A propos de la
lutte
entre l'ancien et le nouveau
Les journaux et revues révolutionnaires
ont beaucoup de particularités. Tel journal défend
un point trotskyste, telle revue prône le communisme libertaire,
d'autres encore partent d'un point de vue anarchiste.
Mais aucun de ces " organes de presse " n'est arrivé
à ce à quoi Front Social est arrivé. Front
Social est en effet une revue faite et lue par des gens extrêmement
différents. Il ne s'agit pas seulement du point de vue
politique ; d'ailleurs la plupart des gens qui lisent Front Social
ne sont pas organisés politiquement. Il ne s'agit pas
d'une revue pour militantEs, bien qu'il va de soi que des militantEs
la lisent (pour les anarchistes, sans doute en cachette).
La différence réside dans la culture. Chaque "
organe de presse " idéologique produit inévitablement
une culture, que ses sympathisantEs adoptent et diffusent (dans
le meilleur des cas). Or Front Social n'est pas relié
à seulement une culture, mais à beaucoup de cultures.
Quelles sont donc les cultures que l'on peut retrouver dans Front
Social ? Il y a bien sûr la culture de révolte,
celle qui en appelle aux symboles : la guérilla dans le
" tiers-monde ", la Fraction Armée Rouge, Che
Guevara, le Parti Communiste du Pérou, le Népal
maoïste
Et il y a la culture de la pensée (révolutionnaire)
: les analyses économiques, politiques, idéologiques
Mais ce n'est pas tout. Il y a quelque chose en plus, relativement
difficile à percevoir de primer abord pour qui a été
influencé par d'autres idéologies que le maoïsme(dans
sa véritable forme). Ce quelque chose se révèle
au grand jour lorsque vous prenez un jeune et un vieux.
Il est ainsi systématique que les militantEs plus âgéEs
(c'est-à-dire vieux et vieilles) ne comprennent pas Front
Social. Ils/Elles ne comprennent pas le sens de nos actions,
ne voient pas où nous voulons en venir. Pour eux/elles,
tout est éclectique, partant dans tous les sens, et en
même temps très dogmatique, trop refermé.
Les jeunes, à l'opposé, particulièrement
ceux/celles qui ne connaissent pas " l'extrême-gauche
", comprennent rapidement ce que nous disons. Cela ne signifie
évidemment pas qu'ils/elles s'organisent de manière
immédiate : cela ne peut pas être ainsi, car l'expérience
manque, et il est difficile d'assumer ce que Front Social assume.
Mais les jeunes, les femmes notamment, savent ce que nous faisons
; pour eux/elles rien de ce que nous mettons en avant ne leur
semble étranger. Ce que nous disons leur semble cohérent.
On pourrait dire : c'est normal, les jeunes forment une catégorie
à part, ils/elles ont une propension à idéaliser.
Les personnes plus âgées savent plus de quoi il
en retourne, car leurs expériences sont variées
et d'une meilleur niveau. Mais une telle affirmation ne tient
absolument pas. Les jeunes ne forment pas une catégorie
à part, les vieux/vieilles " militantEs " par
contre clairement.
Dans notre pratique révolutionnaire, nous avons rencontré
beaucoup de camarades relativement âgéEs, bien moins
évidemment que de jeunes sympathisantEs.
Et qu'avons-nous pu voir ? Que les
jeunes sympathisantEs ne forment pas un " bloc " réagissant
de la même manière, bien au contraire. Leurs réactions,
leurs attitudes, tout est très différent. Mais
chacunE à sa manière se retrouve dans la révolution.
ChacunE comprend nos efforts, voit bien que nous essayons de
nous rapprocher au plus près de notre idéal : le
communisme.
Les personnes plus âgées réagissent par contre
tous/toutes de manière similaire. A chaque fois quelque
chose ne va pas dans Front Social, nous sommes trop diffus dans
nos thèmes, pas assez organiséEs, trop sectaires.
Les expériences de ces révolutionnaires ont beau
être très " différentes ", leurs
critiques sont à chaque fois les mêmes. Tous nos
essais de travailler avec des gens " politiques " de
plus de 40 ans se sont soldés par un échec patent.
