéré après 51 jours
suite à une distribution de tracts brigadistes dans l'usine,
la publication de l'interrogatoire de Sandrucci et l'abandon
des licenciements.
Les positions au sein des BR commencent donc à devenir
sérieusement divergentes. Les multiples activités
sur le plan militaire ont amené à une dérive
militariste.
En juillet, la colonne Walter Alasia de Milan publie ainsi un
document de 21 feuillets où elle critique ce qu'elles
considèrent comme des " déviations "
au sein des BR. En automne c'est la colonne vénitienne
qui éclate. La majorité conserve le nom de "
Anna Maria Ludmann " et prépare l'enlèvement
du général américain Dozier, conservant
l'orientation générale.
Une partie rejoint elle les positions mouvementistes, qui aboutiront
à la constitution du " Parti-Guérilla "
et se prépare à attaquer la prison de Rovigo, d'où
elle fera s'évader Suzanna Ronconi et trois autres militantes.
Une partie prend le nom de Colonne
2 août (en référence à des affrontements
sanglants entre ouvriers et policiers à Porto-Marghera
le 2 août 1970).
La scission se consomme alors définitivement, avec la
publication de deux textes théoriques, représentatives
des deux tendances principales existantes dans les BR.
Deux différentes " Résolutions
de la direction stratégique " paraissent en décembre.
Celle de la minorité tout d'abord. Le document "
Crise, guerre et internationalisme prolétarien ",
qui fait à peu près 300 pages, a été
écrit par la " Brigade de Palmi " des BR, constituée
du noyau historique emprisonné, notamment Renato Curcio.
Une nouvelle organisation se forme le 16 décembre 1981,
se référant à la ligne de ce document :
les Brigate Rosse - Partito Guerriglia del proletariato metropolitano
(Brigades Rouges - Parti Guérilla du Prolétariat
Métropolitain).
Les BR-PGPM sont principalement issues du fronte carceri (front
des prisons) romain et napolitain ; le petit groupe " potere
proletario armato " appuiera cette ligne.
Leur activiste principal est Giovanni Senzani, qui considère
que le système a intégré la classe ouvrière
et qu'il faut s'appuyer sur le " proletariato extralegale
", prolétariat des travaux illégaux et au
noir, pour former la guérilla, seule force libératrice
dans les métropoles.
Les BR-PGPM considèrent que " le mode de production
capitaliste n'est plus régulé par la loi de la
valeur-travail ", et qu'il faut donc " déclencher
la guerre sociale totale ". Le terme de Parti-Guérilla
provient d'un communiqué des Brigades rouges du 4 avril
1971, distribué à l'usine Pirelli de Milan et repris
dans le journal " Nouvelle Résistance ", où
est parlé de " l'édification du Parti-Guérilla
".
La ligne majoritaire des BR est refusée et qualifiée
de " néo-révisionniste armée ".
Le second document est intitulé " Deux années
de lutte politique " et fait précisément 184
pages. Il sera joint au communiqué numéro 2 de
l'enlèvement du général américain
Dozier et retrace la lutte pour la ligne au sein des br.
La majorité des brigadistes, qui se reconnaît dans
le texte, prend le nom de Brigate Rosse per la costruzione del
partito comunista combattente (brigades rouges pour la construction
du parti communiste combattant).
Le 17 janvier 1983, les BR-PCC publieront un texte décrivant
leur stratégie générale, intitulé
" Replacer l'activité générale des
masses au centre de l'Initiative ".
Elles partent du fait que de très graves problèmes
internes ont désagrégé les BR : " A
partir de 1980, chaque colonne de l'Organisation située
dans les pôles métropolitains a affronté
le problème de l'enracinement dans les situations en assumant
certaines contradictions qui s'exprimaient localement, contradictions
différentes d'une ville à une autre. Un plus grand
enracinement et la désagrégation de la ligne politique
sont allés de pair.
Privée d'une ligne politique qui saisisse la contradiction
principale (celle entre mouvement de classe et pratiques de la
bourgeoisie) et l'aspect principal de cette contradiction, c'est-à-dire
le projet politique dominant dans une conjoncture donnée,
privée donc d'une identité de ligne, de stratégie
générale, mesurée sur la situation concrète,
l'Organisation Brigades rouges a fini par assumer autant d'identités
qu'il y avait de pôles principaux d'intervention. Les scissions
de 1981 sont le couronnement organisationnel d'un processus de
fragmentation politique en oeuvre depuis longtemps."
Un autre document, intitulé " Politique et révolution
" et écrit par des membres dirigeants des BR-PCC,
résume la problématique des années 1979-1980,
c'est-à-dire l'incapacité à assumer le dépassement
de la phase de propagande armée, dépassement devant
être une conséquence de l'offensive du printemps
1978.
L'option était alors de " Frapper au cur le
projet de la bourgeoisie qui, avec la Démocratie Chrétienne
et Moro, se proposait, par le biais du compromis historique avec
le PCI, de pacifier le prolétariat et de vider les luttes
de celui-ci de leur contenu ".
L'organisation communiste combattante devait alors se transformer
en Parti, ce qui fut empêché par l'enracinement
foncièrement local de chaque colonne brigadiste et l'absence
d'unité conséquente à cela.
Les BR-PCC lancent alors une offensive, pour reprendre l'initiative.
Le 17 décembre la colonne Vénétie enlève
à Vérone le chef de l'OTAN pour l'Europe méditerranéenne,
le général US James Lee Dozier.
Cette action est dirigée contre le " projet de guerre
réalisée par l'OTAN, le plan économico-
politico- militaire de la bourgeoisie impérialiste de
préparation d'une troisième guerre mondiale ".
La répression est organisée par l'Etat italien,
la CIA, l'armée US et des experts de R.F.A.. Les arrestations
sont très nombreuses, et pour se protéger les BR-PGPM
coupent tous les ponts avec les BR-PCC.
11.La défaite
de 1982
Le 3 janvier 82 la colonne deux août libère quatre
brigadistes de prison ; les COLP et le Noyau des Communistes
libèrent quatre prisonniers de PL.
A Rome Ennio di Roco et Stefane Petrella sont arrêtés
et parlent sous la torture. Le 9 janvier 82 Giovanni Senzani,
le leader du PGPM, est arrêté; fin janvier tout
le centre de l'Italie est contrôlé et les arrestations
sont légion.
Le 27 janvier 82 un brigadiste est arrêté, le 28
Dozier est libéré par les unités spéciales,
les brigadistes Emanuela Frascella, Antonio Savasta, Cesare Di
Leonardo, Emilia Libera et Giovanni Ciucci " arrêtés
", torturés, puis officiellement arrêtés
au bout de quelques jours. Seul Leonardo ne parle pas sous la
torture.
Environ 1000 personnes eurent alors maille à partir avec
la justice pour " participation aux activités d'un
groupe terroriste ".
A Rome, le vice-directeur de la police anti-terroriste de Rome
est grièvement blessé.
A Rome, la colonne napolitaine (BR-PGPM) attaque une caserne
dans le sud de la ville, s'emparant de 2 mortiers de 60, 2 lance-roquettes,
4 fusils-mitrailleurs, 20 fusils d'assaut et 6 pistolets-mitrailleurs.
Mais la situation est difficile. En trois mois, il y a eu plus
de 200 arrestations de brigadistes ; près de 30 bases
ont été découvertes. Et en mars, les BR-PCC
annoncent l'ouverture d'une phase de retraite stratégique.
