Détruire
le mythe fasciste
du "national-communisme" !
Article paru dans Front Social
Les origines
du " national-communisme " :
le " gauchisme " critiqué par Lénine
et Staline
Tout part en fait de la fin de la
guerre de 1914/1918 et du Traité de Versailles, qui impose
dénormes réparations à lAllemagne,
définie comme pays ayant causé la guerre. Comme
on le sait, lannée 1919 a été marqué
par la tentative dinsurrection révolutionnaire des
Spartakistes de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, tentative
qui échouera dans un bain de sang.
Par la suite, les groupes révolutionnaires
se réorganiseront :
une partie suivra les enseignements
de Lénine et se " bolchévisera " : ce
sera le Parti Communiste dAllemagne (KPD) ;
une autre refusera la " dictature du parti bolchévik
" sur les masses et ne mettent en avant que les conseils
: ce sera le Parti Communiste Ouvrier dAllemagne (KAPD).
Cest dans ce dernier " parti ", notamment dans
la section de Hambourg, que va se développer la thèse
selon laquelle lAllemagne est un pays opprimé (par
les vainqueurs de la guerre de 1914/1918), et quainsi le
prolétariat et la bourgeoisie doivent sunir pour
" libérer " le pays.
Lénine parle de cette position
dans " Le gauchisme, maladie infantile du communisme "
:
" Enfin, une des erreurs incontestables
des " gauchistes " dAllemagne, cest quils
persistent dans leur refus de reconnaître le Traité
de Versailles. Plus ce point de vue est formulé avec "
poids " et " sérieux ", avec " résolution
" et sans appel, comme le fait par exemple K. Horner [pseudonyme
de Pannekoek], et moins cela paraît sensé.
Il ne suffit pas de renier les absurdités
criantes du " bolchévisme national " (Lauffenberg
et autres), qui en vient à préconiser un bloc avec
la bourgeoisie allemande pour reprendre la guerre contre lEntente,
dans le cadre actuel de la révolution prolétarienne
internationale. Il faut comprendre quelle est radicalement
fausse, la tactique qui nadmet pas lobligation pour
lAllemagne soviétique (si une République
soviétique allemande surgissait à un bref délai)
de reconnaître pour un temps la paix de Versailles et de
sy plier (
).
Faire passer absolument, à
toute force, immédiatement, la libération à
légard du Traité de Versailles avant le problème
de laffranchissement des autres pays opprimés du
joug de limpérialisme, cest du nationalisme
petit-bourgeois (digne des Kautsky, des Hilferding, des Otto
Bauer & Cie), et non de linternationalisme révolutionnaire.
Renverser la bourgeoisie dans tout
grand Etat européen, y compris lAllemagne, serait
un tel avantage que lon pourrait et devrait consentir -
si besoin était - à proroger lexistence de
la paix de Versailles ".
Pour résumer, Lénine
explique que lAllemagne est un impérialisme, même
si cest un impérialisme qui a perdu, et quaucune
alliance entre le prolétariat et la bourgeoisie nest
souhaitable car cest lépoque de la révolution
prolétarienne dans les pays impérialistes.
Lénine va même plus
loin, plus quil explique le fait quil ne soit pas
grave de perdre une partie du territoire si cela permet la victoire
de la révolution socialiste.
Ainsi, la révolution russe
avait de 1917 avait également dû perdre des territoires
en 1918 au profit de limpérialisme allemand, mais
ce nétait pas grave : un compromis avec un ennemi
plus puissant vaut mieux que sa propre destruction.
Cette tendance " national-communiste
" disparaîtra très vite. Le KAPD voulait gagner
les faveurs de la Russie soviétique et expulsa les "
théoriciens " de cette thèse : Lauffenberg
et Wolfheim.
Puis le KAPD disparut très
vite à cause de sa ligne sectaire et gauchiste.
Quant au KPD, marxiste-léniniste,
il ne connut jamais ce genre de déviation, même
sil protesta logiquement contre le Traité de Versailles
comme traité impérialiste.
La thèse de la lutte nationale
contre le traité fut reprise par les Nazis.
Lapparition du national-bolchevisme
et la propagande dErnst Niekisch
La thèse national-communiste
sera très vite reprise par Ernst Niekisch, mais dans un
sens très différent. Si Lauffenberg et Wolfheim
se voulaient révolutionnaires, marxistes, en lutte pour
le pouvoir à la base et les conseils ouvriers, Ernst Niekisch
nest lui intéressé que par lEtat total.
Il prône ainsi lalliance
de lAllemagne avec lURSS afin de pouvoir mieux lutter
contre lEntente. Cette thèse sera reprise par anti-américanisme
par les nazis en Allemagne de lOuest dans les années
70.
Niekisch se fera ainsi taxer de
" national-bolchévik ", alors que lui-même
ne se revendique à aucun niveau du bolchévisme.
Sa vision politique est nationale-révolutionnaire,
et il formera des groupes concurrents du parti nazi.
A la victoire de ce dernier il sera
mis de côté, puis participera à diverses
intrigues dans les sphères du pouvoir : de la même
manière que les généraux nazis putschistes
responsables de lattentat contre Hitler en 1944 nont
pas été des résistants, les réseaux
nationalistes de Niekisch nont été quune
tendance du fascisme (même si ces tendances ont des options
différentes voire antagoniques au niveau des politiques
extérieures à mener).
