Le PCE[r] :
entre réformisme armé et rupture révolutionnaire
Article
paru dans Front Social
Le Parti Communiste d'Espagne (reconstitué) est directement
issu de l'élan révolutionnaire des années
1960, où se conjuguent la crise capitaliste, la guerre
du Vietnam, la révolution culturelle en Chine populaire,
le mouvement de mai-juin 1968 en France
Ce sont des années où
dans tous les pays du monde le révisionnisme des "
Partis Communistes " pro-soviétiques est critiqué
et où de nouvelles organisations sont formées.
En Espagne les choses se passent néanmoins légèrement
différemment.
En effet, au lieu de vouloir dépasser
les anciens Partis Communistes en apprenant de Mao Zedong, comme
c'est le cas des futures Brigades Rouges, de la Gauche Prolétarienne,
etc., les communiste d'Espagne " reconstituent " le
Parti Communiste d'Espagne.
Ils/Elles entendent de fait continuer
la Guerre Antifasciste commencée lors des années
1930.
Dans son Manifeste-Programme, le PCE[r] nous dit ainsi que :
" La crise économique
capitaliste mondiale eut aussi une forte répercussion
en Espagne, dans un moment où l'ont touchait le plafond
des plans de développement industriel, le régime
entrait entièrement dans la crise politique et commençait,
en tâtant le terrain, la manuvre d'" ouverture
" avec laquelle il aurait une sortie.
Le mouvement ouvrier et populaire s'était remis des effets
de la déroute subie en 1939 et des longues années
de terreur fasciste ouverte, et chaque fois qu'échoua
la politique de réconciliation carriliste [de Carillo,
leader révisionniste du PC d'Espagne] et ses consignes
pour une " grève nationale pacifique ", le mouvement
commençait à se diriger vers la voie de la résistance
et de la lutte armée.
Ce contexte général va donner lieu à l'apparition
de nouveaux mouvements ouvriers organisés. L'Organisation
Marxiste-Léniniste d'Espagne (OMLE) fut l'une de ces premières
organisations communistes nées dans cette période
(1968) ".
Le PCE[r] est directement issu de l'OMLE en juin 1975, à
un moment crucial où l'Espagne passe du fascisme ouvert
à un régime se prétendant " normalement
démocratique ".
Comme le dit le Manifeste-Programme du PCE[r], " dans un
moment d'aggravation maximale de la crise politique du régime,
ainsi que de toutes les contradictions et tensions sociales,
le Congrès constitua une plate-forme qui permettra au
PCE[r], à peine né, de jouer un rôle important
dans la vie politique, tout particulièrement dans la dénonciation
de la Réforme ".
" En 1975, quand Franco disparaît de la scène
politique et qu'on intronise la monarchie des Bourbon, en suivant
les consignes de succession établies par le dictateur,
les anciennes formes de domination fasciste venaient d'êtres
démolies par la lutte des masses des dernières
années. Il était clair que le régime ne
pouvait plus tenir debout en conservant son caractère
ouvertement fasciste.
D'un autre côté, la stabilité de ces formes
engourdissait chaque fois d'avantage la réalisation des
plans de la classe dominante espagnole, poussée à
son intégration totale, économiquement et militairement,
dans le bloc impérialiste.
C'est ainsi qu'on ouvre le pas, au milieu de la division des
chapelles politiques et des groupes financiers, à la réforme
politique ".
D'un côté le PCE[r] ne remet donc pas en cause la
ligne politique du PC d'Espagne, pourtant révisionniste
comme on a pu le voir dans la guerre antifasciste. Le PC d'Espagne
avait alors positivement rejeté les anarchistes et les
trotskystes, mais n'avait pas dirigé la lutte, se cachant
derrière le Front Populaire comme l'a fait à la
même époque le PC en France (et à l'opposé
du PC de Chine).
Le PCE[r] reste sur ce terrain et se veut simplement " marxiste-léniniste
" ; il ne critique pas les erreurs du passé, il ne
fait que se " reconstituer ".
De l'autre côté, justement parce qu'il conserve
dans sa ligne politique de nombreux enseignements de Lénine
et Staline, il rejette la pseudo transition démocratique,
et à ce titre ne sombre justement pas comme les anarchistes
et les trotskystes dans l'opportunisme le plus complet. Toute
la culture du PCE[r] et des GRAPO se fondent sur cette contradiction.
Le programme
du PCE[r] :
entre ambiguïté anti-Parti et pragmatisme
Le Manifeste-Programme du PCE[r]
dit : " Le Parti Communiste d'Espagne (reconstitué)
est un parti politique prolétaire, noyau dirigeant et
détachement de l'avant-garde la classe ouvrière.
Notre organisation se considère comme héritière
et continuatrice de l'uvre révolutionnaire entreprise
par le Parti Communiste d'Espagne que commença José
Diaz, le Parti Communiste d'Espagne aujourd'hui décadent,
transformé par le révisionnisme en un instrument
de l'oppression et de l'exploitation capitaliste.
Le Parti Communiste d'Espagne (reconstitué) forme une
partie du mouvement communiste international et est guidé
par les principes du marxisme-léninisme dans l'élaboration
de sa ligne politique et dans son action révolutionnaire
".
" Le PCE(r) se fixe comme objectif primordial l'avènement
du communisme, ce qui veut dire, la suppression de la propriété
privée capitaliste et des classes, avec lequel se créeront
les conditions nécessaires pour l'extinction de l'Etat.
A cette fin le Parti se propose principalement d'organiser la
classe ouvrière dans la lutte contre le système
capitaliste, pour parvenir à la démolition complète
de son appareil bureaucratico-militaire, et l'instauration de
la dictature du prolétariat contre la bourgeoisie.
Actuellement le Parti centre ses
principaux efforts sur l'éducation et l'organisation politique
de la classe ouvrière, défend l'unité d'action
avec d'autres organisations ouvrières et populaires et
la lutte de résistance contre le fascisme et l'impérialisme,
lutte qui conduit à accumuler les forces révolutionnaires
et a crée les conditions pour le déroulement de
la Guerre Populaire Prolongée et le triomphe de l'insurrection
armée générale.