" L'avant-garde doit apprendre à pratiquer la retraite
stratégique, se retirer au sein des masses et construire
parmi elles le système de pouvoir prolétaire armé
". " Dans la retraite stratégique, l'avant-garde,
en étroite dialectique avec les masses, prépare
l'offensive ".
La défaite de l'action contre Dozier trouve sa source
dans un " écart entre les contenus des luttes ",
c'est-à-dire le niveau de conscience de la classe, et
le " subjectivisme " qui s'est développé
dans l'organisation et a éloigné celle-ci de l'affrontement
réel.
Le PGPM attaque alors violemment les br-pcc, considérées
comme allant vers la reddition. La distance séparant les
deux organisations se montrent dans l'attitude des prisonnierEs
au procès Moro, en avril.
Les partisanEs du PGPM écrivent un " communiqué
n°1 ", signé: " des militants du PGPM ",
et appellent à " reprendre l'offensive ", à
travailler à la " recomposition du prolétariat
métropolitain dans la construction du système de
pouvoir rouge ", à la " redéfinition
pratique d'un authentique internationalisme prolétarien
".
A l'opposé, les " militants de l'Organisation Communiste
Combattante Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste
Combattant " écrivent un " communiqué
n°1 " qui défend la position de la retraite stratégique.
Dehors, la répression continue. 34 brigadistes du PGPM
se font arrêter à Rome.
Francesco Lo Bianco, membre de la
direction stratégique et dirigeant de la colonne génoise
des BR, est également arrêté.
Cela porte à trois (avec
Mario Moretti, Giovanni Senzani) le nombre des membres de la
direction stratégique incarcérés.
Le PGPM accentue la pression. Il mitraille un car de police (trois
blessé graves) devant le tribunal du procès Moro.
La colonne napolitaine du PGPM exécute le conseiller régional
démocrate-chrétien Raffaele Del Cogliano, délégué
au travail.
A Rome, deux policiers sont exécutés et délestés
de leurs armes. En juillet, c'est l'exécution d'Antonio
Ammaturato, chef de la brigade mobile de Naples. A la prison
de Trani, un repenti est tué, Ennio Di Rocco.
Les derniers groupes autres que les BR-PCC et le PGPM disparaissent
au fur et à mesure. En avril c'est la défaite pour
les NAC (Nuclei Armati Comunisti), issus des NAPO et qui menaient
la lutte armée depuis 1980 ; en prison les prisonnierEs
des NAC se rallieront aux BR-PCC.
En mai, la situation continue de se durcir. Le PGPM subit des
arrestations : 3 à Rome, 5 à Naples.
Un chef de la colonne Toscane des BR, Umberto Catabiani, est
tué au cours d'une fusillade avec la police anti-terroriste.
A Rome, Marcello Capuano, dirigeant de la colonne Romaine du
PGPM, est arrêté.
A Milan, un noyau armé de
la colonne Walter Alasia perd un brigadiste dans un affrontement
armé (il y a en plus deux brigadistes blessés et
un policier tué).
En août, le groupe " prima posizione " exécute
un carabinieri. Quelques jours plus tard, le PGPM lance un commando
de dix brigadistes, dont trois femmes, attaquer un dépôt
d'armes de l'armée de l'air dans la banlieue de Rome ("
volant " en même temps une dizaine de fusils automatiques).
A Salerne c'est une caserne qui est attaquée. Quinze brigadistes,
dont trois femmes, ouvrent le feu sur un convoi militaire : un
policier est tué, deux blessés, deux militaires
grièvement blessés. Le commando s'enfuit avec plusieurs
armes automatiques.
En septembre un commando du PGPM vole quarante revolvers chez
un armurier de Reggio de Calabre.
En octobre, un commando du PGPM exécute un carabinier,
en blesse grièvement un autre et prennent leurs armes.
Cette dérive se cristallise dans une action discréditant
totalement le PGPM : l'expropriation de la banque de Naples,
à Turin. Deux vigiles sont exécutés alors
qu'ils avaient été désarmés.
Les BR-PCC attaquent violemment le PGPM en raison de cette action
dans le texte " Sur l'action de Turin ". Puis, en décembre,
le " noyau historique " à l'origine du projet
de PGPM se dissocie de l'entreprise. Prenant le nom de "
collectif ce n'est que le début ", il regroupe Renato
Curcio et 18 autres brigadistes, à l'origine pour la plupart
de " L'abeille et le communiste " (décembre
1980) et de la " Résolution de la direction stratégique
" de décembre 1981, intitulée " Crise,
guerre et internationalisme prolétarien ".
Le PGPM continue à subir la répression : en octobre
Vittorio Bolognesi et dix autres membres de la colonne napolitaine
sont arrêtés. Cinq importantes caches du Parti-Guérilla
sont découvertes dans la banlieue de Naples. Natalia Ligas
(24 ans), chef " militaire " de la colonne napolitaine
du PGPM, est capturée à Turin ; en Novembre c'est
une catastrophe : 19 arrestations dont celle d'Antonio Chiocchi,
l'un des chefs de la colonne napolitaine du PGPM. Puis c'est
l'arrestation de brigadistes à Milan : au total 32 depuis
le début de novembre, de 4 membres de la colonne turinoise.
L'année 1982 est en fait celle de la débâcle.
915 militantEs arméEs de divers organisations ont été
arrêté. Sur le plan militaire la régression
est patente : il y aura 580 attentats, contre 849 en 1981, 1264
en 1980, 2366 en 1979. 26 militantEs ont été tué,
comme en 1981. 1523 membres des BR sont en prison, sans compter
les membres d'autres groupes et organisations.
12.La tentative
de réorganisation (1983)
L'année marque un tournant pour les BR. En janvier tout
d'abord, la colonne milanaise Walter Alasia, en cours de reconstitution,
est anéantie par la répression. Le noyau des communistes,
actif depuis sa sortie de Prima Linea en 1981, est également
anéantie.
Les restes des brigadistes publient un texte intitulé
" Encore un pas
", qui attaque le PGPM pour son
action à Turin (" une provocation contre-révolutionnaire
") et constitue une autocritique (" Nous n'avons pas
su dépasser la grille des usines").
Quelques jours plus tard, Adrinao Carnelutti, un historique des
BR clandestin à Milan, se fait arrêté, puis
en février c'est le tour de Dario Facceo, fils d'un député
du parti Radical.
L'activité politico-militaire se réduit au profit
de nombreux débats.
Renato Curcio écrit un texte au nom du " Vatican
collectif ", groupe mouvementiste de détenus de Palmi.
On peut y lire que " le cycle de lutte révolutionnaire
armée commencé en 1978 est achevé ".
Le PGPM a été une expérience qui a échoué,
mais l'objectif reste " la révolution sociale totale
dans la métropole impérialiste ". Il faut
s'adapter aux conditions nouvelles. " La guérilla
des années 80 devra rechercher et développer dans
sa pratique les langages métropolitains de la transition
vers le communisme ".
Renato Curcio effectue alors une série de recherches sur
la nature du prolétariat métropolitain, et les
moyens de le faire agir.
Avec Franceschini, un autre "
historique ", il publie le très difficile texte "
Gouttes de soleil dans la cité des spectres... ",
où la guérilla est considérée comme
le dernier espoir de l'humanité noyée dans le capitalisme.
