La capitulation du PKK

Article paru dans FRONT SOCIAL n°15

 

Le fait que le PKK mène une politique réformiste ne date pas d'hier, et les internationalistes conséquentEs ont toujours été très critiques dans leur soutien, préférant les groupes révolutionnaires non nationalistes de Turquie.

Néanmoins, le PKK est l'organisation la plus représentative de la communauté kurde de Turquie, c'est pourquoi l'appui au Mouvement de Libération Nationale kurde est toujours passé par le PKK.

Cela était valable jusqu'à l'arrestation d'Öcallan. Après l'arrestation de celui-ci et ses déclarations ouvertement contre-révolutionnaires, il est impossible de soutenir le PKK et d'avoir cette organisation comme référence positive.

A ce titre, les groupes d'extrême-gauche qui ont commencé à parler du MLN du Kurdistan au moment de l'arrestation d'Öcallan (les trotskystes, " résistance offensive ", etc.) convergent clairement avec la ligne capitularde du PKK, rien que par leur négation de la guérilla menée là-bas.

Nous présentons ici un document retraçant la ligne politique du PKK, afin de permettre à l'ensemble des révolutionnaires de France de se démarquer des positions " anti-impérialistes ", en fait réformistes.

Quelle est la position politique officielle du PKK ?

Abdullah Öcallan est le chef du Partiya Karkeren Kurdistan (Parti des Travailleurs du Kurdistan) et le représentant du KNK (Congrès National du Kurdistan).

Le 2 août 1999, il a fait diffuser par l'intermédiaire de son avocat un document appelant à la fin de la lutte armée pour le 1er septembre, et affirmant que les troupes du PKK se retireraient de Turquie.

Le 5 août 1999, la direction du PKK affirma qu'elle suivrait l'appel de son leader, et dans un communiqué du 6 août l'ARGK (armée nationale de libération du Kurdistan) considère " l'ordre d'öcallan d'arrêter la guerre à partir du 1er septembre comme une directive " et l'appliquera.

Le 25 août, la direction du PKK affirma dans un document destiné à la presse que le retrait avait commencé plus tôt en raison du tremblement de terre, et que la guerre était terminée.

Est-ce une position nouvelle ?

Pour l'ensemble des forces ne se fondant pas sur les principes révolutionnaires marxistes-léninistes ou maoïstes, la décision du PKK a été considéré comme nouvelle.

Ainsi, le PSK (Parti Socialiste du Kurdistan), historiquement dépendant du social-impérialisme soviétique, a considéré que ce " retournement " de la position du PKK démontrait la validité de sa thèse comme quoi la lutte armée n'amenait rien.

Pourtant, cela fait des années que le PKK parle de lutte pour des accords de paix, et a de mauvaises relations avec les révolutionnaires de Turquie.

L'année charnière a été 1993, où le PKK avait déclaré un cessez-le-feu unilatéral, appelant l'Etat turc à négocier. Les résultats de cet appel ayant été nul, le PKK a continué la lutte armée dans une perspective réformiste, et avec comme intention de forcer à la mise en place de négociations (comme ETA en Espagne ou le FLNC en France).

La position anti-guérilla du PKK

Jusqu'au 1er septembre 1999 le PKK a été une force d'appoint d'importance dans la lutte politico-militaire contre l'Etat fasciste turc, ainsi que dans la lutte pour la formation d'un Etat kurde indépendant (et donc également pour le Kurdistan non " turc " au Sud et à l'Est).

L'arrêt des opérations militaires et le retrait des troupes cause donc un grand tort à la révolution.

Qui plus est, politiquement, le PKK propage une ligne contre-révolutionnaire, prônant le départ de ses guérilleros vers l'Europe et la Russie afin d'être " rééduqués psychologiquement, socialement et politiquement " ! ! !

Il va également de soi que le PKK rejette la continuation de la guerre de guérilla. Une caricature de cela a été sa vigoureuse critique de la destruction d'un hélicoptère de l'armée turque par la guérilla à la mi-janvier 2000.