A chaque fois, ce qui est riche et multiple se transforme un
quelque chose de dur, de rigide, de mort, par leur faute. A chaque
fois ces " révolutionnaires " voient de l'éclectisme
là où les différences sont la vie, le communisme.
Est-ce normal ? Est-il juste que les choses soient ainsi ?
Sans nul doute, ces révolutionnaires devraient se plier
devant ce qui est nouveau. S'ils ne le font pas, c'est pour une
raison simple : ils/elles sont l'ancien, le passé. Et
le maoïsme est justement l'enseignement du dépassement
du passé, de son renversement au profit du nouveau.
Mao Zedong nous enseigne à ce sujet que " Les changements
qui interviennent dans la société proviennent surtout
du développement des contradictions à l'intérieur
de la société, c'est-à-dire des contradictions
entre les forces productives et les rapports de production, entre
les classes, entre le nouveau et l'ancien. Le développement
de ces contradictions fait avancer la société,
amène le remplacement de la vielle société
par la nouvelle ".
Les conflits entre " jeunes " et " vieux/vieilles
" ne doit donc pas étonner en cette phase difficile
de reconstruction du mouvement révolutionnaire en France.
Front Social a balayé un énorme nombre d'ordures,
rétablissant une culture révolutionnaire digne
de ce nom. Ceux/Celles qui vivent dans le passé ne sauraient
comprendre notre combat à moins de réellement s'autocritiquer
et d'assimiler le marxisme-léninisme-maoïsme.
Mais cela signifierait se remettre en cause ; or pour ces personnes
âgées la défaite n'est pas quelque chose
qui se conçoit. Pour eux/elles, tout va en ligne droite.
Ils/Elles ne comprennent pas que l'on passe par des victoires,
par des défaites, et ils/elles se contentent ainsi de
vivre sur des acquis du passé, d'une société
du passé.
Une telle attitude est évidemment propre aux intellectuels.
Or, pour nous communistes, il n'y a personne qui puisse synthétiser
de manière abstraite la lutte entre l'ancien et le nouveau.
Il n'y a pas de poste d'observation entre les classes.
C'est-à-dire que, comme Mao Zedong l'a dit, que "
Dans la société de classes, chaque homme occupe
une position de classe déterminée et il n'existe
aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe ".
Les générations passées n'ont pas réussi
à développer une culture révolutionnaire,
la culture du communisme. Elles ont vécu sur leurs acquis
sociaux, permettant le développement du trotskysme, du
syndicalisme réformiste. Elles n'ont pas développé
d'avant-garde révolutionnaire conséquente.
Inversement, les révolutionnaires
les plus avancéEs n'ont pas su s'extirper de ce réformisme
et de sa culture.
La jeune génération qui a développé
Front Social, par contre, a coupé les ponts avec le réformisme,
et a su se développer jusqu'à arborer le drapeau
du maoïsme.
Par conséquent, pourquoi cette jeune génération
admettrait-elle l'attitude des révolutionnaires des générations
passées, qui se refusent de se mettre à l'école
de ce qui est nouveau ? Ces révolutionnaires âgéEs
reconnaissent que Front Social est révolutionnaire, que
tout cela est bien intéressant, mais considèrent
que nous sommes encore trop " différents ".
La chose est entendue : nous sommes différentEs, et nous
comptons bien le rester.
Nous revendiquons un statut d'avant-garde. Nous sommes des communistes,
des marxistes-léninistes-maoïstes. Ceux et celles
qui s'obstinent à rester dans le passé ne nous
intéressent pas, nous ne les avons pas attendu, nous ne
les attendons pas, nous ne les attendrons pas.
Cette question de la lutte entre l'ancien et le nouveau est essentielle.
Elle est le cur de la problématique révolutionnaire.
Car comment être révolutionnaire si l'on ne sait
pas ce qu'est la réaction ? Comment savoir ce qui est
juste si l'on ne sait pas ce qui est mal ?
C'est également le grand reproche de Mao Zedong à
Staline.
Mao Zedong nous a donné un
précieux conseil : " si vous possédez déjà
le matérialisme et la dialectique, vous devez encore compléter
vos connaissances par l'étude de leurs contraires, l'idéalisme
et la métaphysique. Les uvres de Kant et de Hegel,
de Confucius et de Tchiang Kaï-chek, tous ces matériaux
négatifs sont à lire.