Le document commence ainsi : " Les routes que nous avons
suivies nous ont fait finalement " monter de la terre jusqu'au
ciel " et nous aventurer dans le château enchanté
de l'idéologie.
Nous en avons dévoilé le jeu perfide des miroirs,
inspecté les passages secrets, dessiné la carte.
Maintenant que les monstres sont apprivoisés, nous pouvons
revenir sur terre et affronter les labyrinthes fantasmagoriques
de la vie : la métropole, désert peuplé
de spectres, lieu de l'aliénation totale et de la révolte
radicale, produit du capital dans la phase mourante de la domination
réelle totale.
Ghost town, justement, comme le titre de l'hymne reggae de la
révolte de Brixton. Vivisectionnons la bête ".
Curcio et Franceschini disent en fait que la situation a changé
depuis Marx ; celui-ci pouvait dire que " l'ouvrier travaille
pour vivre. Pour lui-même, le travail n'est pas une partie
de sa vie, il est plutôt un sacrifice de sa vie. C'est
une marchandise qu'il a adjugé à un tiers. C'est
pourquoi le produit de son activité n'est pas non plus
le but de son activité
La vie commence pour lui
où cesse cette activité, à table, à
l'auberge, au lit ".
Mais selon Curcio et Franceschini, cela n'est plus vrai aujourd'hui
: le prolétaire est désormais également
au service du capitalisme même quand il ne travaille pas,
par la consommation.
La thèse principale est la suivante : " Nous appelons
domination réelle totale cette phase dans laquelle le
capital a occupé tous les interstices de la formation
sociale en les pliant à ses besoins.
Aujourd'hui, il a non seulement construit " un mode de production
sui generis ", mais une " formation sociale sui generis
" : la métropole informatisée (
).
Ce qui signifie une modification qualitative profonde, une révolution
capitaliste des besoins, des goûts, de la mentalité,
de la morale
en un mot, de la conscience. Et une production
des appareils, des instruments nécessaires à cela.
C'est ainsi que naît une nouvelle branche de la production,
" l'usine de la conscience ", avec ses fonctionnaires
correspondants ; usines des modèles de consommation, des
systèmes idéologiques, des systèmes de signes
ayant pour but la réalisation-reproduction de la plus-value
relative, du rapport social dominant.
La production n'est plus seulement production indirecte de consommation
(dans le sens que toute production présuppose une consommation),
mais elle se constitue aussi aujourd'hui comme " production
directe de consommations " : à côté
de la production d'objets marchandises, il y a la production
de besoins-consommations-conscience-idéologie ; en même
temps que la production de plus-value relative, il y a la production
spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation.
" Production de marchandises " et " production
de systèmes idéologiques " sont aujourd'hui
concrètement, visiblement, les deux côtés,
les deux aspects du même processus : le travail en tant
qu'activité conforme à un but. Elles sont produites
et vivent simultanément dans le même espace-temps
; pour se reproduire, le capital doit reproduire simultanément
les deux déterminations (
).
La métropole est l'usine totale.
L'" usine à objets-marchandises
" est seulement l'un de ses secteurs, tout comme l'est l'"
usine à idéologie ". Il faut alors caractériser
la composition de classe, le prolétariat, non seulement
en relation avec l'" usine partielle " mais aussi avec
l'" usine totale ", la métropole dans sa globalité.
Il doit être vu non seulement comme force de travail, capacité
de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé,
idéologisé.
Toute distinction mécaniste entre force de travail et
formes de sa conscience tombe donc d'elle-même : le prolétariat
dans la métropole est en même temps force de travail
du capital et consommateur-conscience de celui-ci, son produit
programmé et finalisé.
Tout réductionnisme à un seul des deux termes,
toute séparation plus ou moins rétro-agissante
de ceux-ci, mène aujourd'hui inévitablement soit
vers les bachotages laborieux de l'empirisme ouvriériste-usiniste,
soit vers les envolées du subjectivisme idéaliste,
interdisant la compréhension de la complexité des
mouvements sociaux actuels ".
La conclusion pratique est la nécessité de la violence
révolutionnaire : " Dans les conditions de la métropole,
détruire les formations fétiches dans tous nos
rapports sociaux est un impératif de la vie. C'est une
thérapie sociale, la seule solution à la condition
schizo-métropolitaine.
Devoir exercer la violence explosive
devient une nécessité absolue !
Sans la pratique de la violence révolutionnaire, la simple
survivance ne peut même pas être garantie, et surtout
il n'y a aucune possibilité de re-fusion unitaire, dans
un processus collectif de libération, de sa propre conscience
éclatée. Exercer sa violence contre les fétiches
du capital est l'acte conscient qui exprime le plus haut niveau
d'humanité possible dans la métropole, parce que
c'est au travers de cette pratique sociale que le prolétariat,
en s'appropriant ainsi le processus productif vital, construit
son savoir et sa mémoire, ce qui veut dire son pouvoir
social, son identité ".
A l'extérieur, quelques actions ont lieu.
Une gardienne de la prison de Rebibbia
à Rome est exécutée après un "
procès populaire ", puis une gardienne de la prison
de Poggioreale, à Naples. Ce seront les dernières
actions du PGPM.
Le 3 mai 83 un " noyau armé " des BR jambise
Gino Giugni, professeur d'université et cadre de l'Etat
(il a notamment plaidé le gel des salaire et est très
proche de Craxi). Cette action forme selon les BR-PCC "
le premier moment de reformation de l'initiative révolutionnaire
".
Dans ce premier communiqué depuis la débâcle
de 1982 la thèse du parti guérilla est vivement
critiquée. Pour le parti guérilla l'antagonisme
dans les rapports sociaux est spontané, suinte de lui-même,
et amène des mouvements de masse toujours plus grands
contre la réalité métropolitaine.
Or, les BR-PCC refusent de " suivre " le prolétariat
métropolitain, ne se veut ni " expression "
de lui ni encore son " représentant ", seulement
une " composante ", un " élément
". " Avant-garde dont la direction peut et doit permettre
au prolétariat de se former comme classe dominante ".
Il s'agit de " mener à fond une bataille politique
qui soit en mesure de défaire politiquement, dans le prolétariat
métropolitain, toutes les influences néfastes de
thèses qui visent consciemment à la liquidation
de plus d'une décennie de projets révolutionnaires
dans notre pays ".
Un groupe d'" irréductibles " emprisonnés,
rassemblant Andréa Coi, Prospero Gallinari, Francesco
Piccioni et Bruno Seghetti, publie alors " politique et
révolution ".
Pour ce groupe, l'objectif est de
" Retrouver une mentalité scientifique, politique,
gagnante, majoritaire, attentive aux grands nombres, en enterrant
la mentalité de ghetto idéal-désirante,
existentialiste, sectaire, minoritaire et obnubilée par
de micro-conventicules de "sujets d'avant-garde" "
.
13.BR-PCC et
UdCC (1984-1987)
C'est l'année de la disparition des COLP, après
de nombreuses actions (dont des expropriations en France, où
tombera Ciro Rizzato).
En mars, les BR-PCC publient la Résolution stratégique
N° 19 (" Analyse de la situation, la lutte de la classe
ouvrière et la situation politique générale
italienne "), un texte de 61 pages.
