ENCORE UNE FOIS
A PROPOS DE L'HISTOIRE DU PCE(r)
[placer la politique
au poste de commandement!]
Article
paru dans Front Social
Nous avons dans le dernier numéro de Front Social publié
un long historique du Parti Communiste d'Espagne et des GRAPO
(Groupes de Résistance Antifasciste du Premier Octobre).
Nous avons souvent parlé du Pce(r) dans Front Social,
que ce soit par la publication de leurs communiqués, des
adresses des prisonnierEs politiques, à de multiples tracts.
Liste des articles publiés
dans Front Social quant
au PCE(r) et aux GRAPO
1. " Parti
et Guérilla " de la commune Karl Marx des prisonnierEs
du PCE(r) et des GRAPO (Front Social n°7 - printemps 1997)
;
2. Interview de l'avocat des GRAPO (Front Social n°8 - automne
1997) ;
3. Communiqué des GRAPO, interview d'une prisonnière
des GRAPO liste des adresses des prisonnierEs politiques (Front
Social n°11 - automne 1998) ;
4. Communiqué du 4ème congrès du PCE(r)
et tract du PCE(r) quant aux élections en Euzkadi (Front
Social n°12 - Hiver 1998) ;
5. Communiqué des GRAPO (Front Social n°14 - Automne
1999) ;
6. Document sur Brotons, prisonnier du PCE(r) et des GRAPO et
publication de la liste des prisonnierEs (Front Social n°15
- Printemps 2000) ;
7. Interview de Brotons (Front Social n°17 - Automne 2000)
;
8. Historique du PCE(r) et des GRAPO (Front Social n°18 -
Printemps 2001).
Je persiste à soutenir qu'à moins d'avoir enquêté,
on ne peut prétendre au droit à la parole
- Mao Zedong
Nous avons toujours mis en avant
les différences politiques pouvant exister, et toujours
considéré celles-ci comme secondaires par rapport
à la nécessaire solidarité, d'autant plus
que maintenant il y a en France des prisonnierEs de ces deux
organisations.
Néanmoins, les propos du secrétaire général
du PCE(r), Arenas, depuis la prison de Fresnes, sont extrêmement
éloignés de notre conception de la révolution
en France. Nous avons toujours critiqué l'utilisation
à tort et à travers du terme " fasciste ".
Dans le numéro 5 de Front
Social, dans un document sur l'appareil d'Etat, nous critiquions
par exemple ceux/celles qui affirmaient que Pasqua était
un " fasciste ".
Les exemples sont nombreux, que
ce soit dans notre revue ou dans notre pratique. Nous n'avons
également jamais accepté que le terme " nazi
" soit appliqué à des régimes répressifs
(Sud africain ou Israélien), car c'est du négationnisme.
La répression, aussi sanglante soit-elle, n'est pas l'extermination.
En France, les révolutionnaires ont toujours dû
affronter le réformisme " antifasciste " de
SOS racisme, de Réflexes et autres.
Aujourd'hui, Arenas reprend ce discours
" gaulliste ". Il dit ainsi, dans une lettre de la
prison de Fresnes :
" Quand le juge eut terminé son "terrible"
discours je demandais la parole :
Monsieur le juge je reste perplexe. Tout ce que vous venez de
dire démontre que vous n'avez même pas pris la peine
de jeter un il sur l'acte d'accusation. Il est évident
que vos accusations ne sont pas basées sur "l'enquête"
policière mais sont le résultat d'un préjugé
découlant de la version politique des autorités
espagnoles...
En écoutant parler monsieur Bruguière je me suis
senti ramené à une période triste et honteuse
de l'histoire récente de la France, à l'époque
du régime de Vichy. Le maréchal Pétain aurait-il
ressuscité ? ".
Pour nous, la démocratie bourgeoise et le fascisme sont
les deux masques interchangeables du régime capitaliste.
Il n'y a pas de " bons " bourgeois et de " mauvais
" bourgeois. Un flic est un flic, un juge est un juge, un
ennemi de classe est un ennemi de classe.