Le Parti pose et défend les droits politiques, économiques
et sociaux immédiates des travailleurs et applique une
ligne de masse, de manière à ce qu'elle lui permette
de demeurer lié aux luttes et de rassembler et synthétiser
les expériences de la lutte.
Mais comme chef politique de la classe ouvrière, le Parti
ne marche pas à la remorque d'un mouvement spontané,
sinon pour s'efforcer d'élever les ouvriers jusqu'à
la compréhension de leurs véritables intérêts
de classe, pour marquer les objectifs à conquérir
et les diriger dans la lutte.
Le Parti doit inculquer la discipline consciente aux masses d'ouvriers
sans parti, étendre les méthodes de lutte révolutionnaire,
la solidarité de classe, l'esprit d'organisation et la
fermeté, la combativité ; pour cela, le Parti doit
être la personnification de la discipline, de l'organisation
et de l'abnégation révolutionnaire " (Manifeste
Programme).
" Le fascisme a été le principal instrument
dont s'est servi l'oligarchie financière et des propriétaires
fonciers pour soumettre les masses populaires, et mener à
bien le développement économique du pays par la
voie monopoliste. Ce double caractère, monopoliste (impérialiste)
et fasciste, est la principale caractéristique de l'Etat
espagnol.
Le développement de la grande industrie, l'agriculture
capitaliste, le commerce a grande échelle, les transports,
etc.. a conduit à terme à la fusion de tous les
secteurs économiques avec la banque et la mise ne place
de l'Etat à leur service ; l'oligarchie a créé
les conditions matérielles pour la réalisation
du socialisme, a fait croître le prolétariat et
l'a éduqué dans l'école de la guerre civile
quasi permanente.
En accord avec les conditions générales que nous
venons de mettre en valeur, la révolution à mener
en Espagne peut seulement avoir un caractère socialiste.
Il n'existe pas en notre pays d'étape révolutionnaire
intermédiaire, aucune "marche de la chaîne
historique " antérieure à la révolution
socialiste.
Par conséquent, l'objectif stratégique que poursuit
le Parti est la démolition de l'Etat fasciste, l'expropriation
de l'oligarchie financière - propriétaire terrienne
et l'instauration de la République Populaire.
Le prolétariat est la classe la plus exploitée
et opprimée, la mieux organisée et la plus révolutionnaire
de la population et par cela même la classe appelée
a diriger d'autres secteurs populaires ; le prolétariat
constitue la principale force motrice de la révolution.
Joints à la classe ouvrière, les petits paysans
et beaucoup d'autres travailleurs et semi-prolétaires
(petits transporteurs, les employés, autonomes, etc.),
ainsi que les peuples des nations opprimées et les intellectuels
progressistes pourront prendre une part active dans la lutte
pour la destruction du capitalisme ou observer une position de
neutralité.
De ces secteurs, les plus proches du prolétariat sont
les semi-prolétaires et les petits paysans qui plient
sous les dettes des banques. Dans la perspective de leurs intérêts
futurs, tous ces secteurs sont objectivement intéressés
par la révolution socialiste, quoique oscillant continuellement
entre les positions conséquemment démocratique
et révolutionnaire du prolétariat et celles du
réformisme bourgeois.
La tactique du Parti est de les chercher, de les attirer aux
côtés du prolétariat, avec pour but de renverser
par la force l'oligarchie financière et propriétaire
terrienne, et de gagner la petite bourgeoisie ou de tenter de
la neutraliser (
).
Avec l'instauration de la République Populaire commencera
une période qui ira de la destruction de l'Etat fasciste
et impérialiste à l'instauration de la dictature
du prolétariat.
Cette période couvrira une courte étape de transition
qui pourra être considérée aussi comme le
commencement de la restructuration socialiste, laquelle devra
être présidée par un gouvernement provisoire
qui agira comme organe des grandes masses du peuple soulevé
en armes.
La principale mission de ce gouvernement
sera d'écraser l'opposition violente de la grande bourgeoisie
et des autres secteurs réactionnaires, et de garantir
le déroulement des élections véritablement
libres pour une Assemblée Constituante.
Cette Assemblée élaborera
la constitution et nommera un nouveau gouvernement démocratique.
Le programme du Parti pour une étape de transition se
résume en seize points :
1) Formation d'un Gouvernement Provisoire Démocratique
Révolutionnaire.
2) Création de Conseils ouvriers et populaires comme base
du nouveau pouvoir.
3) Dissolution de tous les corps répressifs de la réaction
et armement général du peuple.
4) Libération des prisonniers politique antifascistes
et mise en procès de leur tortionnaires et assassins contre-révolutionnaires.
Large grâce pour les prisonniers sociaux.
5) Expropriation et nationalisation des banques des grandes propriétés
agricoles, des monopoles industriels et commerciaux et des principaux
moyens de communication
6) Reconnaissance au droit à l'autodétermination
des peuples basque, catalan et galicien. Indépendance
pour la colonie africaine des Canaries. Retour de Ceuta Y Melila
au Maroc.
7) Suppression de tous les privilèges économiques
et politiques de l'Eglise ; séparation radicale de l'Eglise
et de l'école. Liberté de conscience.
8) Liberté d'expression, d'organisation et de manifestation
pour le peuple. Le droit de grève sera une conquête
irréversible des travailleurs.
9) Incorporation de la femme, sur un pied absolue d'égalité
avec l'homme, dans la vie économique, politique et sociale.
10) Reconnaissance de tous les droits électoraux politique,
sociaux, etc. des travailleurs immigrés. Suppression de
toute forme d'oppression et de discrimination raciale, sexuelle
et culturelle.
11) Réduction de la journée de travail. Travail
pour tous. Amélioration des conditions de vie et de travail.