Au sein des BR-PCC, qui rassemble l'ensemble des dernierEs brigadistes
puisque le PGPM n'existe plus, les débats continuent.
Une grande question est l'attitude vis-à-vis de l'Union
Soviétique, alors que les USA de Reagan lancent une grande
offensive.
Deux positions existaient, grosso modo. La première était
celle de " l'Ape et il comunista ", qui considérait
de manière maoïste l'URSS comme un social-impérialisme,
aussi dangereux que les USA.
La seconde, celle du " groupe d'élaboration - 16
mars du camp de Trani ", disait à l'opposé
qu'" on ne peut exclure par principe l'opportunité
d'appuyer tactiquement aussi les forces qui font référence
à l'URSS ou au soi-disant camp socialiste, bien qu'il
soit clair que ce choix tout à fait contingent a lieu
sans perdre de vue la tendance générale et stratégique,
par rapport à laquelle le social-impérialisme constitue
un impérialisme montant et dans la plus absolue et complète
autonomie politique et organisationnelle ".
A cette divergence importante va en succéder une autre,
qui concerne l'interprétation même du rôle
de la guérilla.
Tout d'abord, il y a l'exécution le 15 février
84 du général US et commandant en chef des troupes
de l'O.N.U. dans le Sinaï, Ray Leamon Hunt.
Hunt est " l'un de ces fonctionnaires consciencieux qui,
placés dans le monde entier, organise des saloperies innombrables
" au service de l'impérialisme US et au dépens
des peuples luttant pour le droit à l'autodétermination
et l'indépendance.
Les BR-PCC propose une ligne générale double, se
voulant dialectique et interdépendante: l'attaque au cur
de l'Etat, le front anti-impérialiste.
Cette ligne est contestée par une minorité des
BR-PCC, qui est exclue en 84. On parlera désormais des
deux positions.
La première, dont les partisans gardent le nom de BR-PCC,
s'orientent selon une option guérillera.
L'utilisation des armes ne se décide pas selon le jour
J de l'insurrection, " il s'agit d'une stratégie
politico-militaire conduisant le processus révolutionnaire
du début à la fin ". Le parti ne se construit
pas parallèlement aux mouvements de masses, mais consiste
en un " parti communiste combattant " montrant l'alternative,
unifiant la classe par ses actions contre les stratégies
de l'impérialisme.
Les partisanEs de cette position défendent l'héritage
des BR-PCC. Ils/Elles critiquent la déviation du PGPM,
influencé par " Prima Linea " (la guérilla
semi-légale des autonomes pro-guérilla) et par
les élucubrations du professeur de Padoue [Toni Negri],
" abandonnant le prolétariat métropolitain
dans sa globalité comme sujet révolutionnaire et
s'obnubilant sur ses franges extra-légales et sur les
prisonniers ".
L'année 1982 est vu comme une année importante,
nécessitant la " retraite stratégique ".
" La campagne de répression
les déchaînée par l'Etat contre le mouvement
révolutionnaire a, pour ainsi dire, seulement révélé
et mis en évidence dans toutes leurs implications les
symptômes d'une profonde crise politique qui existait avant
cette période de tortures, des trahisons et des arrestations
en masses ". Il faut donc " relancer l'activité
révolutionnaire dans notre pays sur des bases théoriques,
politiques et organisationnelles plus solides et plus pures que
par le passé ".
Mais, en tout cas " en Italie ce n'est pas la lutte armée
pour le communisme qui a été défaite, mais
ses conceptions idéalistes et immédiatistes ont
prévalu dans le mouvement révolutionnaire et dans
les Brigades rouges même ".
Par rapport à la seconde position s'étant développé
dans les BR-PCC, la Résolution stratégique N°
20 dit que " les brigades rouges n'ont rien exclu d'autre
qu'une tentative révisionniste de liquider les conquêtes
politiques de 15 années de lutte révolutionnaire
".
Que nous dit la seconde position ?
Elle refuse le " subjectivisme
" et " l'aventurisme " de la première position,
son " éclectisme théorique ". Elle met
en avant le léninisme, rejette les thèses sur la
" guerre populaire prolongée ", et forme un
nouveau groupe : l'Unione dei Communisti Combattente.
Pour l'UdCC il s'agit de faire de la propagande semi-légale;
la lutte armée n'est pas une stratégie mais juste
une " méthode décisive ". Il n'y a pas
de " guerre populaire prolongée ", seulement
une connexion tactique avec les masses à organiser, et
ce dans le but de la révolution. Tout le discours sur
le prolétariat métropolitain disparaît. A
la guérilla des BR-PCC l'UdCC oppose la " ligne de
masse ", reliée à l'utilisation tactique de
la lutte armée.
Au niveau international cette coupure fera grand bruit. Les BR-PCC
travailleront avec la RAF pour un " front anti-impérialiste
" en gardant leur spécificité (alors que la
RAF et Action Directe adoptent une position totalement commune).
L'UdCC aura elle un bon écho chez les Cellules Communistes
Combattantes (CCC) de Belgique, elles-mêmes proches du
PC d'Espagne [reconstitué] dans leurs analyses.
En décembre, les BR-PCC attaquent un fourgon de transport
de fonds. Un brigadiste est tué, sont blesséEs
une brigadiste, deux gardiens et un passant. Les membres du commando
disparaissent dans les HLM de la banlieue de Rome.
Début 1985, quelques actions sont menés pour se
procurer des fonds, coûtant la vie à deux jeunes
brigadistes. Un responsable anti-terroriste est exécuté.
Le 27 mars 1985 les BR-PCC exécutent le fonctionnaire
dirigeant du syndicat CISL, Tarantelli. Ce dernier avait été
conseiller de la banque centrale italienne, expert économique
de la CISL, bras droit de Craxi, et avait travaillé à
l'attaque contre la scala mobile (l'échelle mobile indexant
les salaires sur l'inflation).
Après l'opération est diffusé le communiqué
commun RAF/Action Directe, avec le communiqué de l'action
des BR-PCC, où l'on peut lire que " les Brigades
Rouges ont l'intention de travailler au renforcement et à
la consolidation du Front de lutte contre l'impérialisme
occidental qui a trouvé ces derniers temps une vigueur
renouvelée (...) par une campagne unitaire contre l'OTAN
de la guérilla européenne en liaison dialectique
avec l'exceptionnelle mobilisation de masse contre les missiles
américains dans les métropoles européennes
".
En été 85 c'est l'apparition officielle de l'UdCC,
qui rend public en octobre le " manifeste et thèses
de fondation de l'Union des communistes combattants ".
Les BR sont critiquées comme
n'ayant pas su, après 78, construire une forte direction
interne, pour ne pas être assez marxistes, pour avoir de
graves manquements idéologiques et pratiques. Il s'agit
pour l'UdCC, suivant le marxisme-léninisme, " de
se placer à la pointe du prolétariat et de mener
la lutte jusqu'à la prise du pouvoir ".
Mais il faut attendre l'année 1986 pour que l'activité
des deux organisations soient d'un niveau fort. Deux documents
marquent cette année : la reparution de " politique
et révolution ", et la parution du livre " Le
prolétariat ne s'est pas repenti ", rassemblant 214
documents sur le problème des repentis.
Le ministre de l'intérieur reparle lui du " retour
de l'état d'urgence ".