Le juge Bruguière est au
service de la bourgeoisie, mais il n'est pas un fasciste, car
ce qui compte, ce n'est pas sa personnalité, mais sa fonction.
Bruguière fait son travail
; il peut être zélé, mais qu'il soit social-démocrate
ou RPR, verts ou partisan de Mégret n'y changera rien.
Son rôle est défini précisément, et
son opinion politique ou ses désirs de gloire et de reconnaissance
n'y changent rien.
Nous, maoïstes, ne voulons plus de la France, que celle-ci
ait Vichy ou Paris pour capitale. Nous ne voulons pas de la nation
française, nous rejetons " notre " patrie.
Alors quelle tristesse de lire,
toujours dans une lettre de prison, Arenas nous dire :
" La prison de Fresnes est célèbre pour la
froideur de ses murs. Mais ce soir là j'ai commencé
à percevoir une petite chaleur. Quelques compagnons, prisonniers
de droit commun, que je n'ai même pas pu voir, m'ont fait
parvenir une plaque chauffante pour réchauffer la soupe,
du savon, du tabac et d'autres babioles... la France la plus
profonde me saluait. Braves gars! "
Ce n'est pas " la France " qui a aidé Arenas,
mais le prolétariat! Ce n'est pas la tradition citoyenne
bourgeoise qui a fait parvenir la plaque chauffante, mais les
sentiments de classe, de lutte contre l'oppression capitaliste
!
Nous sommes déçuEs. Voilà que quelqu'un
se voulant communiste en arrive à avoir le même
discours sur " la France" que le nationaliste Carlos,
qui lui parle de " France éternelle", etc.
Tout de même, le PCE(r) vaut
mieux que cela !!
On pourra nous dire : c'est tactique, c'est pour élargir
le front de soutien.
Nous répondrons : c'est "
notre " pays, nous avons notre mot à dire en ce qui
concerne la propagande et l'agitation qui y est menée.
Et nous disons : oui à l'internationalisme
prolétarien, non au discours démocratique bourgeois
!
Et nous ne voyons pas ce que cela
apporte à la révolution socialiste en France de
faire un article intitulé " Un homme de bonne volonté
", dont voici un petit extrait :
" C'est une si bonne personne, mon avocat français,
que l'autre jour je l'ai presque mis à la porte car c'était
l'heure du souper et il ne faisait pas signe de vouloir s'en
aller: "Mais tu n'as personne avec qui parler dans ta cellule!"
me dit-il très fâché.
Il ajouta: "Ma femme est ennuyeuse
et maintenant je ne la supporte plus". Tu pourrais me l'envoyer
de temps en temps lui ai-je suggéré, cela te reposerait.
Cela ne me dérangerait pas de la supporter un moment...
"Eh bien, tu ne le croirais pas, j'y ai pensé.
Ainsi je pourrais être tranquille
à la maison quelques heures, et toi tu profiterais de
son français!" Tel est mon avocat français.
On ne peut nier que c'est "un homme de bonne volonté"
".
Soyez de bonne volonté, avouez que votre femme vous ennuie
! Critiquez les autres dans leur dos ! Blague à part,
on est quand même loin d'une conception féministe
du monde. On aura beau dire, les bonnes vieilles déclarations
brigadistes olé-olé (" ce procès est
une farce, c'est le prolétariat qui vous jugera etc. ")
c'est quand même autre chose, pour sûr ! Un peu bourrin,
mais cela fait tellement plaisir que de ne pas reculer devant
l'Etat
CertainEs diront : " gauchistes ! ". Nous répondrons
avec le Parti Communiste du Pérou : " Nous ne sommes
pas pour les ambiguïtés. Pour que la révolution
avance, nous proclamons la violence pour les grandes séparations
".
En définitive, la manière différente d'aborder
l'Etat réside dans l'idéologie.
Nous sommes maoïstes, le PCE(r)
est historiquement marxiste-léniniste. Bien qu'il faille
nuancer cela, contrairement à ce que nous disions dans
l'historique. Comme dans toute chose, il y a eu dans le PCE(r)
une lutte entre deux lignes.
