Qui vengera les
petits macareux?
Un point de vue révolutionnaire sur l'écologie
Article
paru dans Front Social
La contradiction entre le milieu
naturel et le système capitaliste mondial est du type
antagoniste.
Il n'y a aucun terrain commun, rien
qui puisse enjamber la séparation totale et définitive
entre les besoins de préservation et de préoccupation
que la terre exige, et les besoins de l'accumulation capitaliste.
Nous allons illustrer cela par un petit conte qui exprime une
expérience simple et archi-répandue, cosmique,
qui est à la portée de n'importe quel écolier
(des pays impérialistes en tous cas, car pour les enfants
des trois continents, l'expérience est assez différente).
C'est tout simplement l'histoire d'un processus glouton qui est
en train de livrer la planète entière en sacrifice.
L'enfant ne sait pas encore ni pour qui, ni pour quoi, mais il
pressent que c'est pour rien.
Tout ce mouvement se produit, semble-t-il, par la main de l'être
humain, mais il est complètement opposé à
ses intérêts les plus basiques : respirer, manger,
vivre sainement. Cela ne se fait pas au bénéfice
des êtres humains, puisqu'ils coupent la branche sur laquelle
ils sont assis.
Pourquoi les hommes parasitent-ils
ainsi leur planète et leurs vies, ainsi que celles de
tous les autres êtres vivants? L'enfant était perplexe,
et même s'il était naïf, il devenait au fur
et à mesure assez paranoïaque.
Il s'était demandé
s'il n'y avait pas, parmi les humains qui dirigent le monde,
quelque infiltré, quelque malin génie particulièrement
rusé et puissant, qui jubilait à l'idée
d'entraîner le monde entier dans sa catastrophe finale...
L'âge aidant, les brumes de la fantasmagorie se dissipant,
l'enfant devenu grand s'apercevait d'une chose encore plus terrible.
Il avait beau fouiller, écouter, observer, il ne trouvait
ni diable sournois, ni vilain sorcier menant le sabbat.
Il ne voyait, pour finir, que des
hommes s'activant, pour les premiers, à commander et à
contrôler, et pour les autres, à exécuter
et se taire.
Les uns comme les autres, étaient
complètement absorbés à leur tâche,
étrangers au drame cosmique qu'ils étaient en train
de préparer.
Quelle désolation et quelle fureur! Un chaos de dévastation
couvert par le plus grand aveuglement était se déroulait
devant les yeux de notre ami, mais il n'y pouvait rien.
Il sentit son sang se glacer lorsqu'il apprit que cette furie
était calmement prévue, calculée : on envisageait,
avec toutes les anticipations scientifiques requises, de nous
faire vivre sur des planètes lointaines lorsque dans quelques
décennies, toutes les réserves de notre planète
auraient été épuisées.
Notre ami tressaillit et se demanda alors par quelle magie le
système dans lequel il vivait avait réussi le prodige
de ne pas transformer n'importe quel de ses frères et
surs en autant de boules de feu en fusion!
Cette petite évocation résume et illustre la façon
dont procède la conscience écologiste, et la situation
où elle aboutit.
L'individu s'isole dans la stupeur
de contempler un désastre et dans la culpabilité
d'y participer, ne serait-ce que d'une façon minime.
La pensée écologiste
n'est pas à la hauteur de ce qu'elle prétend combattre.
Seule, elle ne peut donner lieu à aucune radicalité
politique, parce que ses principes ne permettent aucun dépassement
réel.
Elle est partielle et autosuffisante,
ce qui fait qu'elle débouche fatalement sur le complexe
de Cassandre : la capacité de deviner des développements
futurs catastrophiques doublée de l'incapacité
matérielle de les contrer.
Il n'y a aucune riposte correcte
à ces développements. D'une part parce que les
dominants impérialistes ne le peuvent pas, étant
ce qu'ils sont, donc ne le veulent pas ; d'autre part parce que
les écologistes le voudraient bien, mais ne le peuvent
pas, pensant comme ils pensent.
D'abord et fondamentalement, les écologistes se plantent
à cause de leur abstraction.
Ils opposent l'homme et la nature
et donc dissocient dans leur pensée ce qui va toujours
lié dans la réalité. Seule existe une pratique
humaine qui relie les deux. Les objets naturels apparaissent
comme matières, ressources, occasions de contemplation...
Tout cela est englobé dans un sens commun (configuration
de valeurs, de jugements, où les significations se construisent)
à partir duquel les êtres humains s'orientent et
dirigent leur pratique.
Nous vivons dans le monde qui est toujours et d'abord humanisé,
et non pas dans la nature.
Le langage le dit bien, quand on
naît, on vient au monde, et pas à la nature.
Tout cela pour dire que c'est dans le monde humain que se posent
et se résolvent toutes choses, et donc aussi les effets
affectant la nature.
Or les écologistes ne l'ont
pas compris. Ils s'enferment dans une contradiction : l'homme
contre la nature. Cette contradiction est bloquée, improductive,
parce qu'on ne peut pas se situer à l'intérieur
d'elle pour bouleverser la situation et la résoudre.
Concrètement cela veut dire
qu'on ne peut pas attendre du peuple des Macareux qu'ils se coalisent
en une flottille de combat, attaquent par frappes ciblées
et pourfendent les bipèdes responsables de la marée
noire de l'Erika.
Plus sérieusement, après avoir opposé l'homme
naturellement destructeur et la nature naturellement harmonieuse,
les écologistes voudraient les faire coïncider dans
la paix et l'amour.