En effet, les BR-PCC et l'UdCC vont
effectuer un retour en force, et ce alors que la RAF, Action
Directe et les CCC belges agissent et remplissent l'actualité.
Le 10 février 86 à Florence les BR-PCC exécutent
Lando Conti, ancien ministre de la défense, proche du
chef du parti républicain et ancien maire de la ville.
Conti est accusé d'être " membre de la direction
politico-entreprenante chargée de relier les intérêts
économiques du secteur militaire aux intérêts
généraux de l'impérialisme occidental ".
Les BR-PCC opèrent, comme
dans les années 70, sur la relation entre crise et guerre.
Le 21 février un commando de l'UdCC jambise Antonio Da
Empoli, membre du cabinet du premier ministre, chargé
des affaires économiques et sociales. La militante Wilma
Monaco (27 ans) est tuée dans l'opération.
En octobre l'UdCC publie un texte, où l'objectif annoncé
est d'être " l'avant garde consciente de la classe
ouvrière ", " le détachement d'assaut
de l'insurrection armée ".
En 1979, il y avait eu 2513 attentats en Italie; 1502 en 1980.
Il y en a 30 en 1986. En 1980, le " terrorisme " fait
125 morts, 236 blessés. En 1986, 1 mort, 2 blessés.
Il y a eu, en 1979 et 1980, entre 1500 et 1800 attentats par
an, et 30 en 1986.
De 1969 à 1986, il y aura eu plus de 14600 attentats,
415 morts, 1180 blessés.
En janvier 1987 a lieu une fusillade à Rome, et trois
militantEs de l'UdCC (dont deux jeunes sont totalement inconnuEs
de la police) sont arrêtéEs : Paolo Casseta, Fabrizio
Melario, et Geraldina Colotti.
Début février est publié un auto-interview
des prisonniers Prospero Gallinari, Francesco Lo Bianco, Francesco
Piccioni et Bruno Seghetti, militants des br-pcc.
" Le fondement de toutes nos estimations est l'expérience
concrète des br. Leurs résultats pratiques, "
historiques ", avant et au-delà du " projet
", c'est-à-dire de la ligne politique par laquelle
les résultats ont été matériels.
C'est une découverte parce que la lutte armée n'avait
jamais auparavant été pratiqué ou théorisé
avec ces concepts, ni avec les mouvements de guérilla,
ni par les partis communistes de la IIIème Internationale.
C'est de plus une découverte au sens que la véritable
pratique et les dynamiques objectives, qui ont été
mené par elle, indique selon nous une stratégie
politico-militaire victorieuse qui va au-delà de la fixation
théorique sur les buts qui ont été à
l'origine ou ont orienté cette pratique ".
Le document met en valeur le principe découvert par les
BR : l'attaque au cur de l'Etat, et appelle à une
réflexion sur le parcours mené jusque là.
" Seul un bilan politico-historique du rôle que la
lutte armée des BR a joué dans l'histoire de l'affrontement
de classe de ce pays peut contribuer à ce que soit défini
scientifiquement une stratégie politico-militaire contemporaine
".
" La 'découverte' stratégique
essentielle qui a été faite par les BR est sans
aucun doute 'l'attaque au cur de l'Etat'. L'expérience
et la réflexion à ce niveau forment le véritable
axe stratégique à partir de laquelle s'est produite
l'identité politique et historique des br. En un certain
sens les br 'sont' l'attaque au cur de l'Etat. Sans ce
centre de gravité de l'activité politico-militaire,
la lutte armée en Italie n'aurait été qu'une
apparition passagère, avec une signification politique
beaucoup plus réduite.
Nous pensons par exemple à
l'absence de signification historique de l'activité de
Prima Linea, malgré qu'elle ait trouvé une certaine
résonance et qu'elle ait mené de très nombreuses
actions ".
Le 14 février 87 les BR-PCC attaquent un convoi et récoltent
un milliard de lire.
Le 17 février, des prisonnierEs des BR-PCC diffusent un
document au procès Moro-ter, où il est notamment
dit que " La stratégie de la lutte armée,
la pratique de la guérilla, leur rôle historique
est irremplaçable pour le prolétariat révolutionnaire,
dans le cadre d'une lutte de classes prolongées pour écraser
l'Etat et fonder la société socialiste ".
" Cela unit chaque jour davantage les intérêts
de notre révolution à ceux de tous le peuples et
forces révolutionnaires qui combattent dans l'espace méditerranéen
et au Proche-Orient contre un même ennemi, l'impérialisme
occidental aux ordres des Etats-Unis.
Aux côtés de la guérilla
européenne (...) les BR-PCC ont l'intention de développer
leur processus révolutionnaire, avec la conviction que
leur victoire dépend étroitement du renversement
du rapport des forces, et de la défaite de l'impérialisme
dans cette région (...)
- Renforçons le front anti-impérialiste en Europe
Occidentale et autour de la Méditerranée !
- Solidarité avec le combat du peuple Palestinien !
- Guerre à la guerre ! Guerre à l'OTAN !
- Contre la guerre impérialiste, guerre de classes pour
affirmer le pouvoir et la dictature du prolétariat ! ".
Le 21 février 87 l'UdCC exécute le général
Licio Giorgeri, responsable des armements aéronautiques
et spatiaux de l'armée de l'air.
Puis publie un document de 14 pages, distribué simultanément
à Rome, Milan et Gènes, et un texte de 149 pages
: " Comment sortir de la situation d'urgence ". L'UdCC
y donne comme mots d'ordre : " Non à l'adhésion
italienne à la guerre des étoiles ! " ; "
L'Italie hors de l'Otan " ; " Non à la politique
de gendarme de l'Italie en Méditerranée ! Unité
à la base de toutes les forces opposées aux néo-dictatures
des gouvernements bourgeois ! " ; " Hommage à
la Camarade Wilma Monaco "Roberta" ".
Mais l'UdCC doit faire face à une répression dure.
Elle a perdu beaucoup de membres jusqu'en juin, où est
arrêtée à Rome l'ensemble de sa direction
: Claudia Gioia, Massimiliano Bravi, Francisco Maïetta (leader
de la colonne romaine, déjà arrêté
en France dans le cadre d'une enquête sur Action Directe),
Danielle Menella (archiviste du ministère de l'Intérieur),
Paolo Persichetti, qui sera étudiant à Saint-Denis
en France.
Des bases sont découvertes, 14 militantEs sont arrêtéEs
en tout, puis 4 autres, puis finalement à Paris Maurizio
Locusta (37 ans, en possession de faux papiers et de 70.000F.),
un des leaders de l'UdCC, avec 3 autres militants.
Arrestation ensuite de 6 autres militantEs à Rome dont
Aldo Balducci, 30 ans, employé au ministère des
Travaux Publics, et Maurizio Falcone, chauffeur d'un Préfet
au Ministère de l'Intérieur !
D'autres arrestations suivent, portant fin août à
30 le nombre de militantEs arrêtéEs. 11 autres sont
arrêtés en septembre, 3 en novembre.
L'UdCC est définitivement
démantelée.
Seules restent les BR-PCC, d'autant plus que certains de leurs
leaders historiques emprisonnés abandonnent la lutte armée,
et que le noyau historique des BR originelles s'est lui-même
dissocié de la lutte armée : Renato Curcio, Mario
Moretti, Maurizio Janelli et Piero Bertolazzi écrivent
une " lettre ouverte " au quotidien " Il Manifesto
" où est expliqué que " les conditions
internationales qui avaient favorisé cette lutte sont
désormais dépassées " et qu'une amnistie
était nécessaire.