Lorsque nous avons publié
l'historique, nous avions déjà pris connaissance
de la " Gaceta ", publiée par la " Fraction
Octobre du PCE(r) ".
Nous avions décidé
de ne pas en parler, car :
§ C'est un problème interne au PCE(r) et cela ne
nous regarde pas ;
§ Nous ne voulions pas être pris en otage par des
gens critiquant une organisation dont nous n'avions même
pas la même idéologie.
Si la Gaceta avait été publié par une autre
organisation, issue par des gens issuEs du PCE(r), cela n'aurait
pas été un problème.
Mais se présenter comme "
fraction ", c'est s'opposer à la légalité
du Parti. Le PCE(r) a d'ailleurs violemment attaqué les
" fractionnistes ", et qualifié de " ruffians
contre-révolutionnaires ", de " trotskystes
" leurs ex camarades partisanEs du n(Pci) qui s'étaient
prononcé pour la fraction.
Les camarades d'Italie n'avaient pas à se prononcer en
ce qui concerne une question interne aux camarades espagnols,
et cela d'autant plus en public. Soit la question est politique,
il s'agit d'une lutte entre deux lignes, et alors les choses
sont dites CLAIREMENT. Soit il s'agit de manuvres, et c'est
inacceptable.
Il semble bien aujourd'hui qu'il ne s'agit pas que de manuvres.
Les gens de la " Gaceta " ont une critique sérieuse,
cohérente et explicite de l'actuelle direction du PCE(r).
Ils/Elles critiquent sévèrement le passage, qui
s'est effectué lentement mais sûrement, de la mise
en valeur de Mao à son rejet pur et simple.
Ces dernières années,
le PCE(r) a multiplié les attaques contre le maoïsme.
Alors que Gonzalo se faisait arrêter en 1992, le PCE(r)
publiait un article " Le maoïsme et la caricature du
marxisme ", au lieu de mettre en avant non seulement la
solidarité, mais l'expérience de treize années
de guerre populaire (à ce moment là).
Puis, ce fut les articles anti-maoïstes
dans la revue théorique " Antorcha " (n°2,
4 et 5) : Ligne de masse et théorie marxiste de la connaissance,
L'universel et le particulier, Le problème de l'identité.
Plus récemment encore, le PCE(r) ne cesse de tenter de
disqualifier le maoïsme en prenant des documents des révisionnistes
du PC des Philippines et en disant : voilà ce que sont
les maoïstes, le maoïsme est la nouvelle forme de révisionnisme
dans le monde !
C'est une méthode de filou, car le PC des Philippines
n'est pas maoïste (son idéologie est le marxisme-léninisme
pensée Mao Zedong) !
On est loin d'une véritable
confrontation avec le marxisme-léninisme-maoïsme
! Une telle méthode est similaire à celle utilisée
contre les partisanEs du (n)Pci. Le PCE(r) dit : ce sont des
réformistes, ils veulent participer aux élections
!
Tout d'abord, cela est plus compliqué
(et plus intelligent) que cela, comme nous le montrons dans ce
même numéro. Ensuite, le PCE(r) a lui-même
appelé à voter Euskal Herritarok aux élections,
et négocié avec l'Etat pour une légalisation
du PCE(r). La vérité, c'est que là aussi
un moyen d'éviter de se confronter avec le maoïsme
des partisanEs du (n)Pci.
On comprend que si les gens de la Gaceta critiquent le PCE(r)
en défendant Mao Zedong, ils/elles ne soient pas appréciéEs.
Il est vrai que leur thèse sur le fascisme, proche de
celle des gens du (n)Pci, va bien plus loin que celle de la direction
du PCE(r).
Ils/Elles disent en effet que le système politique espagnol
actuel n'est aucunement différent du système de
contre-révolution préventive présent dans
la plupart des "démocraties " impérialistes.
C'est une thèse intéressante
: cela montre que le fascisme franquiste s'est transformé
en contre-révolution préventive telle qu'elle existe
en France et en Allemagne. Le capitalisme espagnol a mis son
système politique au niveau des autres pays impérialistes.