Ou encore les propos du nouveau leader du PKK, Osman Öcallan (le frère d'Apo) : " Même si aucune solution n'est obtenue, le PKK ne reviendra jamais à la lutte armée " (journal Özgur Politika, déclaration du 2 septembre 1999).

Öcallan au service de l'idéologie impérialiste
A son procès Öcallan a défendu l'ensemble des thèses impérialistes.

La question kurde serait " une plaie sociale, dont le PKK est le produit ", et la Turquie aurait tout intérêt à s'allier aux Kurdes pour la réalisation du rêve panturc (allant jusqu'à la Chine en passant par les zones pétroliféres).

Mustafa Kemal, le fondateur de l'Etat turc et de ses fondements fascistes, est considéré comme un grand homme politique et un modèle, et la Turquie est comprise comme " un Etat démocratique ".

D'ailleurs, " la dissolution du système socialiste et sa trasnformation en démocraties n'est que le début de la grande victoire de la démocratie ".
Et à ce titre, " toute une série d'organisations illégales avec le PKK à sa tête doivent s'orienter ensemble vers la paix ".

La convergence de l'extrême-gauche de Turquie
avec la capitulation du PKK


Les organisations révolutionnaires de Turquie ont souvent eu une orientation ambiguë visà-vis du PKK. Officiellement, toutes le critiquaient, parfois sur une base chauvine il est vrai, mais la plupart du temps il s'agissait de critiques correctes quant à la nullité idéologique du PKK.

L'une des principales organisations à avoir travaillé avec le PKK est le DHKP-C [Parti-Front Révolutionnaire de Libération du Peuple], la principale guérilla urbaine de Turquie, avec des sections rurales, étudiantes, dans les bidonvilles, etc. Paradoxalement car le DHKP-C est sur une ligne totalement multi-culturelle et a toujours rejeté le nationalisme kurde en tant que tel, jusqu'au milieu des années 1990 où un appel commun avec le PKK pour l'unité à tous les niveaux fut fait.

La base des deux organisations rejetèrent cet appel, le PKK préférant au passage la jouer solo. Par la suite le DHKP-C critiquera de manière encore plus virulente le PKK et aura de nombreux problèmes avec.

Mais, à l'arrestation d'Öcallan, le DHKP-C baissera largement le niveau de sa pratique guérillera, et troquera son journal " Kurtulus " (Libération) pour une revue " Vatan " (Patrie) ne faisant plus aucune référence au communisme et défendant une orientation populiste.

Les autres organisations ont suivi une autre ligne opportuniste, puisqu'elles ont toutes participé le 6 juin 1998 à la formation du BDGP [Plate-forme des forces révolutionnaires unies].

Or, une telle plate-forme n'a aucun sens alors que le PKK bradait chaque jour plus sa lutte ! Ce n'est ainsi que bien après l'arrestation d'Öcallan que ces organisations osèrent critiquer ouvertement le PKK, notamment le TKP(ML) et le TKP/ML qui prônent l'avancée de la guerre populaire.

Apprendre de la capitulation du PKK
sur des bases révolutionnaires !

Le PKK a mené une politique réformiste et nationaliste bourgeoise, pratiquant le culte absolu de la personnalité. Mais, en France, au lieu de faire la part des choses, et de soutenir de manière critique le MLN du Kurdistan, on a totalement rejeté le PKK.

Cela a-t-il été fait dans une optique de soutien aux groupes révolutionnaires de Turquie ?

Non, la critique a été petite-bourgeoise, comme celle publiée dans " No Pasaran ", qui après avoir soutenu l'UCK doit être très contente de la capitulation du PKK.

Le PKK a été une organisation suivant une ligne petite-bourgeoise, exactement comme l'OLP, l'ANC d'Afrique du Sud, ou les mouvements des années 80 au Nicaragua, au Salvador…