En octobre est publié un document de Barbara Balzerani,
Luigi Novelli, Giuseppe Scirocco, Piero Vanzi, où est
dit que " Les transformations politiques et sociales à
l'intérieur du pays, tout comme l'évolution des
relations internationales, rendent caduques notre projet révolutionnaire
et la stratégie qui l'appuyait ".
Qui plus est, " Là où la révolution
ne triomphe pas, c'est la bourgeoisie qui résout en sa
faveur les contradictions de la société et ce d'autant
plus aisément quand il en découle un quelconque
développement social ".
13.Le front anti-impérialiste
combattant (1988)
Le 16 avril 88, le sénateur de la DC Roberto Ruffili,
grand ami du nouveau chef du gouvernement De Mita nommé
trois jours auparavant, est exécuté par les BR-PCC,
qui attaquent le " projet de réforme néo-autoritaire
des organes étatiques ".
Mais le mois d'avril est également marqué par un
texte très important, qui va permettre la fermentation
de tout un nouveau courant politique qui culminera avec l'exigence
de construction d'un " (nouveau)Parti communiste italien.
Le texte, écrit par un groupe de révolutionnaires,
s'intitule " Cristoforo Colomba " ; pour ces camarades,
les BR ont été comme Christophe Colomb : croyant
aller quelque part, arrivant ailleurs mais ne le sachant pas.
Le groupe critique d'abord très fortement les multiples
déviations subjectivistes, pour mettre en avant la question
du Parti. D'une certaine manière on peut dire qu'il s'agit
d'une critique contre l'éclectisme des références
(Marighella, les Tupamaros, Cuba, l'OLP, IRA, ETA, les Black
Panthers etc.) qu'aurait le mouvement révolutionnaire,
pour un retour à une politique tel qu'un parti peut la
mener. Il s'agit d'une remise en cause des aspects criants du
gauchisme ayant dominé les BR avec la ligne voulant élever
les masses au niveau de la lutte armée, considérant
l'Etat comme " Etat impérialiste des multinationales
", etc.
On peut dire que la ligne des partisanEs du (nouveau)Parti Communiste
italien provient historiquement de cette position, pour qui les
BR n'ont été en fin de compte que le meilleur produit
du mouvement des masses dans les années 1970, et pour
qui la question de la construction du Parti doit être au
centre des préoccupations.
En septembre, c'est l'écriture du document unitaire RAF/BR-PCC,
qui est diffusé en mars 89 sous la forme de tract à
Rome et Naples à l'occasion de l'attaque de la RAF contre
Tietmeyer, responsable économique allemand.
Voici le document : " Le saut à la politique du front
est possible et nécessaire pour les forces révolutionnaires,
afin d'amener la confrontation à l'acuité adéquate.
Pour cela, toutes les positions idéologiques-dogmatiques
existantes encore à l'intérieur des forces combattantes
et du mouvement révolutionnaire doivent être combattues
et dépassées, parce qu'elles divisent les combattants,
et parce que ces positions ne peuvent pas atteindre le niveau
dont on a besoin pour amener les luttes et les attaques à
leur acuité politique nécessaire.
Les différences historiques dans le développement
et la définition politique de chaque organisation, les
différences (secondaires) dans l'analyse, etc., ne peuvent
et ne doivent pas être un obstacle à l'unification
nécessaire des multiples luttes et activités anti-impérialistes
dans une attaque consciente et ciblée contre la puissance
de l'impérialisme.
Il ne s'agit pas d'une fusion de chaque organisation en une seule
; le front se développe en Europe de l'Ouest dans un processus
de reconnaissance direct et organisé, sur la base de l'offensive
pratique, dans la mesure où les prochains moments rendent
mûre l'unité entre les forces combattantes.
L'organisation du front révolutionnaire combattant signifie
l'organisation de l'offensive.
Il ne s'agit ni d'une catégorie
idéologique ni d'un modèle de révolution.
Il s'agit au contraire du développement de la force politique
et pratique qui combat la puissance de l'impérialisme
de manière adéquate, qui approfondit la rupture
dans la métropole impérialiste et en arrive au
saut qualitatif de la lutte prolétarienne.
Notre expérience commune montre comment, sur la base de
la décision subjective de chaque organisation, malgré
l'existence de différences et de contradictions, il est
possible de développer le front ; nous n'avons dans la
discussion commune jamais perdu des yeux l'élément
unitaire de l'offensive contre l'impérialisme.
L'Europe de l'Ouest est le pivot du conflit entre le prolétariat
international et la bourgeoisie impérialiste.
L'Europe de l'Ouest est, par son caractère historique,
politique et géographique, la coupure où se dessinent
les trois lignes de démarcation : Etat/société,
Nord/Sud, Est/Ouest.
L'aggravation de la crise du système impérialiste
et le déclin de la puissance économique des USA
sont les fondements principaux qui amènent, ensemble avec
d'autres facteurs politiques, à une perte relative du
poids politique des USA, et qui mettent en avant le développement
des processus d'intégration économique, politique
et militaire.
Dans ce rapport la fonction de l'Europe de l'Ouest croît
pour le management impérialiste de la crise.
Au niveau économique, l'Europe de l'Ouest développe
un plan synchronisé de politiques économiques à
l'intérieur des managements impérialistes de la
crise, comme soutien et tampon des contradictions économiques.
Au niveau militaire, il y a l'obligation de l'intégration
politico-militaire à l'intérieur de l'OTAN avec
les projets politico-économiques de réarmement
dans la nouvelle stratégie militaire impérialiste
pour la confrontation avec l'Est, avec l'intervention politico-militaire
intégrée contre les conflits s'envenimant dans
le tiers-monde, en premier lieu les régions de crise au
Proche-Orient.
Au niveau contre-révolutionnaire, il y a le réarmement
et l'intégration des appareils de police et de renseignements
contre le développement du front révolutionnaire,
contre les luttes révolutionnaires en général
et contre l'élargissement et l'aggravation des antagonismes
de masse.
Il y a la réorganisation
et l'intégration pour une intervention politique ciblée
contre la guérilla, comme par exemple les projets de "solution
politique " dans différents pays ouest-européens.
Au niveau politico-diplomatique, il y a les projets de "
dialogue politique " pour désamorcer les conflits
et consolider les positions de force impérialistes.
Ces initiatives ont aussi comme
fonction de renforcer les processus de formation de l'Europe
de l'Ouest à l'intérieur du système global.
Ces différents niveaux sont mutuellement liés et
poussent en avant la formation politique de l'Europe de l'Ouest,
un mouvement dont aucun pays n'est exclu.
Aucune force révolutionnaire
combattante ne peut, dans son activité révolutionnaire,
mettre cela de côté.
Ces éléments politiques forment le cadre où
le front est, en Europe de l'Ouest, possible et nécessaire.
Le niveau historiquement atteint par la contre-révolution
impérialiste a fondamentalement modifié le conflit
entre l'impérialisme et les forces révolutionnaires.
Cela signifie devenir conscient du poids croissant de la subjectivité
dans la confrontation des classes et du fait que le terrain révolutionnaire
ne peut pas être un simple réflexe aux conditions
objectives.