Sans connaître ni l'idéalisme ni la métaphysique,
sans avoir lutté contre ces conceptions adverses, vos
connaissances sur le matérialisme et la dialectique ne
seraient pas solides ".
Bien sûr, une telle étude doit partir de fondements
solides. Cela ne doit pas être un prétexte pour
pratiquer le révisionnisme et rejeter certains principes
du marxisme-léninisme-maoïsme.
Certains camarades peuvent par exemple dire ici : puisque Staline
a fait une telle erreur, qu'il a eu une pensée en partie
métaphysique, nous devons le rejeter. Une telle pensée
est erronée, car elle est unilatérale.
Elle pose de manière juste
une contradiction, mais lui donne une importance disproportionnée.
Elle est elle-même métaphysique, car elle ne fait
elle-même pas la part des choses. Au fond, elle ne discerne
pas ce qui est principal de ce qui est secondaire.
Pourquoi en effet considérons-nous aujourd'hui que Staline
a fait une telle erreur ? Parce que Mao Zedong a su éclaircir
ces points essentiels de la connaissance de la dialectique, parce
qu'il a rappelé qu'il y a non seulement lutte des contraires,
mais également unité des contraires.
La paix est ainsi le contraire de
la guerre, mais il y a un moment où celle-ci devient celle-là,
et inversement. Il est donc erroné de penser : les choses
sont comme ceci, ou comme cela.
De même, en ce qui concerne Staline, est-il erroné
de penser: c'est comme ceci, ou comme cela.
Et cela est bien sûr vrai
pour n'importe qui au monde. Le camarade Gonzalo du Parti Communiste
du Pérou nous a très clairement dit que "
personne n'est communiste à 100% ". Il s'agit donc
de savoir faire la part des choses. Staline a pratiqué
la métaphysique, soit. Mais cela signifie-t-il que son
rôle a été fondamentalement négatif
?
Non, tel n'est pas le cas. Staline a mis sur pied l'idéologie
marxiste-léniniste. Il a liquidé les tendances
opportunistes, dirigé la construction du socialisme et
la guerre des peuples soviétiques contre les hitlériens.
Il a appuyé la formation des Partis Communistes dans le
monde.
Ses erreurs ont, il est vrai, causé des dégâts
importants au socialisme, puisque après sa mort les révisionnistes
ont pris le pouvoir. Staline a toujours uvré contre
les révisionnistes, et malgré tout, ceux-ci ont
pu arriver à leurs fins. Ce furent d'ailleurs les "
partisans " les plus acharnés de Staline et ceux
qui mirent en place sa glorification personnelle sur la fin de
sa vie (Khroutchev en tête).
Tout cela, Mao Zedong l'a vu. C'est lui qui a le mieux analysé
cela. A-t-il pour autant rejeter Staline ? Non, il n'a pas raisonné
de manière unilatérale. Il a compris que sa propre
pensée apprenait de cette erreur effectuée par
le communiste Staline, qui a guidé la première
expérience socialiste.
Ceux/Celles pour qui doit être parfait n'ont pas compris
comment fonctionnait la vie ; ils/elles raisonnent en idéalistes.
Ils/Elles n'ont pas compris que la connaissance vient de l'expérience,
que c'est un processus.
En l'occurrence, Staline est très important dans l'histoire
de la lutte du prolétariat international pour s'émanciper.
Staline a défendu le nouveau contre l'ancien, mais n'a
pas réussi à le défendre jusqu'au bout.
Grâce à cette expérience, nous pouvons aller
plus loin et savons mieux défendre le nouveau contre l'ancien.
Cette question de la connaissance scientifique est essentielle.
Sans elle, on contourne les principes du maoïsme. Car, sinon,
quelle chose justifierait notre statut d'avant-garde ? Qu'est-ce
qui justifie notre interprétation du monde selon les principes
de la dialectique ?
Mao Zedong nous enseigne à ce sujet que " L'histoire
de l'humanité est un mouvement constant du règne
de la nécessité vers le règne de la liberté.