12) Logements dignes et économiques ; sécurité
sociale, santé et enseignement a la charge de l'Etat.
13) Droit de la jeunesse à
recevoir une formation intégrale et gratuite, droit à
un travail sain et bien rétribué, de disposer de
locaux et d'autres moyens pour le libre déroulement de
ses activités
14) Sortie immédiate de l'OTAN et de l'UE, ainsi que des
autres organisations créées pour l'agression et
le pillage impérialiste.
15) Démantèlement des bases militaires étrangères
sur notre territoire et réintégration de Gibraltar.
16) Application des principes de coexistence pacifiques dans
les relations avec tous les pays. Appui de la lutte de libération
des peuples opprimés.
Seul un gouvernement révolutionnaire
formé par les représentants des organisations populaires,
qui agit comme organe de l'insurrection populaire victorieuse,
possédera la force et l'autorité nécessaire
pour organiser les élections et une assemblé de
représentants du peuple.
Avec le nouveau gouvernement se mènera au bout la démolition
complète de la vieille machine étatique de la bourgeoisie,
sur laquelle siège la domination et les privilèges
du capital.
Ceci est la condition première de toute révolution
véritablement démocratique et populaire. Seront
entreprises immédiatement les transformations économique
et sociales nécessaires, ceci facilitera ainsi l'établissement
du pouvoir populaire et l'hégémonie politique du
prolétariat.
Tout pouvoir qui se dit populaire doit avoir pour base un peuple
en arme et des organisations politiques authentiquement démocratiques.
Organisant sa propre armée
et sa propre police, et la fondant sur les organes politiques
du pouvoir, les masses révolutionnaires pourront défendre
leur conquêtes et exercer le contrôle sur le gouvernement.
Les masses populaires pourront élire librement et révoquer,
dans les cas nécessaires, leurs représentants.
Dans chaque usine, entreprise agricole,
unité militaire, centre d'enseignement, village, cité,
district, etc., seront élus des Conseils. Ils seront les
organes de décisions et d'exécution du nouveau
pouvoir, avec une autorité et autonomie propre pour organiser
et diriger tout type d'activités sociales : depuis le
travail jusqu'au sport, et depuis la police jusqu'à l'
administration de la justice
Tous les prisonniers communistes, indépendantistes, anarchistes,
antimilitaristes, anti-impérialistes et antifascistes
seront immédiatement libérés. C'est aujourd'hui
une sincère aspiration que ne se fera pas attendre. [...]
Les tortionnaires et les criminels
contre-révolutionnaires s'étant fait remarquer
dans la répression seront détenus et punis de manière
exemplaire [...]. Ceci ne se fera pas par soif de vengeance,
mais par nécessité politique, les réactionnaires,
même après la révolution, essaieront de récupérer
le pouvoir et leurs privilèges perdus, la révolution
devra se défendre face a eux, les réprimer et les
en dissuader.
La révolution mènera au bout la nationalisation
des moyens essentiels de production ; cela ne veut pas dire l'expropriation
des épargnants ou des petites propriétés
légitimement acquises à travers le travail, l'effort
personnel et familial , comme peut l'être la terre des
petits paysans, ni tous ces biens ou objets d'usage particulier
ou domestique (comme les logements, l'automobile, etc.).
Le nouveau pouvoir mettra a la disposition
des familles et personnes sans toit les habitations inoccupées.
Le capital et les grandes entreprises nationalisées passeront
à l'Etat et seront contrôlées par les Comités
ou Conseils Ouvriers et Populaires. De cette manière,
les travailleurs se convertiront en maîtres effectifs de
l'économie nationalisée et la mettront à
leur service.
Le principe de l'autodétermination est un droit universellement
reconnu de la démocratie politique que le nouvel Etat
né de la révolution en Espagne devra rendre effectif.
Dans le délai le plus court possible sera mis sur pied
une consultation pour que les peuples des nationalités
décident de fonder un Etat séparé ou de
continuer d'être unis sur un plan d'égalité
économique absolue.
Quel que soit le résultat, le nouveau gouvernement, les
partis politiques et les organisations populaires devront respecter
la décision librement exprimée par les peuples
des nations et faciliter l'exercice de tous leurs droits.
Le nouveau Pouvoir Populaire mènera à bien l'expropriation
des contre-révolutionnaires, de tous ceux qui auront collaboré
activement avec la contre-révolution ; les autres qui,
quoique étant petits propriétaires, se placeront
du côté du peuple, l'Etat les aidera de manière
effective, moyennant crédit à intérêts
bas ou nuls ; ils paieront un prix juste pour leurs produits,
prestations, aides techniques, etc. Ces mesures seront en accord
avec les intérêts politiques et économique
de la révolution.
Après le renversement de l'oligarchie, les principaux
moyens de communication, d'édition, de distribution, etc..
passeront sous le contrôle et la direction du peuple grâce
à ses organisations représentatives. C'est seulement
de cette manière que pourra être assuré l'exercice
de leur droits d'expression et une information vraie et objective,
ainsi qu'une culture véritablement démocratique
".
Comme on le voit, le rôle dirigeant du Parti Communiste,
un principe essentiel pourtant, n'est pas clairement établi.
Le gouvernement est " révolutionnaire démocratique
"
afin de pouvoir rassembler les différentes
couches sociales contre "l'oligarchie ".
La dictature du prolétariat
n'est pas directement instauré, car une période
intermédiaire est nécessaire, celle de la "
république populaire ".
Cette position a également
été celle du PCMLF [PC Marxiste-Léniniste
de France] dans les années 1960 ; le PCMLF lui aussi "
reconstituait " simplement le PC et ne voyait pas en le
maoïsme une étape supérieure, même s'il
revendiquait de Mao Zedong. Le PCMLF a été fondé
à partir de gens comprenant que le PC en France avait
sombré dans le révisionnisme, mais ils n'ont pas
réussi à sortir du bourbier et ont conservé
un schéma petit-bourgeois.
De fait, le PCE[r] est un parti
de ce type : critique du révisionnisme, mais refusant
de couper les ponts avec.