Cela explique d'ailleurs l'acharnement de l'Etat espagnol contre
le pays basque : le mouvement de libération national empêche
ce passage.
C'est un fait que la position du PCE(r) a amené à
une estimation erronée du mouvement révolutionnaire
dans les pays capitalistes.
Le groupe italien " Cellule
pour la constitution du Parti Communiste Combattant " a
très justement critiqué ces positions : "
Affirmer [comme le fait le PCE(r)] que la lutte armée
en Europe Occidentale a pris (après la fin de la résistance
antifasciste) le caractère d'une résistance démocratique
à l'exploitation et à l'oppression est une pure
invention ; affirmer ensuite que la lutte armée en Europe
Occidentale, en novembre 1986 et encore aujourd'hui, est en train
de s'élever de toutes parts, est de la pure fantaisie
".
Le PCE(r) tente d'appliquer son schéma idéologique
aux autres pays, montrant par là même ses lacunes.
Comme le dit la Cellule pour la constitution du PCC, " La
solution simpliste des camarades espagnols, pour lesquels rien
n'a changé depuis Franco, et tout continue comme avant,
nous semble inacceptable et incapable de donner des fruits concrets.
Il n'est pas vraisemblable de dire que Gonzalez et Franco, Soarez
et Caetano, Papandreaou et Papadopoulos, c'est la même
chose.
Comme il était absurde dans
l'immédiat après-guerre de dire que Adenauer et
Hitler, De Gasperi et Mussolini, c'était la même
chose.
Les instruments des gouvernements
contre les masses, bien entendu dans les intérêts
de classe de toujours, changent (de la plus pure répression
à la manipulation du consensus, la dépolitisation
des masses, etc.) et par conséquent les formes politiques
de la domination de classe, et celles de la résistance
de classe, de l'offensive révolutionnaire de classe, changent
elles aussi ".
Partant de là, la thèse mise en avant par les gens
de la Gaceta est intéressante ; elle nous semble plus
proche de la réalité. Elle met en avant le fait
qu'il n'y a pas de retour du fascisme vers la démocratie,
mais ne tombe pas dans le travers d'opposer formellement démocratie
bourgeoise et fascisme.
La " démocratie " post-fasciste est en fait
un régime de contre-révolution préventive.
Il s'agit d'un saut qualitatif.
Il est par conséquent erroné de dire, comme le
fait Arenas, qu'il y a par exemple un retour vers Vichy de la
société française. Car ce n'est ni plus
ni moins qu'avoir le même point de vue que Jospin. Jospin
critique en effet le général Aussaresses, qui dirigeait
les escadrons de la mort contre le Mouvement de Libération
Nationale algérien.
Mais il le fait pour cacher que
l'Etat français n'a pas besoin de retourner à Vichy
pour lancer contre le mouvement révolutionnaire les services
spéciaux formés, comme Aussaresses, à "
voler, tuer, vandaliser, terroriser
à crocheter
les serrures, à tuer sans laisser de traces, à
mentir, à être indifférent à ma souffrance
et à celle des autres, à oublier et à me
faire oublier. Tout cela pour la France
dans l'intérêt
de mon pays et dans la clandestinité " (Le Monde
du 3 mai 2001).
Nous considérons que le débat sur la contre-révolution
préventive est fondamental, et ne pouvons accepter de
nier cette question simplement parce que la direction du PCE(r)
ne veut pas en entendre parler.
Le fait est que la revue "
Gaceta " existe et qu'elle est d'un niveau idéologique
certain. Le fait qu'elle se considère comme une "
fraction du PCE(r) " et rejette son exclusion, pour défendre
la tradition du PCE(r) et l'amener sur une ligne révolutionnaire,
est regrettable, mais nous n'y pouvons rien.
Pour nous, c'est la politique qui
est au poste de commandement, et nous ne voulons pas éviter
les débats idéologiques.
Ceux/Celles qui le font choisissent
leur camp : celui de la liquidation de la pratique de la dialectique.
Ce camp n'est pas le nôtre.
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