Le processus est sans fin. Dans une société où
subsistent des classes, la lutte des classes ne saurait avoir
de fin ; et la lutte entre le nouveau et l'ancien, entre le vrai
et le faux dans la société se poursuivra indéfiniment
".
Cette question du vrai et du faux agitent certainEs de nos camarades.
S'ils/elles sont d'accord pour la lutte entre le nouveau et l'ancien,
ils/elles ne voient pas bien le conflit entre le faux et le vrai.
Leur position consiste à dire : oui à la révolution
car il faut renverser la réaction, mais pourquoi s'embarrasser
de notions scientifiques comme le vrai et le faux ?
Ces camarades pêchent par prétention. Ils/Elles
se fondent sur la morale, sur une certaine compréhension
de la société. Or, si cela était juste,
en quoi la pensée d'un maoïste serait-elle différente
d'un anarchiste sincère ?
Car après tout, s'il s'agit de prendre conscience de sa
situation et d'affirmer que l'on veut lutter, toute lutte des
classes est alors totalement juste, et il n'est plus besoin de
rien d'autre.
Mais les choses ne sont pas si simples. Bien sûr les classes
populaires représentent le nouveau, la bourgeoisie correspond
à l'ancien dans la société. Mais se contenter
cela c'est en rester au populisme.
Car, en tant que tel, les classes
populaires restent également partiellement dans l'ancien.
Dans les mouvements fascistes, des éléments très
nombreux des classes populaires peuvent même participer
à l'ancien, en défendre les valeurs.
Ainsi donc, le nouveau et l'ancien
ne sauraient être compris sans être mis en rapport
avec le vrai et le faux. Le nouveau ne consiste pas simplement
en ce qui est nouveau au sens de différent. Le nouveau
est ce qui correspond au mouvement : celui de l'histoire, celui
de la nature.
C'est cette notion de mouvement
qui justifie le nouveau comme vrai, et disqualifie l'ancien comme
faux. C'est cette notion de mouvement qui permet de saisir le
processus de connaissance chez l'être humain, et le processus
révolutionnaire dans la société.
Friedrich Engels nous dit ainsi
que : " La nature est la pierre de touche de la dialectique
et il faut dire que les sciences modernes de la nature ont fourni
pour cette épreuve des matériaux qui sont extrêmement
riches et qui augmentent tous les jours ; elles ont ainsi prouvé
que la nature, en dernière instance, procède dialectiquement
et non métaphysiquement, qu'elle ne se meut pas dans un
cercle éternellement identique qui se répéterait
perpétuellement, mais qu'elle connaît une histoire
réelle.
A ce propos, il convient de nommer avant tout Darwin, qui a infligé
un rude coup à la conception métaphysique de la
nature, en démontrant que le monde organique tout entier,
tel qu'il existe aujourd'hui, les plantes et les animaux et,
par conséquent, l'homme aussi, est le produit d'un processus
de développement qui dure depuis des millions d'années
".
La nature a-t-elle une histoire ? L'être humain "
descend "-il du singe ? Y a-t-il eu un big bang ?
Ou alors la nature n'a-t-elle pas d'histoire, l'être humain
a été créé tel quel et le monde également
?
Nous, maoïstes, pensons que
la matière est en mouvement, nous pensons que l'histoire
de l'humanité est en mouvement aussi. Ce mouvement, selon
nous, respecte une loi ; son développement est dialectique.
Mao Zedong résume ainsi cette difficile explication :
" La philosophie marxiste considère que la loi de
l'unité des contraires est la loi fondamentale de l'univers.
Cette loi agit universellement aussi bien dans la nature que
dans la société humaine et dans la pensée
des Hommes [et des femmes]. Entre les aspects opposés
de la contradiction, il y a à la fois unité et
lutte, c'est cela même qui pousse les choses et les phénomènes
à se mouvoir et à changer.
L'existence des contradictions est universelle, mais elles revêtent
un caractère différent selon le caractère
des choses et des phénomènes.
Pour chaque chose ou phénomène concret, l'unité
des contraires est conditionnée, passagère, transitoire
et, pour cette raison, relative, alors que la lutte des contraires
est absolue ".