L'idéologie
du PCE[r] : marxiste-léniniste anti-maoïste
Le PCE[r] se revendique de Marx,
Engels, Lénine et Staline. Pour ce parti, il n'y a pas
de critique de Staline qui tienne. Mao Zedong est considéré
comme un révolutionnaire, mais ses apports (en philosophie
notamment) sont considérés comme erronés.
Le PCE[r] s'oppose catégoriquement au marxisme-léninisme-maoïsme.
De fait, le PCE[r] défend un point de vue révisionniste,
tout en s'en défendant. D'un côté il dit
: l'URSS d'après Staline et la Chine d'après Mao
Zedong sont révisionnistes, la clique au pouvoir dans
ces pays est révisionniste. Mais de l'autre, l'URSS jusqu'en
1991 et la Chine encore aujourd'hui sont considérés
comme socialistes.
Pour comprendre l'ampleur de ce
qui est pour nous maoïstes un délire complet, regardons
ce que disait le secrétaire général du PCE[r]
en 1991 : " Pour toutes ces raisons, et comme le confirment
l'analyse historique et les évènements les plus
récents, nous nions que puisse se produire un recul ou
un retour au capitalisme dans l'ensemble des pays socialistes.
Et même dans l'hypothèse où se déroulerait
un phénomène de ce type, nous devrions considérer
que le socialisme parviendrait à réapparaître
avec des forces décuplées. Il faut avoir en tête
que le système socialiste est fondamentalement composé
de l'URSS et de la RPC [république populaire de Chine],
deux grands pays extrêmement peuplés, de grande
superficie, aux énormes capacités économiques,
scientifiques, technologiques et militaires.
Ils sont de plus dotés d'une
considérable expérience en matière d'organisation
et de direction des affaires publiques. Il est vrai que les révisionnistes
et la bourgeoisie ont fait beaucoup de mal aux masses populaires
de ces pays, les menant au bourbier dont il est assez difficile
de sortir maintenant, mais ils n'ont pas atteint, ni n'atteindront
l'objectif d'y rétablir le capitalisme ".
En conséquence, le PCE[r] travaille par exemple avec les
gens de " northern compass ", une revue canadienne
travaillant à la " reformation de l'Union Soviétique
" avec des vieux schnocks issus des " Partis Communistes
" favorables à l'ancien social-impérialisme
russe.
Nous maoïstes sommes en opposition catégorique avec
cette interprétation des choses.
Pour nous, avec la prise du contrôle
du PC d'URSS par Khrouchtchev et sa clique, l'URSS devient social-impérialiste.
Le socialisme, dirigé par le PC, devient un capitalisme
d'Etat au service d'une clique bureaucratique menant une politique
fasciste en URSS. Les pays socialistes de l'Est deviennent des
néo-colonies exploitées par ce que le communistes
de Chine ont appelé à juste titre " le social-impérialisme
russe ".
De même, avec l'accession au pouvoir en Chine de Deng Xiaoping
et l'écrasement des dirigeants communistes appelés
par les révisionnistes chinois " la bande des quatre
", la Chine devient un Etat fasciste, un Etat semblable
à l'URSS : un capitalisme d'Etat au service d'une bourgeoisie
bureaucratique.
En ce sens, nous maoïstes, rejetons catégoriquement
l'idéologie du PCE[r]. Nous sommes solidaires de cette
force progressiste, mais ne nous considérons pas cette
organisation comme réellement communiste. Nous pensons
qu'on ne peut pas être communiste sans défendre
le marxisme-léninisme-maoïsme.
C'est pourquoi nous avons rejeté les partisans de cette
" ligne " pro-soviétique, qui d'ailleurs aujourd'hui
tentent en France de former un " secours rouge international
" avec uniquement des groupes anti-maoïstes défendant
un telle ligne .
Car nous maoïstes ne sommes pas des opportunistes, nous
ne faisons pas des constructions alambiquées pour éviter
de regarder les masses en face et d'assumer le travail révolutionnaire
immense qui est à faire.
Nous maoïstes assumons toutes les facettes du communisme,
nous ne sommes pas des fétichistes de la " bonne
vieille union soviétique " ou de n'importe quel autre
bibelot idéologique.
Nous maoïstes plaçons la politique au poste de commande.
Nous ne faisons pas de la politique " au nom des masses
", nous ne faisons pas de l'" anti " (anti-répressif,
anti-fascisme
). Nous avons des objectifs : la révolution,
le communisme. Nous avons des principes, une morale, une base
: le marxisme-léninisme-maoïsme.
En conséquence, notre solidarité avec les révolutionnaires
du PCE[r] n'est pas un chèque en blanc à leur ligne
politique.
Les GRAPO
Nous avons vu que le PCE[r] considérait qu'avant la dictature
du prolétariat il y avait une phase intermédiaire.
Nous avons également vu que le PCE[r] était le
PC d'Espagne de la guerre antifasciste reconstitué.
Une conséquence directe est l'appui du PCE[r] à
la guérilla, mais non sa direction. Tous les membres du
PCE[r] ne sont pas dans les GRAPO, et il y a dans les GRAPO des
antifascistes, des démocrates, etc. qui ne sont pas du
PCE[r].
La différence pratique avec le maoïsme est flagrante
: pour le maoïsme l'armée est directement organisé
et dirigé par le Parti (ainsi l'Armée Populaire
de Libération est dirigée par le PC du Pérou,
le TIKKO par le TKP(ML)
).
Les Groupes de Résistance Antifasciste du Premier Octobre
ont été formé en été 1975,
cinq mois après la reconstitution du PC d'Espagne, à
partir du noyau du PCE[r] s'occupant des actions militaires (financement,
répression des indicateurs
).
Le PCE[r] avait décidé de la création d'une
organisation "encadrant le plus grand nombre possible de
combattants anti-fascistes, formant ses propres cadres (ne devant
pas être nécessairement de membres du Parti ni professer
l'idéologie communiste); en outre, on exigeait que l'Organisation
agirait dorénavant de façon autonome du Parti et
qu'elle adopterait ses propres décisions ".
