Citations de Brecht

Article paru dans Front Social

 

Le centenaire de la naissance de Bert Brecht a amené une série de publications et d'émissions (notamment sur Arte). Plutôt que de reparler de sa vie, nous publions ici des citations de lui, précisant sa pensée politique.

Car Brecht était loin d'être opportuniste, c'était quelqu'un qui a beaucoup travaillé la théorie marxiste, et a tenté (et réussi) de faire passer le contenu de l'économie politique marxiste dans ses textes.

Bert Brecht était un grand ami de Karl Korsch, ce dernier avait pourtant rejeté le marxisme de Lénine; cela ne gênait pas le marxiste très orthodoxe Brecht, qui méprisait les suivistes.

Ces citations en sont une preuve vivante. Nous en profitons au passage pour saluer les camarades du comité Brecht de Suisse.

" La lecture qui a fait sur moi la plus forte impression l'année dernière est De la contradiction de Mao-Tsé-Toung " (Février 1955).

" Le capitalisme a le pouvoir de transformer en drogue, immédiatement et continuellement, le venin qui lui est lancé au visage, et de s'en délecter " (1929).

" Le libre-arbitre: une invention capitaliste. Quand un individu est arrivé au point où il ne peut plus être sauvé que par la transformation d'un autre - alors: qu'il crève " (1920).

" Au sein du prolétariat se manifeste à la longue une contradiction de plus en plus violente. Une fraction des travailleurs, dans certains pays une importante partie d'entre eux, voire la majorité, tient fortement à l'ordre existant et s'accomode de l'exploitation, du moins aussi longtemps que le niveau de vie semble relativement supportable ou améliorable.

Or la révolution est accompagnée de difficultés considérables, de périls, d'un bouleversement des habitudes, etc. Surtout, les travailleurs qui y aspirent doivent s'engager dans une action de guerre contre la bourgeoisie et se soumettre à une discipline stricte et sévère pour mener un combat extrémêment dur. Aussi asservis soient-ils par le capitalisme, ils reculent devant cette discipline, ils ressentent la soumission à une organisation de fer et à des commandements militaires, sans lesquels le combat pour sa liberté reste sans issue, comme une privation de liberté plus grave encore, à cause de sa nouveauté insolite.
Ils en arrivent ainsi à soutenir la bourgeoisie, leur exploiteuse, dans sa lutte contre l'autre fraction des travailleurs, et à entrer directement en conflit avec ces derniers.
Cette contradiction au sein du prolétariat se développe différemment dans les différents pays. Dans certains, la fraction du prolétariat qui marche avec la bourgeoisie - tout en restant impliquée dans de nombreux conflits avec elle - est plus importante qu'ailleurs. Elle est plus importante, par exemple, partout où de puissantes forces productives peuvent se déployer sans entrave, comme aux USA, car la bourgeoisie, sous la pression de la concurrence, est obligée pendant toute une période d'élever sans cesse le niveau de vie des masses. Ou encore dans les pays qui utilisent les travailleurs à l'exploitation des territoires coloniaux, comme l'Angleterre ou d'autres nations colonisatrices " (1954).

" Le développement effrayant du reportage photographique n'a guère contribuer à révèler la vérité sur ce qui se passe dans le monde. Entre les mains de la bourgeoisie, la photographie est devenue une arme terrible contre la vérité. L'abondance de documents photographiques que secrétent chaque jour les rotatives, malgré leur apparente véracité, ne sert en fait qu'à camoufler la réalité. L'appareil photographique peut mentir tout comme la machine à écrire " (1931).

" Lukacs, Gabor, Kurella (...) sont les ennemis de la production. La production ne leur dit rien qui vaille. On ne peut pas lui faire confiance. On ne sait jamais ce qu'il en sortira.

Et eux-mêmes ne veulent pas produire. Ils veulent jouer l'apparatchik et être chargés du contrôle des autres. Chacune de leurs critiques contient une menace ".

" Sur la critique de Staline -

1.La période d'émergence hors de la barbarie capitaliste peut elle-même présenter encore des aspects barbares. Au début donc, l'abolition de la barbarie peut ne pas être exempte de toute inhumanité, du fait que le prolétariat, tel que Marx le décrit, ets maintenu par la bourgeoisie dans une situation constamment déshumanisante. La révolution libère simultanément de merveilleuses vertus et des vices anarchroniques. Il faut plus de temps pour d'émanciper de ces vices que pour faire la révolution. Cette émancipation sera plus facile la seconde fois (en Chine), comme aussi dans les pays moins arriérés, où l'accumulation primitive du capital est plus avancé.

2.L'une des conséquences néfastes du stalinisme est le dépérissement de la dialectique. Sans connaissance de la dialectique, on ne comprendra pas l'évolution de Staline-élément moteur à Staline-[élément] frein. Ni la négation du Parti par l'appareil.

Ni la dégénérescence des luttes d'opnion en épreuves de force. Ni comment l'idéalisation hagiographique d'un dirigeant, en vue de gagner les grandes masses peu évoluées, a pu causer l'éloignement et la paralysie de celles-ci.

3.Tout jugement historique sur Staline nécessite préalablement le travail des historiens; quant à la liquidation du stalinisme, elle ne peut réussir qu'au moyen d'une gigantesque mobilisation de la sagesse des masses par le Parti. Cela s'inscrit dans la droite ligne du communisme.

4.Changer l'adoration de Staline (douloureusement) en renoncement à la prière " (1953).