Non à l'intervention impérialiste
en Colombie et au Pérou!

Article paru dans Front Social n°15

 

Plus la crise capitaliste avance, plus il est impératif pour les impérialistes d'augmenter leur contrôle et leur exploitation, et plus il est impératif pour les oppriméEs de lire entre les lignes et d'étudier afin de contrecarrer les plans de l'impérialisme.

Aujourd'hui, l'une des principales menaces qui repose sur les avancées de la révolution est l'intervention militaire en Amérique latine.

L'objectif officiel serait le rétablissement de la paix en Colombie en luttant contre les narco-traffiquants. Mais sa signification pratique consiste en l'affrontement direct avec la guérilla colombienne et l'intervention " discrète " contre le Parti Communiste du Pérou.

La situation des guérillas dans le monde

Nombreuses sont les guérillas en lutte dans le monde. Faisons en rapide panorama :

· Le Parti Communiste du Pérou mène la guerre populaire depuis une vingtaine d'années. L'arrestation de son leader, Gonzalo, a amené une inflexion, mais pas l'arrêt de la progression ;
· Les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes et l'ELN (Armée de Libération Nationale) contrôlent elles aussi une large partie de leur pays, et ont forcé l'Etat colombien à négocier ;
· Le Parti Communiste du Népal (maoïste) a commencé la lutte armée il y a quelques années seulement mais sa progression a été fulgurante.

A côté de ces organisations, qui ont une influence énorme dans leur pays et contrôlent de larges zones, il y a d'autres guérillas, relativement moins puissantes :

· Le Parti Communiste des Philippines influence de nombreuses zones et possède une centaine de lignes de front militaires, amenant l'Etat à négocier avec lui ;
· De nombreuses guérillas agissent en Inde, principalement dans le nord du pays : PC d'Inde (Marxiste-Léniniste) [Guerre Populaire ; Janashkati ; Drapeau Rouge, selon le nom de leur organe officiel de presse] ainsi que le Centre Communiste Maoïste ;
· En Turquie il y a trois guérillas : les deux PC de Turquie (Marxiste-Léniniste)[TKP(ML) et TKP-ML] ainsi que le DHKP-C (Parti-Front Révolutionnaire de Libération du Peuple).

Il n'est pas possible de compter le PKK dans cette liste, car il ne mène plus la guérilla depuis l'arrestation d'Öcallan ; parler de guérilla au Kurdistan n'a plus de sens concret depuis : il y a bien sûr des actions armées, mais pas du PKK qui refuse l'affrontement.

On notera à ce titre la stupidité de ceux qui, prenant leur rêve pour la réalité, ont commencé de parler du PKK au moment où celui-ci cessait la lutte et " dégommait " physiquement les partisans de la continuité de la lutte

La situation en Amérique latine

Les années 1980 ont été marqué par une guerre psychologique de grande ampleur contre le PC du Pérou, appelé " sentier lumineux " et accusé d'à peu près tous les crimes possibles et imaginables depuis les locaux du Pentagone.

Le PCP représentait alors le point le plus avancé du communisme dans le monde ; il n'y a sans doute pas eu d'intervention impérialiste en raison de l'inflexion de la lutte causée par l'arrestation de son leader Gonzalo en 1992.

Néanmoins, même si l'on en entend plus parler dans les médias officiels, le PCP continue à organiser la guerre populaire ; et c'est une des raisons qui pousse l'impérialisme à intervenir en Amérique latine. Intervenir en Colombie permettrait un débordement frontalier et un affrontement frontal mais publiquement discret contre le PCP.

La situation en Colombie est assez différente.

A la différence du régime péruvien, " démocratique " à la turque, c'est-à-dire chapeautée par les militaires mais entretenant une façade démocratique, la Colombie connaît la violence depuis les débuts du régime, et c'est pourquoi ses guérillas ne sont pas communistes mais révolutionnaires-démocratiques seulement.

Il ne s'agit pas d'une stratégie révolutionnaire en tant que tel, plus d'une logique d'autodéfense face à un régime meurtrier pour les masses populaires.

Les FARC ont ainsi une idéologie semi-guévariste, et l'ELN une idéologie guévariste tout court ; toutes deux subissent des appels du pied de l'Internationale socialiste, qui a appelé à un cessez-le-feu et à l'ouverture de négociations. Le responsable de Wall Street est allé en Colombie rendre visite aux responsables des guérillas, et les a même invités à venir !

Il est ainsi évident que, si le PCP refusera toute négociation et ne trahira pas la lutte, il en est tout autrement des FARC et de l'ELN, qui appellent à la négociation, et veulent " discuter".

Leur logique est celle des Sandinistes au Nicaragua, du FMLN au Salvador, de l'ANC en Afrique du Sud, de l'OLP en Palestine, et bien sûr du PKK au Kurdistan.

Mais la situation est explosive.

Les mouvements de guérillas se réorganisent dans toute l'Amérique latine, apprenant des expériences des FARC et du PCP, et reprenant le flambeau des anciens Mouvements de Libération Nationale qui se sont écroulés pour des raisons X et Y, que leurs défaites soient militaires ou politiques.

Il est donc possible qu'il y ait une intervention militaire impérialiste, si la situation devient incontrôlable, que la pression des masses se fait de plus en plus forte, le tout évidemment dépendant des avancées politico-militaires du PCP, des FARC et de l'ELN.

L'intervention militaire américaine :
préparations dans les pays voisins de la Colombie


En pratique, le Pentagone dispose déjà de 200 conseillers militaires en Colombie, et avoue déjà officiellement qu'il est impossible de distinguer la lutte contre les narco-traffiquants de celle contre la guérilla.