Ainsi les GRAPO ne sont pas le PCE[r], et vice-versa. Le PCE[r]
ne fait qu'appuyer les GRAPO, qui sont également composés
d'antifascistes, de démocrates, etc. (même si le
PCE[r] a reconnu être la principale origine des militantEs
des GRAPO).
Les premières actions des GRAPO consistèrent en
une réponse claire à ce qui est connu comme "
l'été de la terreur ", où les forces
fascistes réprimèrent violemment les masses populaires,
et où furent passées les premières lois
antiterroristes (qui furent élargies par les gouvernements
"démocratiques ").
Le 2 août deux membres de la Guardia Civil furent attaqués
par les GRAPO en plein centre de Madrid, un fut tué et
l'autre grièvement blessé.
Le début des GRAPO fut un processus difficile. Comme ils
le disent eux-mêmes : " Au début, il y avait
la pratique. On peut considérer que nous fûmes poussés
à prendre les armes par la nécessité d'affronter
le fascisme au moment où cet ennemi de tout le peuple
prétendait se perpétuer en faisant appel, comme
il l'a toujours fait, à la répression et au terrorisme
ouvert.
Certes, les conditions n'étaient
pas déjà les mêmes d'autres époques
antérieures. Le régime avait épuisé
ses possibilités dans ce domaine. Evidemment, nous avions
une idée très nébuleuse sur ce sujet.
Nous nous sentions surtout solidaires
avec les victimes de la répression; quelques fois nous
fûmes aussi le but direct de la répression, mais
nous ne savions pas comment l'affronter. La charlatanerie dominante
aux milieux de la gauche la plus " radicale " nous
attristait et, nous mêmes, nous nous y voyions impuissants
et extraordinairement limités par la faiblesse de l'Organisation
et par la pénurie de moyens matériels.
En sorte qu'il n'y eût rien
d'autre à faire qu'aller au combat avec ce que nous avions:
quelques pistolets, des matraques, des marteaux, etc. Nous devions
arracher des mains de l'ennemi les armes que nous avions besoin
".
Le 27 septembre l'Etat fasciste exécuta cinq antifascistes
(deux membres d'ETA et trois membres du FRAP). En réponse,
le premier octobre cinq différentes unités exécutèrent
cinq policiers et en blessèrent grièvement un autre
dans plusieurs quartiers de Madrid, pendant que Franco et ses
acolytes "célébraient " les exécutions
plaza de Oriente.
Cette action eut un grand retentissement. Plus de vingt procès
avec le risque de condamnation à la peine de mort furent
bloqués.
C'est un moment historique pour
les GRAPO, car les masses généralisaient leurs
luttes contre le fascisme, et les GRAPO réussissaient
à intervenir pour casser la tentative fasciste de casser
le mouvement par une répression sanglante.
Les GRAPO disent ainsi que " nous pouvons dire qu'autant
cette expérience-là que celle que nous avons accumulée
dans la longue lutte que nous livrons depuis lors, nous a pourvu
de la certitude absolu sur la nécessité que la
lutte armée et les mouvements des masses doivent marcher
ensemble pour arracher des concessions et pouvoir renverser finalement
le fascisme et le monopolisme ".
Les GRAPO ne revendiquèrent
l'action que le 18 juillet 1976, où 60 bombes explosèrent
contre des cibles fascistes. C'était la manière
des GRAPO de " saluer " le soixantième anniversaire
du début de la guerre civile. Les attaques continuèrent
de manière continue ; deux membres des GRAPO périrent
en tentant de faire sauter le palais de justice de Séville.
Les GRAPO organisèrent par la suite l'" opération
papier " contre la télévision, outil des fascistes,
puis en décembre 1976 un commando enleva le président
du conseil d'Etat Oriol y Urquiso, et en janvier 1977 le président
de la Cour Suprême de la justice militaire, le lieutenant-général
Villaescusa. L'" opération chrome " visait à
libérer les prisonnierEs politiques et à combattre
l'institutionnalisation du fascisme sous le masque de la "
démocratie ".
Mais le même mois la police arrête à Madrid
et Barcelone 40 membres du PCE[r] et des GRAPO, réussissant
à libérer les prisonnierEs de l'oligarchie. La
direction des GRAPO était arrêtée.
Quelques jours auparavant les GRAPO avaient exécuté
deux policiers et un garde civil, en blessant trois autres, lors
de deux attaques contre les forces fascistes suite à l'exécution
de cinq avocats de gauche par une unité paramilitaire
supervisée par la Garde Civile.
Les GRAPO firent leur autocritique,
considérant qu'ils avaient pris trop de liberté
avec les régles de sécurité et sous-estimé
la capacité tactique de l'Etat à intervenir.
C'est alors une nouvelle période pour les GRAPO, qui diront
ainsi que " De même que la formation du Commando Central
marque le commencement de l'étape constitutive de l'Organisation,
son arrestation, autant par les conditions concrètes où
elle s'est produite que par la nouvelle situation crée
dans l'Organisation, marquerait la fin de cette étape
et le commencement d'autre étape différente.
Jusqu'ici nous pouvons dire que l'un des objectifs que nous nous
avions montré était de démontrer qu'on pouvait
combattre le fascisme les armes à la main, cela était
accompli pour l'essentiel.
Maintenant il fallait démontrer
qu'on pouvait continuer à résister, jusqu'à
ouvrir une brèche par où faire irruption le mouvement
révolutionnaire des masses ".
Le 4 juin deux gardes civils furent exécutés à
Barcelone, le jour de la première élection générale
" libre " depuis 1936. Cette action fut le symbole
clair du refus du masque " démocratique " du
fascisme.