Nous parlions du rapport entre la vérité et ce
qui est nouveau. Prenons un exemple concret dans le débat
scientifique contemporain. Beaucoup de nos lecteurs/lectrices
connaissent le physicien Stephen Hawking, qui est paralysé
sur sa chaise. Ce scientifique a eu un grand écho médiatique.
Le physicien Penrose est moins connu, il s'agit pourtant d'un
ancien professeur de Hawking lui-même très connu
des chercheurs scientifiques.
Le conflit des visions du monde de Hawking et Penrose est un
reflet important de la lutte entre une vision matérialiste
du monde et son interprétation idéaliste. Ce conflit
rappelle d'ailleurs celui entre Niels Bohr et Einstein (qui se
revendiquait d'ailleurs du socialisme).
Einstein défendait alors la conception matérialiste
comme quoi le monde existait en-dehors de la pensée humaine.
Aujourd'hui, Penrose défend cette thèse.
Stephen Hawking, lui, la rejette.
Il dit ainsi : " Je suis positiviste, je n'exige pas d'une
théorie qu'elle corresponde à la réalité,
car je ne sais pas ce que c'est".
Penrose s'oppose à cette conception. Il dit d'ailleurs
: " Au début de notre débat Stephen a dit
qu'il se considérait comme un positiviste et que pour
lui j'étais un platonicien [du philosophe Platon]. Pour
moi il peut être un positiviste, mais en ce qui concerne
l'essentiel je me concerne comme un réaliste ".
Pourquoi la pensée de Hawking est-elle idéaliste
? Parce qu'elle ne comprend pas le mouvement de la nature. Pour
la pensée positiviste, tout est figé, et d'ailleurs
Hawking considère qu'après lui la physique n'aura
plus grand chose à dire. Ce type de pensée est
unilatéral, et considère la théorie comme
supérieure à la pratique.
Nous, maoïstes, considérons au contraire que le primat
revient à la pratique. Lénine nous enseigne d'ailleurs
à ce sujet que " La pratique est supérieure
à la connaissance (théorique), car elle a la dignité
non seulement du général, mais aussi du réel
immédiat ".
Montrons l'opposition pratique de
ces deux types de pensée. Prenons une situation où
deux scientifiques étudie la chute d'un chat jeté
par la fenêtre (Note 1).
Le positiviste considère que l'expérience corrobore
la logique de la chute des corps et considère celle-ci
comme réussie. Le matérialiste ne constatera pas
seulement cela, il mettra également en avant que le chat
est mort.
C'est-à-dire qu'un aspect de la réalité
est mis de côté par le positiviste. Celui-ci ne
considère pas le monde comme un ensemble. Il sépare
l'analyse scientifique du monde, de la nature. C'est ce type
de pensée qui permet à des médecins de torturer
des animaux pour étudier l'effet de produits de beauté,
ou à des scientifiques d'effectuer des tests atomiques
dans la nature.
En définitive, " science sans conscience n'est que
ruine de l'âme ". Et cette conscience est humaine.
C'est pourquoi il est fondamental que la conscience humaine saisisse
que le nouveau doit correspondre à la vérité.
Et c'est également pourquoi les communistes ont toujours
porté une énorme attention à la culture.
Il suffit par exemple de lire Lénine pour s'apercevoir
à quel point ses uvres sont truffées de références
littéraires.
Pour les communistes, la culture permet à l'humanité
d'avancer, et c'est pourquoi en URSS c'est le réalisme
socialiste qui a été mis en avant. Le réalisme
socialiste est une conception mise en avant en 1932 en URSS,
elle concerne la littérature. Elle n'a rien à voir
avec une mise en avant béate d'ouvriers, de paysannes,
etc.
Cela est le " proletkult ", qui a été
fondamentalement rejeté par les bolchéviks. Le
réalisme socialiste est une conséquence de la manière
avec laquelle Staline a défini l'écrivain : comme
" ingénieur des âmes ".
Qu'est-ce à dire ? " Etre un ingénieur des
âmes, cela veut dire avoir les deux pieds dans la vie réelle.
Et cela signifie la rupture avec l'ancien romantisme, qui représentait
une vie irréelle et des héros irréels, détournant
le lecteur des contradictions et de l'oppression de la réalité,
pour les conduire dans le monde de l'inaccessible, dans le monde
de l'utopie.