Or cela est impossible. Donc, ou
bien l'écologiste se range du côté de la
nature et devient totalement hippie et décolle du problème,
ou bien il se range avec sérieux du côté
de l'organisation sociale en bon réformiste au service
du système, et se colle à fond dans le problème,
mais dans le mauvais sens.
Ces deux attitudes sont complémentaires,
elles font signe que c'est la façon de poser le problème
qui bloquait tout dès le départ.
Le conflit entre l'activité humaine aveugle, irrationnelle,
destructrice, c'est-à-dire capitaliste, et la vie de son
entourage éclate maintenant sous nos yeux. Il est historique.
Son explication et sa résolution ne peuvent être
qu'historiques.
C'est-à-dire que sous cette
apparente contradiction absolue, il y a autre chose, qu'on ne
peut saisir qu'en se plaçant à l'intérieur
de l'Histoire.
C'est dans cette seule sphère,
celle du monde humain, que nous pouvons trouver une prise. Nous
avons prise sur ce qui le déchire, nous en sommes partie
prenante.
On ne peut pas défendre la
nature de façon immédiate, directe. La confrontation
ne fait que se heurter à la multiplicité des effets
et les écologistes sont toujours à la traîne
à essayer de rattraper les dégâts que d'autres
ont commis. Ils rament dans les effets et ne remontent jamais
aux causes.
Par contre la confrontation est possible si elle agit sur les
contradictions qui existent dans le monde humain, dans les rapports
sociaux.
C'est dans ce contexte total que
les " hommes " produisent des effets, dont la dévastation
de l'environnement est un contrecoup obligé.
Ce n'est pas parce qu'il est poussé
par son naturel sanguinaire que l'homme devient un tel bourreau,
mais poussé par la nécessité de la reproduction
du système capitaliste, à petite échelle
et à grande échelle.
Pour ce qui est, par exemple, de la disparition des forêts
humides, poumons de la planète comme on dit, il faut savoir
que ce phénomène est un des résultats parmi
d'autres de la dépendance financière des pays des
trois continents envers les pays impérialistes.
La politique d'ajustement structurel de la Banque Mondiale pousse
ces pays à une augmentation des exportations de manière
à augmenter les ressources en devises, surtout en dollars,
qui seront attribuées au remboursement de la dette étrangère.
Cela conduit ces nations à
surexploiter leurs ressources naturelles.
Ils abattent les forêts, ce qui aggrave l'effet de serre.
Ils inondent leurs terres de produits chimiques, de manière
à augmenter le rendement des plantations de café,
de coton ou de tabac, empoisonnant ainsi le sol et la nappe phréatique,
et réduisant comme peau de chagrin leurs cultures vivrières,
et par conséquent leur capacité économique
de compter sur leurs propres forces.
Cela contribue à empêcher
leur arrachement à la chaîne impérialiste.
A petite échelle, ce qu'on remarque, c'est une totale
indifférence envers la souffrance, une négligence
envers les conséquences écologiques, une brutalité
générale. Ces dispositions subjectives, propres
à l'homme des métropoles impérialistes,
sont un produit historique.
Il est le fils d'un environnement
oppressif qui n'offre aucun espace à l'épanouissement
de l'individu, et à plus forte raison, aucun espace pour
le mûrissement de sa responsabilité et de sa sollicitude
envers les autres êtres, humains comme non-humains.
Parqué dans un univers urbain,
quadrillé, ultra-concentré, sans espaces sociaux
en dehors de la stricte consommation, poussé par la concurrence
et par la peur, cet individu standard et opprimé ne peut
pas se libérer pour soigner son monde, parce qu'il n'
a pas encore de monde, mais seulement le petite parcours de sa
survie. Il ne peut pas libérer la nature des chaînes
impérialistes s'il ne s'est pas déjà libéré
lui-même.
La véritable question n'est pas " quelle terre allons-nous
laisser à nos enfants? ", mais " à qui
allons-nous laisser la terre? "
Ce dont nous avons besoin, c'est
d'une perspective révolutionnaire de libération
sociale, et d'un antagonisme politique qui l'exprime!
Ce mouvement n'a pas l'écologie comme motivation unique
et principale, mais elle existe comme une composante de son projet,
parce qu' elle est une composante de ses besoins.
C'est seulement en sortant de l'écologisme, et en adoptant
un mode de pensée dialectique, celui qui inclut la totalité
d'une époque dans son projet et qui ne ferme pas les yeux
sur sa négativité, que l'écologie pourra
se réaliser, et les plaies de la planète petit
à petit être pansées, au cours de la révolution
et du socialisme.
Finalement, l'hypothèse de départ, celle d'un homme
super-parasite par nature, voué à la destruction
éternelle de son milieu, ne tient pas.
Elle ne fait que décrire,
avec pathos, les effets les plus apparents de la domination impérialiste,
mais elle n'explique rien.
Elle exprime mythiquement le rapport
capitaliste à la nature. Sur ce point, la pensée
écologiste reste l'expression dramatisée de l'époque
et n'est pas du tout sa négation, son antagoniste.
La nature, elle aussi, a besoin
de la révolution!
L'écologie est une chose trop sérieuse pour être
laissée aux écologistes!
Seule la révolution, avec le maoïsme au poste de
commandement, pourra venger et rétablir dans leurs droits,
tous les opprimés humains et non-humains!
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