La stratégie des GRAPO est claire : " Nos actions
ont correspondu à chaque moment aux nécessités
politiques du mouvement politique : comme réponse aux
crimes fascistes, comme dénonciation de la mascarade électorale
et de la permanence du fascisme, comme encouragement et soutien
aux masses pour la lutte de résistance contre l'exploitation
et l'oppression des monopoles ".
Et c'est un processus long, une guerre populaire prolongée
: "Actuellement il existe un déséquilibre
de forces à la faveur de la réaction. Les forces
populaires partent d'une position d'infériorité
et, pour cela, elles se voient obligées à maintenir
une lutte de stratégie défensive.
Mais comme elles sont porteuses
de tout le neuf et qu'elles luttent pour une cause juste et progressiste,
elles se renforcent au cours de la guerre et trouveront un large
soutien. Par contre, les forces réactionnaires partent
d'une position de supériorité.
Mais comme elles sont porteuses
de tout le vieux et déjà caduc et qu'elles défendent
une cause injuste, elles s'affaibliront et resteront isolées,
jusqu'à la fin ou produise un nouveau déséquilibre,
seul que cette fois à la faveur des forces populaires.
Ainsi pourront celles-ci passer
à l'offensive stratégique pour anéantir
dans un délai de temps relativement court, aux forces
principales de l'ennemi et pour introduire un régime populaire
".
Mais l'ennemi qu'affrontent les GRAPO est intelligent : "
La classe dominante espagnole sait, vue sa large expérience
dans la répression du mouvement ouvrier et populaire,
que si elle n'arrive pas à décapiter et à
anéantir le mouvement révolutionnaire organisé
et à couper ses liens avec les masses dans cette première
étape, il lui en sera impossible plus tard. Pour cela
il emploie toutes ces forces et ses moyens afin de nous détruire
le plus tôt possible.
Etant consciente du dur coup qu'ils
nous avaient assené et des encore faibles liens nous unissant
aux masses, à la fois qu'ils nous posent un siège
policier, ils déploient une campagne venimeuse de désinformation
fondée sur les prétendues " origines obscures
" de notre Organisation et sur ses " obscurs "
et " étranges " buts et objectifs. Dans ce contexte,
notre activité révolutionnaire devrait passer sous
une pression et un harcèlement continuels".
Le 27 septembre 1977, le capitaine de la police Herguedas est
exécuté par les GRAPO à Madrid ; il était
un des volontaires fascistes qui avaient exécuté
cinq antifascistes deux années auparavant. Les GRAPO exproprièrent
en passant plus de 500 kilos d'explosifs.
En octobre, le comité central du PCE[r] est arrêté.
Les GRAPO continuèrent difficilement leurs actions en
1977 et en 1978, actions consistant principalement en des attaques
à l'explosif des forces de la police et de l'armée
ainsi que des bâtiments du gouvernement.
Des actions furent menées
en solidarité avec les prisonnierEs de la Fraction Armée
Rouge en Allemagne et avec les prisonnierEs d'ETA en France.
Le 22 mars 1978 le directeur général des prisons
fut exécuté à Madrid; il était notamment
responsable de l'assassinat sous la torture d'un prisonnier anarchiste
à la prison de Carabanchel, la police essayant de lui
arracher des informations sur un plan d'évasion de prisonnierEs
du PCE[r] et des GRAPO.
Les GRAPO publièrent alors un document intitulé
"Expériences de trois années de lutte ".
Y est expliqué que la guerre
contre le fascisme passe le mouvement de résistance populaire
et doit être dirigée par la classe ouvrière.
" La classe ouvrière avec son parti d'avant-garde
est la force guidant et dirigeant notre révolution, c'est
le secteur le plus clair et au premier rang, et en tant que tel
celui appelé pour guider et diriger la révolution
; l'unité de la résistance comprend la guérilla
". Le PCE[r] et les GRAPO sont deux organisations indépendantes
mais profitent l'une de l'autre.
Le document dit aussi : " En raison de l'existence du fascisme
avec comme conséquence le manque de libertés réelles
et la super-exploitation que nous avons vu et que nous voyons
toujours soumettre le prolétariat et les larges masses
populaires, la contradiction principale qui joue est celle entre
l'Etat espagnol se confrontant au peuple, contre le fascisme
et les monopoles ".
Pour les GRAPO politiquement le climat est favorable aux avancées
du mouvement révolutionnaire, mais l'organisation est
rendue difficile à cause de la répression et de
l'hyper centralisation de la répression.
1978 est l'année d'une grande crise politique, avec une
énorme vague de grèves, notamment en Andalousie,
en Galicie, et surtout en Euzkadi où à San Sebastian
la police fut attaquée. Le régime fut obligé
de modifier les apparences, et proclama une constitution.
Un programme en cinq point fut par la suite proposé par
les GRAPO, le PCE[r] et d'autres organisations, un programme
en recul par rapport au programme communiste, mais considérée
comme une avancée à moyen terme en raison d'un
effet de polarisation face au fascisme.
Le gouvernement rejeta ce programme,
qui prévoyait l'amnistie des prisonnierEs et des exiléEs,
l'abolition des lois anti-terroristes, une purge antifasciste
des institutions, les libertés politiques et syndicales,
le rejet de l'OTAN, la dissolution du parlement et des élections
libres.
De 1979 à 1984 les GRAPO suivirent cette ligne politique,
et l'année 1979 fut ainsi une année cruciale.
Elle fut marquée par le plus
grand nombre d'actions armées depuis la guerre civile.
Les GRAPO exécutèrent Agustia Munoz Vazques, un
chef militaire ayant négocié l'intégration
de l'Espagne dans l'OTAN, ainsi que Rodrigues Roman, le directeur
général de la DGS lorsqu'une manifestation ouvrière
fut mitraillée en 1976.
Ils attaquèrent le commissaire
police Beltan, connu à Séville comme le bourreau
d'ouvriers anti-fascistes, ainsi que le directeur général
des institutions pénales, Garcia Valdes et le commissaire
de police pour le district de Madrid. Le 6 avril ils exécutèrent
à Séville le chef de la brigade " antiterroriste
" de la police nationale.