L'attaque du front ouest-européen contre les projets stratégiques
actuels de formation politique, économique et militaire
de l'Europe de l'Ouest vise l'affaiblissement du système
impérialiste, afin d'entraîner la crise politique
globale.
Notre offensive commune se dirige :
Contre :
La formation des politiques économiques et monétaires
ouest-européennes, qui sont conçues dans le système
impérialiste global comme soutien et tampon vis-à-vis
des érosions économiques pointues, et qui en coordination
avec les politiques des USA et du Japon, veulent imposer les
intérêts (en terme de profits et de puissance) des
banques et des multinationales, sur le dos du tiers-monde, et
empêcher l'écroulement du système financier
international.
Contre :
Les politiques de formation ouest-européenne qui visent
au renforcement des positions impérialistes ; actuellement
elles interviennent au Proche-Orient, sur le dos des peuples
palestinien et libanais, afin de stabiliser cette région.
L'attaque unitaire des lignes stratégiques de la formation
de l'Europe de l'Ouest ébranle le pouvoir impérialiste.
Organiser la lutte armée en Europe de l'Ouest.
Construire dans l'attaque l'unité des forces révolutionnaires
combattantes : organiser le front.
Lutter ensemble ".
6 bases et 20 membres des BR-PCC sont découvertEs et arrêtéEs
en septembre 88. C'est un coup très dur pour l'organisation,
que beaucoup considèrent alors comme démantelée.
13.BR-PCC, NCC-PCC,
NTA, NIPR (1989-2001)
L'année 1988 a été une année charnière
; la destruction par l'Etat italien des structures des BR-PCC
joue un rôle psychologique très fort. La propagande
étatique et révisionniste affirme que les derniers
Mohicans ont été arrêté, que l'histoire
de la guérilla est désormais close non seulement
théoriquement mais également pratiquement.
Les faits prouvent pourtant le contraire, ce qui semble donner
raison aux BR-PCC qui parlent de " processus révolutionnaire
non-linéaire ". Le 29 mars 1989 le mur extérieur
de la prison spéciale de Novara est attaquée, l'action
est revendiquée par téléphone par les BR.
En 1991 sont diffusés des documents écrits par
les prisonnierEs; en 1992 apparaît un groupe reconnaissant
l'activité centrale des BR-PCC et se nommant Nuclei Comunisti
Combattenti per la costruzione del Partito Comunista Combattente.
Ces noyaux communistes combattants attaquent le 17 octobre 1992
la Cofindustria (rassemblement patronal) à Rome.
Des militantEs des BR-PCC sont arrêtéEs pendant
quelques années en France.
Début 1993 c'est la Cofindustria d'Udine qui est attaquée
à l'occasion de la visite du ministre de l'industrie par
des " militanti rivoluzionari per la costruzione del PCC
".
Le 2 septembre de la même année les BR-PCC attaquent
la base américaine d'Aviano, et le 28 octobre des tracts
de soutien aux membres des BR-PCC arrêtéEs quelques
jours auparavant sont distribuées durant des manifestations
ouvrières à Monfalcone, Trieste, Udine et Pordenone
par des " militants révolutionnaires pour la construction
du PCC ".
Le 10 janvier 1994 les NCC-PCC attaquent le NATO defense college
à Rome (il s'agit d'une école de formation des
cadres de l'OTAN) au moment d'une réunion de l'OTAN à
Bruxelles. Dans les différents procès des militantEs
des BR-PCC, une scission est visible suite à l'action
contre la base d'Aviano, une partie critiquant la vision seulement
anti-impérialiste du communiqué de l'action.
On notera également la publication de différents
textes, notamment par la Cellule pour la constitution du PCC,
défendant la construction d'une organisation de lutte
armée. La cellule, qui produit de nombreux textes (production
allant jusqu'à aujourd'hui) et qui n'a jamais revendiqué
d'actions, oscille perpétuellement entre les BR-PCC néanmoins
considérées comme subjectivistes et l'UdCC défunte,
de qui elle est au final sans doute plus proche.
En 1995 apparaissent les Nuclei Territoriali Antimperialisti
(NTA) qui mènent des actions contre l'OTAN ; par la suite
des actions seront menées à Rome, Bologne et Milan,
et un premier long texte sort en 1997.
Le 20 mai 1999, un commando des BR-PCC exécutent Massimo
D'Antona, conseiller du ministre du travail. La revue française
" L'express " dit que " le choix de la victime
constitue également une signature : spécialiste
du droit du travail, D'Antona, homme de gauche, peu connu du
grand public, jouait cependant - et les Brigades Rouges en étaient
parfaitement conscientes - un rôle de premier plan dans
la politique de réformes sociales du gouvernement, notamment
en matière de flexiblité de l'emploi et de réglementation
des grèves ".
Ces " nouvelles " brigades rouges sont en fait issues
des NCC-PCC, et le communiqué des BR-PCC est très
long et possède le caractère d'une résolution
stratégique.
" Le 20 mai 1999, à Rome, les Brigades Rouges pour
la Construction du Parti Communiste Combattant ont frappé
Massimo D'Antona, conseiller législatif du Ministre du
Travail Bassolino et représentant du bureau à la
table permanente du "Pacte pour l'occupation et le développement".
Avec cette offensive les Brigades Rouges pour la Construction
du Parti Communiste Combattant reprennent l'initiative combattante,
en intervenant dans les nuds centraux de l'affrontement
pour le développement de la guerre de classe de longue
durée, pour la conquête du pouvoir politique et
l'instauration de la dictature du prolétariat, en portant
l'attaque au projet politique néo-corporatif du "Pacte
pour l'occupation et le développement" ".
Les BR-PCC frappent au moment où l'impérialisme
intervient militairement en Yougoslavie ; cela et la réorganisation
du rapport entre les classes par l'impérialisme en Italie
nécessitent d'intervenir : " Un cadre politique général
qui impose au prolétariat et à ses avant-gardes
révolutionnaires d'assumer la responsabilité politique
de construire l'alternative de pouvoir historiquement proportionnée
à ces projets, à travers la reprise de l'attaque
révolutionnaire, soit au cur des politiques qui
permettent à cet État de jouer son rôle impérialiste
"
" La proposition politique des BR-PCC se concrétise
donc en deux aspects: d'un côté en organisant les
avant-gardes les plus conscientes autour de la stratégie
politique de l'organisation; de l'autre en représentant
l'élément de référence d'avancée
et de fixation pour les instances les plus mûres de la
lutte de classe en se rapportant à elles avec le programme
politique.
Finalement, l'autre axe sur lequel les BR-PCC entendent développer
leur propre programme politique est sur le plan de la contradiction
impérialisme/anti-impérialisme, afin d'affaiblir
et de réduire la domination impérialiste, en construisant
l'offensive commune contre ses politiques centrales, avec les
forces révolutionnaires et anti-impérialistes qui
opèrent dans la zone Europe - Méditerranée
- Moyen-Orient.
Les BR-PCC mettent donc au centre de leur propre projet politique
la promotion et construction du Front Combattant Anti-impérialiste,
dans lequel la recherche de l'unité politique-militaire
entre forces anti-impérialiste de la zone permette de
construire les alliances politiques nécessaires à
affaiblir la domination impérialiste, à partir
de les différences historique-structurelles de la lutte
de classe des formations économique-sociales uniques dans
lesquelles existent et mûrissent les expériences
et les forces révolutionnaires et anti-impérialiste,
mais aussi à partir du rôle unique et unitaire que
déroulent les État dominants de la chaîne
impérialiste.