Cela a été confirmé par la destruction par les FARC d'un avion rempli de matériel électronique.

Il y a désormais 200 vols par mois d'avions de la DEA et de l'Etat colombien, et selon, Barry McCaffrey, le responsable de la DEA américaine (Drug Enforcement Agency, service de lutte contre la drogue) et ancien commandant en chef de la "zone sud " de l'armée américaine, leur nombre va augmenter.

Celui-ci est allé en août 1999 discuter avec le président argentin Carlos Menem.

L'objectif officiel : permettre des " facilités logistiques " dans les provinces Salta et Misiones, dans le Nord de l'Argentine.

Mais, selon le quotidien argentin " Clarin ", il ne faut pas se leurrer : à travers cette demande de la DEA il y a la question de l'intervention en Colombie. Les USA ont demandé à l'Argentine d'agrandir la zone extraterritoriale de l'ambassade et de la résidence de l'ambassade, afin de former un aéroport.

Cette demande permet de contourner la loi argentine comme quoi il ne peut pas y avoir de bases armées étrangères sur le territoire nationale.

La suppression de la dette de l'Equateur par le FMI rentre également dans ce contexte : la " rumeur " diplomatique veut qu'en échange l'Equateur ait accepté l'établissement d'une base navale américaine à Manta, proche de la frontière avec la Colombie.

En ce qui concerne le Pérou, il va de soi que le régime, en pleine lutte avec le Parti Communiste du Pérou, a évidemment accepté toutes les demandes américaines.

Mais dans certains pays, ceux qui subissent le plus l'influence des guérillas en Colombie et au Pérou, la pression populaire est trop forte.

Le président putschiste péroniste du Venezuela, Hugo Chavez, a ainsi affirmé qu'il négocierait lui-même avec les FARC et refuserait les demandes de départs d'avions à partir de son pays.

Le président brésilien Cardoso a refusé d'accroître la pression militaire à ses frontières. Quant à la nouvelle présidente du Panama, Mireya Moscoso, elle a mis en avant le fait qu'elle n'admettra pas de bases anti-guérilla dans son pays.

Ces refus doivent également être relativisés, puisque le cas échéant ils se transformeront en acceptation. Ainsi, le traité américano-panaméen de 1978 prévoit l'autorisation d'une intervention américaine en cas de menace sur la neutralité du canal de Panama.

Les préparatifs en Colombie même et la diffusion du mythe de " la guérilla des narco-traffiquants "

Dans l'ordre des aides militaires américaines, la Colombie arrive en troisième position après Israël et l'Egypte.

Même Amnesty International a été obligé d'admettre que la politique de soutien logistique des USA en Colombie " est la même politique que celle qui appuyait les escadrons de la mort au Salvador dans les années 1980 ".

Afin de justifier aux yeux de l'opinion publique les interventions extérieures, les USA parlent de " narco-terroristes ".

Cela est faux et hypocrite. Tout d'abord, même la DEA reconnaît qu'il y a moins de drogues en provenance de Colombie qu'avant.

Ensuite, les USA refusent toute collaboration avec les garde-côtes de Cuba pour bloquer les trafiquants.

Le fait est que beaucoup de paysans pauvres vivent de la coca, parce qu'il n'y a pas d'autres moyens de survivre dans le système économique colombien.

Mais l'objectif des guérillas est justement de changer cela. Dans les zones contrôlées par le PCP, la production de drogue et interrompue et remplacée.

L'intérêt de parler de " narco-traffiquants " est de justifier la contre-guérilla et de permettre une guerre psychologique totale, comme on a pu le voir dans le cas du PCP et des FARC.

Notre rôle en France : mobiliser le cas échéant contre une intervention impérialiste !

Nous le disons clairement et sans ambages : s'il y a une intervention militaire impérialiste en Amérique latine, il faudra faire un front le plus large possible pour arriver à une mobilisation un tant soit peu correct.

Il faudra bien sûr être conscient des raisons bidons des certains protestataires, comme l'anti-américanisme pro-français ou pro-européen.

Critiquer les USA a souvent en France de fortes connotations chauvinistes, comme le montre souvent la position " anti-McDo ".

Mais il faut bien voir que la présence de ce genre d'éléments est secondaire vis-à-vis ce que permettrait une mobilisation un tant soit peu correcte: la compréhension de la logique impérialiste d'intervention contre les guérillas, la reconnaissance de l'existence de ces guérillas (faut-il rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, on parlait de l'EZLN comme de la " dernière guérilla existante " ?), la reconnaissance de l'antagonisme des guérillas avec le système existant, la reconnaissance que le monde vit toujours à l'heure du " Che ".

Il est évidemment encore impossible aujourd'hui de savoir quelle forme prendra la résistance à l'intervention impérialiste en Amérique latine : s'agira-t-il de comités ? D'un seul groupe ?

N'y aura-t-il que des gens s'intéressant à l'Amérique latine ? Toute l'extrême-gauche ? Bien plus ?

Il faut ainsi se préparer à toutes les éventualités, chaque camarade doit travailler à ce qu'un maximum de monde ait conscience de la situation et assume de bouger le cas échéant.

Que le mouvement de résistance soit faible ou fort reflétera la situation de l'avant-garde en France, et s'il faut craindre le pire à ce niveau, cela ne fait que renforcer l'idée qu'il faut tout faire pour changer cet état de choses.

Que vivent les révolutions
en Colombie et au Pérou !