A notre littérature, qui tient des deux pieds sur une
solide base matérialiste, le romantisme ne peut être
étranger, mais c'est un romantisme d'un type nouveau,
le romantisme révolutionnaire.
Nous disons que le réalisme socialiste est la méthode
fondamentale de l'uvre et de la critique littéraire
soviétiques ; cela suppose que le romantisme révolutionnaire
doit s'intégrer à la création littéraire,
car toute la vie de notre parti, toute la vie de la classe ouvrière,
toute sa lutte est faite de l'union du travail pratique le plus
sévère, le plus froid, avec le plus grand héroïsme
et les plus grandes perspectives.
Notre Parti a toujours dû sa force à l'union d'un
réalisme pratique acharné avec une large perspective,
un continuel effort vers l'avenir, avec la lutte pour la construction
de la société communiste.
La littérature soviétique doit savoir montrer nos
héros, elle doit savoir regarder nos lendemains. Ce ne
sera pas une utopie, car nos lendemains se préparent dans
le travail quotidien selon des plans conçus dès
aujourd'hui " (note 2).
C'est pour cette raison que Lénine
s'était écrié : " A bas les écrivains
sans parti ! A bas les écrivains surhommes ! La littérature
doit devenir partie intégrante de l'action générale
du prolétariat
".
Et, c'est pour cela qu'en URSS les bolchéviks ont mis
en avant l'importance de la culture pour la construction du socialisme
: " Le peuple, l'Etat, le Parti ne veulent pas que les écrivains
s'éloignent de l'actualité, ils veulent au contraire
que la littérature éclaire tous les aspects de
la vie soviétique.
Les Bolchéviks tiennent la littérature en très
haute estime, ils voient clairement sa haute mission historique
et son rôle dans la consolidation de l'unité morale
et politique du peuple, et dans son éducation.
Le Comité Central veut que nous ayons abondance de culturelle
spirituelle, car il voit dans la création de cette richesse
l'une des principales tâches du socialisme ".
Est-ce à dire que dans le socialisme les romans n'auront
plus de contenu formé par une imagination fertile ? Absolument
pas. Raisonner ainsi c'est confondre le réalisme socialiste
et le formalisme, une tendance qui a été très
forte en URSS à l'époque du combat pour le réalisme
socialiste.
Prenons un exemple, tel qu'un roman ayant en ce début
de millénaire un succès fulgurant. " Harry
Potter " est un roman à la base pour enfants et racontant
les aventures de Harry Potter comme élève de sorcellerie
(pour le premier tome).
Si on comprend l'uvre ainsi, il n'est rien de réaliste.
Il n'est en effet malheureusement pas possible de se déplacer
avec des balais magiques nommés " Nimbus 2000 ",
ce qui serait pourtant bien pratique, et le jeu du " Quiddick
" où l'on traverse des cercles en hauteur sur ces
dits balais n'a pas encore remplacé le football.
Mais pour qui sait faire attention, " Harry Potter "
est un roman parfaitement réaliste. Les descriptions ne
sont pas seulement claires, elles posent la situation sous un
angle précis. La société moderne capitaliste
y est décrite sous de très nombreux aspects, et
pas à son avantage.
" Harry Potter " n'est pas un roman réaliste
socialiste à proprement parler, mais il s'en rapproche
très nettement. Et c'est sans aucun doute pour cela que
des adultes se passionnent pour un roman pour enfants qu'ils/elles
n'auraient dû théoriquement jamais ouvrir.
Prenons maintenant un film vraiment réaliste, de type
cinématographique, avec " Erin Brockovitch seule
contre tous". A priori, un film avec Julia Roberts n'a rien
de révolutionnaire.
Pourtant ce film est clairement un film se rapprochant du réalisme
socialiste. Le prolétariat américain des campagnes
est montré de manière crue, la pauvreté
y est montré sans ambages et de manière dure.
La solidarité entre les prolétaires y est montrée
dans toutes ses contradictions, puisqu'Erin Brockovitch tente
difficilement (et réussit) à organiser les gens
pour attaquer en justice une entreprise ayant pollué l'eau
et causé de graves maladies.