Concevoir la nécessité politique de construire
un Front Combattant Anti-impérialiste ne signifie pas
exclure la reconstruction d'une Internationale Communiste, mais
signifie ne pas négliger d'activer toutes les forces disponibles
contre l'ennemi impérialiste, au-delà des différences
entre les étapes révolutionnaires et les conceptions
que soutiennent les forces anti-impérialistes, et construire
aussi une condition favorable à la poursuite de l'objectif
de l'International Communiste qui présuppose une unité
supérieure dans les caractères de classe, dans
les buts et dans les conceptions des forces y appartenant ".
Les " nouvelles " BR-PCC ont la même idéologie
que les "anciennes " BR-PCC :
· il s'agit de suivre la guerre de classe de longue durée,
dans le cadre de la retraite stratégique ;
· la guérilla agit en tant que Parti pour construire
le Parti, nécessairement combattant ;
· dans le processus de guerre de classe de longue durée
il y a discontinuité dans le processus révolutionnaire
(en raison de l'ampleur de la contre-révolution préventive
;
· il est nécessaire d'organiser un front anti-impérialiste
combattant dans la zone Europe - Méditerranée -
Moyen-Orient.
Comme d'habitude le flou est de rigueur au niveau des références.
Il faut attendre de très nombreuses pages avant de voir
une référence positive aux révolutions russe
et chinoise et la revendication du marxisme-léninisme
comme idéologie.
Une thèse néanmoins cette fois explicitement mise
en avant est celle voulant que la fin de l'URSS soit quelque
chose de négatif.
Il est parlé de " pays
socialistes " ou " en transition ", trahis par
les révisionnistes et attaqués par l'impérialisme.
La fin de l'URSS fermerait un cycle ouvert avec la révolution
de 1917, ce qui est grosso modo la même position que la
RAF. A l'opposé des Brigades Rouges initiales, les BR-PCC
ne considèrent donc pas l'URSS comme social-impérialiste
.
L'action des BR-PCC a un grand écho, mais suscite également
de vigoureuses critiques.
De nombreuses " personnalités
" historiques, et non des moindres comme Gallinari, rejettent
l'utilisation du terme " BR-PCC " par le groupe ; à
l'opposé les prisonnierEs des BR-PCC saluent l'initiative.
Le Parti Communiste d'Espagne (reconstitué),
qui appuie la guérilla des GRAPO, attaque également
violemment les BR-PCC, accusées de ne faire l'action qu'en
raison de la construction du " (nouveau)Parti Communiste
Italien ".
Le (n)PCI se construit à partir de l'illégalité,
et critiquera vigoureusement les BR-PCC comme subjectiviste,
dans le texte " Martin Lutero ". Pour les partisanEs
du (n)PCI, la tâche prioritaire est la reconstruction du
Parti.
Si les BR-PCC n'ont rien revendiqué depuis, de nombreuses
actions armées ont tout de même eu lieu.
Il y a ainsi notamment l'attaque à l'explosif à
la mi-mai 2000 contre le siège de la Commission d'étude
et de surveillance des normes anti-grèves, et le 10 avril
2001 l'action contre l'institut de recherche sur l'économie
mondiale et une association pour les relations italo-US à
Rome, revendiquées par les NIPR (Nuclei di Iniziativa
Proletaria Rivoluzionaria ; noyaux d'initiative prolétaire
révolutionnaire). En septembre 2001 c'est la cellule Barbara
Kistler qui avait attaqué l'Institut du Commerce Extérieure
de Trieste.
Par la suite, les NTA sortiront un communiqué saluant
l'action des NIPR ; les NIPR comme les NTA considèrent
les BR-PCC comme l'avant-garde. Des documents des NIPR et des
BR-PCC seront expédiés à de nombreux représentants
syndicaux et dans des usines.
" Voici, les graffitis,
théâtre de la vie. Egratignures, griffures, lacérations,
qui gravent sur les territoires de la mort, sur les surfaces
claires et nettes de la métropole, des signes de révolte
et de libération. Gouttes colorées d'un désir
souterrain qui cherche ses volumes dans l'univers hyper-réel
saturé de vide.
Qui déploie un discours de poésie dans la rude
culture de la rue.
Qui émerge dans le monde
hétéroclite de l'a-communication totale, avec une
voix limpide, vierge, sans histoire.
Qui nomme l'innommable et par
cette transgression se porte à la vie sociale, violant
le contexte programmé pour sa négation. Poésie
de multiples poètes, voix sans visage qui regarde ses
interlocuteurs sans en avoir aucun, mais qui parle intensément
à tous ceux qui lui offrent leur regard. Et à chaque
nouveau regard renouvelle les inépuisables scènes
du théâtre de la vie ".
" Chacun écrit dans sa propre zone de rencontre :
mur, banc, cabine téléphonique, banquette de métro
; on marque son propre territoire. De cette façon celui-ci
est délimité, indiquant aux autres la présence
d'un groupe, son nom, sa musique préférée
ou son style de vie. Un style de vie qui a dans la transgression,
dans la rupture de la normalité de communication, son
propre signifiant : projet de modification suivant son goût
propre, son esthétique personnelle, quasiment d'aménagement
de la ville où l'on habite, sur un autre mode ".
" Pas toujours. Parfois les graffitis sportifs, érotiques,
politiques, rock, nous regardent avec l'oeil poussif d'une solitude
féroce. Ils implorent une quelconque identification, quelle
qu'elle soit, une appartenance quelconque.
Hard Rock, Juventus, Punk, peut
importe.
Ils gueulent à l'autre - ennemi immédiat - CREVE-CREVE-CREVE,
et semblent en jouir. Mais ce sont les angoisses, les peurs,
les phantasmes qui prennent ici la forme de signes et lacèrent
les murs. SOS désespérés de naufragés
important à la dérive. Pissotières comme
bouteille à qui est confiée une solitude folle,
"seuls les emmerdes me tiennent compagnie / je n'ai pas
d'amis / je n'ai jamais fait l'amour / je n'arrive pas à
trouver un cul / je veux quelqu'un pour m'aimer".
Paroles de latrines. Hululées
dans la pénombre d'un sexe castré. Epanchements
délirants qui cherchent un oeil lubrique. Excréments
sémiotiques qui, dans l'odeur des ghettos, planent sur
les excréments des corps. Ecriture de décharge
des mille tensions frustrées. Langage vomit par le besoin.
Non par désir.
Le désir parle des signes
chaudes d'un peuple invisible qui se reproduit et se multiplie
hors des réseaux canalisés par les flux déments
des rythmes métropolitains. Signes de création
qui brûlent l'indifférence de l'espace froid, saturé
de mots, boueux, pollué, des lieux frigorifiques de l'acom-.........
des lieux frigorifiques où l'a-communication multi-médiatique
génère comme effet délirant des corps qui
aboient seuls dans les rues et sombrent toujours plus dans l'affabulation
désespérée de paroles sans écho.
Corps sans visage ni voix, aphasiques, indifférents, étrangers,
aliénés.
Débris incapables d'exprimer
d'une façon ou d'une autre leur propre dévastation
".
Texte de Renato Curcio, l'un des
fondateurs historiques des BR
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