La seconde moitié de l'année,
30 militantEs furent arrêtéEs, de nombreux laboratoires
démantelés. L'Etat fasciste pensait avoir écrasé
les GRAPO ; 20 membres de la police fasciste furent exécutés
cette année-là par les GRAPO, qui perdirent 7 membres.
Les GRAPO avaient voulu éviter de rendre coup pour coup,
mais la direction avait pris le risque de les amener en ce sens
là ; une autocritique fut faite par la suite : un repli
tactique eut été préférable.
A Paris, un commando des services secrets espagnols exécutèrent
deux membres en exil du PCE[r], responsable des relations extérieures
: Martin Eizaguirre et Fernandez Cario.
Le 20 avril Juan Carlos Delgado de Codes, un membre du Comité
Central du PCE[r], fut assassiné par la police alors qu'il
n'était pas armé (il ne faisait pas non plus partie
des GRAPO).
Mais peu après, le 17 décembre, 5 dirigeants s'échappèrent
de la prison de Zamora grâce à un tunnel (certains
membres du PCE[r] étaient mineurs de profession !).
En même pas six mois les GRAPO
se réorganisèrent totalement, disposant à
nouveau de commandos et de laboratoires pour les explosifs. Mais
trois des cinq échappés furent exécutés
par la police (1980,1981,1982) et les deux autres furent capturés.
1980 et 1981 furent donc des années assez difficiles pour
les GRAPO, qui perdirent neuf membres, exécutés
par la police.
Un militant du PCE[r] mourut en
1980 à cause de la torture, un autre, Crespo Galende,
après 94 jours de grève de la faim. L'Etat espagnol
criminalise le PCE[r], l'assimilant aux GRAPO ; des milliers
de ses sympathisants passèrent par les prisons.
Les GRAPO menèrent ces deux années huit exécutions,
dont deux généraux de l'armée et un colonel,
visant l'armée à cause de son importance dans la
contre-révolution.
La longue grève de la faim fut également une grande
victoire. Les prisonniers furent réunis en communes, dont
la Commune Karl Marx, dans la prison de Soria, rassembla 80 prisonnierEs
du PCE[r] et des GRAPO jusqu'à ce que les " socialistes
" la cassèrent en 1989.
En octobre 1982, la veille des élections, 30 explosions
eurent lieu dans 15 parties différentes du pays, pour
dénoncer la farce électorale. Mais alors que les
socialistes arrivent au pouvoir, les services secrets exécutent
le leader des GRAPO, Juan Martin Luna, désarmé.
Les auteurs de l'action, qui l'avaient
criblé de balles, eurent un procès dans lequel
ils furent acquittés. L'exécution de Juan Martin
Luna marque la réponse des sociaux-fascistes du PSOE (Parti
Socialiste Ouvrier Espagnol) à la déclaration unilatérale
de trêve des GRAPO.
Le PSOE mena une dure politique répressive et organisa
une politique de " repentance ". Le régime pensait
qu'avec 10 millions de voix il pourrait isoler et liquider les
organisations populaires armées. Le PSOE lança
donc un grand programme terroriste d'Etat.
Alors, " considérant
que les dernières illusions réformistes des masses
ont disparu, que les partis et syndicats vendus sont en faillite
totale, que les mouvements ouvriers et populaires sont en croissance
et utilisant des moyens vraiment radicaux et révolutionnaires
,
et qu'en définitive les conditions qui motivaient et rendaient
possible le programme en 5 points ont disparu ", les GRAPO
cessèrent de mettre l'accent sur d'éventuelles
négociations.
Désormais c'est le renversement de l'Etat des monopoles
qu'il faut, selon eux, organiser. En conséquence les GRAPO
se réorganisèrent pour continuer dans la durée,
pour une guerre prolongée, pour non seulement maintenir
mais développer la guérilla dans les masses populaires,
dans le " mouvement populaire de résistance ".
Il s'agit d'avoir " un parti communiste fort, bien ancré
dans le prolétariat, un large mouvement de masse à
caractère révolutionnaire et une armée populaire
de guérilla ".
En pratique, cela est encore difficile.
En 1983 les GRAPO durent travailler
à se relancer ; mais la nouvelle direction eut une position
militariste. Le manque de formation des nouveaux cadres fit que
l'hégémonie politique du PCE[r] se perdit, amenant
une ligne militariste, semi-anarchiste.
La nouvelle direction n'entendait
plus se subordonner à la stratégie du PCE[r] et
la plupart des actions visaient à son propre renforcement.
L'année 1984 fut par conséquent une année
de réorganisation du financement : plus de 100 capitalistes
payèrent cette année là un impôt aux
GRAPO. Un capitaliste qui refusait de payer fut exécuté,
ainsi que Manuel de la Padure, un capitaliste connu à
la tête de l'association des employeurs.
Le responsable de la Radio Nationale
fut blessé comme réponse à la propagande
contre-révolutionnaire qu'il organisait. Un membre des
GRAPO fut tué suite à cette opération, un
autre blessé et arrêté dans la planque.
En juin, le " camarade Arenas " (Manuel Perez Martinez),
secrétaire général du PCE[r] fut libéré
de prison ; il y était depuis 1977 pour " association
illégale ".
Il dut, comme d'autres, passer immédiatement
dans l'illégalité.
En 1984 46 actions furent menées, toujours en liaison
avec les luttes populaires ou l'internationalisme.
Le 19 janvier 1985 fut un jour catastrophique : 19 militantEs
des GRAPO furent arrêtéEs dans 19 provinces, 17
appartements planquant armement et argent furent découverts.
Les GRAPO avaient pris des libertés
avec leurs propres consignes de sécurité, et en
48 heures la police en profita. La ligne militariste avait permis
qu'un seul infiltré permette le démantèlement
rapide d'une grande partie de l'organisation.
En 1985 les GRAPO n'existaient donc pratiquement plus. La réorganisation
fut très difficile ; 7 membres furent arrêtés
la même année dans ce processus.