On est très loin des années 1980. A l'époque,
le film " flashdance " montrait une ouvrière
habitant dans un loft immense et réussissant par la force
de la volonté à devenir une danseuse professionnelle.
Dans le même esprit, les premiers épisodes de Rambo
et de Rocky, clairement réaliste et social, étaient
suivis par des séries clairement fascistes (Rocky millionnaire
boxant un Soviétique, Rambo tuant des Vietnamiens et des
Soéviétiques
).
Les années 1990 ont marqué un premier pas. Rocky,
dans sa cinquième version, est redevenue pauvre et à
la rue : le film le montre comme se sentant lui-même dans
environnement populaire.
Et les années 2000 annoncent la différence. "
The million dollar hotel " de Wim Wenders est un film qu'aucunE
révolutionnaire ne peut vraiment critiquer.
Cette évolution est sans nul doute une bonne chose. La
lutte entre le nouveau et l'ancien est une lutte âpre.
Le nouveau a la faiblesse de l'inexpérience, tandis que
l'ancien profite d'une grande connaissance.
Ainsi, dans Le Figaro du 31 janvier 2001, qui est le quotidien
de la bourgeoisie classiquement réactionnaire, on pouvait
lire un article intitulé " La tribu des beaux quartiers
".
Il s'agit en fait d'un interview de sociologues ayant enquêté
sur la grande bourgeoisie. Ils y répondent notamment :
" Elle a une conscience de classe aiguë. Elle correspond
parfaitement à la notion de classe telle que Marx l'avait
définie à travers ses deux dimensions. C'est une
classe en soi, c'est-à-dire qu'elle s'inscrit dans un
rapport de force avec les autres couches de la population.
Et c'est une classe pour soi, qui a une connaissance parfaite
de la position qu'elle occupe dans la société et
qui l'assume " (note 3).
C'est pour cette raison que de Marx à Gonzalo les révolutionnaires
conséquentEs ont toujours pensé que la révolution
vaincrait dans le monde entier dans un processus long. De fait,
le processus a commencé avec la Commune de Paris, il est
passé par l'URSS, puis par la Chine Populaire : chaque
expérience a amené une meilleure connaissance du
combat révolutionnaire.
Aujourd'hui le maoïsme est le point le plus haut de la science
révolutionnaire. Le maoïsme est le marxisme-léninisme-maoïsme.
Son point de départ est la loi de la contradiction comme
loi fondamentale unique de l'incessante transformation de la
matière éternelle, aboutissant au communisme.
Et pour aller au communisme il faut vaincre l'impérialisme,
stade suprême du capitalisme. Il faut vaincre la réaction,
qui est l'allié de l'impérialisme à l'extérieur
des rangs des révolutionnaires. Il faut vaincre le révisionnisme,
qui est l'allié de l'impérialisme dans nos propres
rangs. Et il faut vaincre la nature, afin que l'humanité
ne vive plus dans la nécessité.
Note 1: Je fais ici allusion à l'expérience
dite du chat de Schrösinger, qui est (notamment) mis en
avant par Penrose pour critiquer les positivistes. Penrose défend
ici un point de vue matérialiste, et c'est également
le cas en ce qui concerne les mathématiques. Mais il relie
réalité à des " idées mathématisées
" qui seraient pures : en cela il est juste de le qualifier
de disciple de platonicien.
Note 2: Jdanov, Déclaration au premier congrès
des écrivains soviétiques
Note 3: Les sociologues sont Michel Pinçon
et Monique Pinçon Charlot. A noter que " Le Bottin
mondain recense 40.000 familles, mais il n'est pas très
sélectif. Pour Paris, nous estimons à 10.000 le
nombre de familles faisant partie de la haute société
".
Les sociologues disent également avoir été
" frappés par l'attitude des corps, souvent minces,
toujours redressés, même chez les gens âgés,
contrairement aux classes populaires où le poids des ans
et du labeur avachissent et courbent les corps. Il y a là
un acte de magie sociale : on transforme de l'arbitraire social
en qualité naturelle. La bourgeoisie, comme la noblesse
d'antan, est parvenue à " naturaliser " les
rapports sociaux ".
|
|