En 1986 le mouvement continua, ainsi
qu'en 1987 ; il y eut des expropriations de banques et de commissariats.
La taxe révolutionnaire fut
de nouveau instaurée en 1988 ; le 27 mai le président
de la banque de Galice, récalcitrant, fut exécuté.
Deux mois après un autre capitaliste fut tué, un
autre blessé. Le 4 octobre les GRAPO réussirent
à se procurer 800 cartes d'identité dans le commissariat
du centre de Madrid. Les années 1987-1988 furent celles
de la réorganisation réussie des GRAPO.
1989 fut une année de relance. Le 10 mars deux gardes
civils furent exécutés alors le groupe TREVI se
réunissait (le groupe TREVI coordonne les activités
contre-insurrectionnelles des pays européens).
En juillet les GRAPO se procurèrent
148 millions de pesetas (plusieurs millions de francs) à
la banque de Castellon. En novembre commença une grève
de la faim des prisonnierEs politiques pour mettre fin à
l'isolement. Les GRAPO soutinrent le mouvement dès décembre.
Le 13 un commandement de l'armée
fut grièvement blessé à Madrid ; le 15 ce
fut le tour à un colonel de l'armée à Valence
; le 18 un membre des services secrets fut exécuté
près de Barcelone ; le 28 deux membres de la Garde Civile
en faction à Gijon furent exécutés.
Le gouvernement accusa alors indistinctement les membres du PCE[r]
de faire partie des GRAPO et amena les prisonnierEs à
l'hôpital, où ils/elles furent enchaînéEs
et nourriEs de force. L'organisateur de cela, le docteur Munoz,
fut exécuté le 27 mars 1990 par un commando des
GRAPO à Saragosse. Il avait même rejeté l'ordre
d'un juge de cesser cette méthode.
La grève continua, et le
25 mai, après 177 jours de grève, José Manuel
Sevillano Martin mourut. Il était membre des GRAPO et
en prison depuis 1987.
Un colonel de l'armée fut
exécuté le 15 juin à Valladolid, puis les
GRAPO attendirent, pour lancer une offensive en septembre.
Six bombes explosèrent à
Madrid (le cour suprême, la bourse, le ministère
de l'économie), Tarragona (une dizaine de millions de
francs de dégâts pour des installations liées
au pétrole), Barcelone (destruction du bâtiment
du PSOE, un million de francs de dégâts) et Gijon
(récupération de documents d'identité puis
destruction du bâtiment).
En novembre deux bombes visèrent
des bâtiments officiels à Barcelone. Un pipeline
destiné pour les bases de l'OTAN fut également
attaqué.
En 1991 et 1992 les actions continuèrent. L'année
1992 était une année très importante pour
le régime : c'était la dixième année
du gouvernement PSOE, les jeux olympiques de Barcelone, l'exposition
universelle à Séville et l'année de Madrid
comme " cité culturelle de l'Europe ".
Les GRAPO ne cherchèrent
pas à attaquer ces manifestations, la pression étant
d'avance calculée comme trop grande.
Ils se " contentèrent
" ainsi de bloquer le TAV (l'équivalent du TGV) le
jour même de son inauguration, de faire sauter des oléoducs
et une station électrique, ainsi qu'en avril 1992 d'une
attaque de l'institut national de l'industrie et du ministère
du travail.
En 1993 les GRAPO échouèrent à exécuter
l'ex-Directeur Général des Prisons Galavis.
En juillet trois membres des GRAPO
furent tués lors de l'explosion du fourgon blindé
qu'ils attaquaient.
7 bombes furent déposés
à Madrid (bâtiments du PSOE et du syndicat patronal,
Ministère du travail, Institut National de l'Industrie
)
et le centre de distribution de gaz de Saragosse fut attaqué.
Mais un commando chargé du renseignement fut arrêté
à Madrid en pleine célébration de la conférence
sur le Moyen-Orient.
En 1994 les GRAPO menèrent des actions de soutien au mouvement
de résistance ainsi que des réappropriations (quelques
millions de francs obtenus par l'attaque de fourgons blindés).
Le 27 juin ils enlevèrent Publio Cordon, président
de l'assurance Previasa.
Il fut libéré le 17
août après avoir payé une dizaine de millions
de francs. Il devait payer autant après sa sortie, mais
disparut dans la nature (pour des motifs personnels obscurs),
ce qui causa et cause encore un scandale chez les médias
espagnols.
En novembre trois membres des GRAPO furent arrêtés.
Ainsi, de 1975 à 1995, 3000 personnes eurent affaire à
la police en raison de leur sympathie pour les GRAPO, 1400 furent
emprisonnées, les GRAPO menèrent 60 exécutions,
300 attaques à l'explosif, 3.000 actions armées
(le gouvernement espagnol en reconnaît 545). Vingt membres
des GRAPO furent tués, ainsi que 7 membres du PCE[r].
Il y a alors selon la police une
centaines de personnes dans la clandestinité.
A partir de 1996 les GRAPO firent une trêve, et des pourparlers
eurent lieu entre l'Etat espagnol et des membres emprisonnés
du PCE[r] et des GRAPO.
Mais le PCE[r] refusant toujours
de reconnaître la constitution espagnole, les négociations
cessèrent et les GRAPO reprirent la lutte. Parmi les nombreuses
actions menées (consulter les différents Front
Social pour cela), on notera l'attaque à l'explosif de
la vallée des morts, immense monument funéraire
abritant les tombes des généraux d'Espagne.
Les actions des GRAPO ne doivent
pas non plus faire oublier les très nombreuses actions
de la " guérilla diffuse ".
L'arrestation des militantEs du PCE[r] est donc clairement à
comprendre comme un soutien à la politique anti-révolutionnaire
du régime espagnol.
Et à ce titre nous devons
clairement soutenir les révolutionnaires emprisonnéEs
du PCE[r] !
Liberté pour les révolutionnaires emprisonnéEs
!
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