Niekisch travaillera ensuite dans
des instituts de recherche sociale en RDA, puis passera à
lOuest ; son mouvement nayant jamais conquis une
hégémonie dans le bloc fasciste.
Jean Thiriart
(1) : la fondation de " Jeune Europe ", lanti-américanisme
et le " national-bolchévisme "
Jean Thiriart est le principal théoricien
de la mouvance nationale-révolutionnaire en Europe. En
1960 il fonde en Belgique " Jeune Europe ", qui a comme
revue " Nation Belgique ", et organise la section logistique
de lOAS en métropole.
Jusque-là on peut dire que
Thiriart est un fasciste conservateur classique. Durant la guerre
il était membre des " Amis du Grand Reich Allemand
", et sera pour cela poursuivi pour collaboration.
Son " Mouvement dAction
Civique " du début des années 1960 veut défendre
les Belges du Congo et en appelle " à tous les groupements
patriotiques, à toutes les fraternelles de paras, à
toutes les fraternelles de commandos, à tous les groupements
nationaux, à toutes les unions professionnelles, à
tous les groupements détudiants, aux membres des
classes moyennes particulièrement rançonnées
par le fisc du système, aux travailleurs exploités
par leurs chefs syndicalistes, aux membres des professions libérales
qui veulent encore sauver ce qui reste de libertés ".
Rien de bien original donc.
Lévolution commence
en 1965, avec une priorité donnée non plus à
lanticommunisme mais à lanti-américanisme,
les USA étant considéré comme le mal suprême
avec les " sionistes ", les régimes européens
étant mis sur le même plan que les régimes
fantoches des pays du tiers-monde.
Dailleurs, contre la vision
marxiste-léniniste soutenant la tricontinentale (Asie,
Afrique, Amérique latine) contre les pays impérialistes,
Thiriart parle de " quadricontinentale ". Pour lui,
lEurope est un continent colonisé par les USA et
les " sionistes ". Il va également de soi que
par " sionistes " Thiriart entend les Juifs/Juives
; le terme est systématiquement mis à côté
de celui de " Etats-Unis ".
La pratique de " Jeune Europe
" consiste alors à mettre systématiquement
dans la nouvelle revue " Nation européenne "
des " contributions " soi-disantes volontaires de militantEs
révolutionnaires en lutte contre limpérialisme
US : les Black Panthers, Castro, Che Guevara, le FLN algérien
daprès la libération de la France (puisquavant
" Jeune Europe " se battait contre lindépendance
nationale de lAlgérie, quand celle-ci dépendait
de la France !).
" Jeune Europe " tente
en fait de dévoyer le combat internationaliste en combat
anti-impérialiste, où limpérialisme
nest plus que les Etats-Unis. Les pays européens
sont " une riche colonie " des USA et doivent mener
une guerre de libération nationale, qui ne peut réellement
vaincre quà léchelle de lEurope
et en alliance avec lAsie, lAfrique, lAmérique
latine.
Cest pour cela que Thiriart
appelle à la formation dune entité économique
géante, allant de Brest en France à Vladivostok
au fin fond de la Russie. Il se revendique ouvertement dErnst
Niekisch, à ceci près quil considère
quil faut une formation paramilitaire, une organisation
clandestine et armée, et cest pourquoi il revendique
une forme dorganisation qui soit " bolchévik
" (qui pour Thiriart signifie centralisée, ni plus
ni moins). Cest lunique différence avec Niekisch,
qui ne se revendiquait à aucun niveau du bolchévisme.
Thiriart (2)
et le passage idéologique au " national-communisme
"
Thiriart tente de gagner des soutiens
dans les pays de lEst. Il obtient des contacts avec les
deux pays aux déviations nationalistes les plus marquées
: la Roumanie du révisionniste Ceaucescu et la hantise
des marxistes-léninistes quest la Yougoslavie titiste.
Il rencontre même Chou-en-lai
à Bucarest en 1966, qui le rembarre magistralement, en
bon révolutionnaire.
Ecoutons ce que dit Thiriart lui-même
à ce sujet : " Dans sa phase initiale, mon entretien
avec Zhou Enlai ne fut quun échange danecdotes
et de souvenirs.
A ce stade tout allait bien. Zhou
Enlai sintéressa à mes études en écriture
chinoise et moi à son séjour en France qui représentait
pour lui un agréable souvenir de jeunesse.
La conversation sorienta ensuite
sur le thème des armées populaires - thèmes
chers tant à lui quà moi.
Les choses se gâtèrent
quand on en arriva progressivement au concret. Je dus alors subir
un véritable cours de catéchisme marxiste-léniniste
".
Thiriart racontera également
que son idée de " quadricontinentale " sera
refusé.
Il continuera de mépriser
la Chine populaire, parlant des " pitreries " de la
révolution culturelle, mais prônera toujours une
alliance " tactique " avec ce pays contre les USA.
Il tentera ainsi de travailler avec des groupes maoïstes
sur une ligne " tiers-mondiste ".
Thiriart tentera ensuite de former
des " brigades européennes ", groupes terroristes
devant être actifs dans les pays en lutte avec les USA
puis ensuite en Europe même. Il recherche des contacts
au Moyen-Orient, se fait jeter par lAlgérie mais
rencontre Nasser, est reçu au plus haut niveau en Irak
Bref il prend contact avec les nationalistes-révolutionnaires
et les nationaux-socialistes (parti Baas en Syrie et en Irak),
dont chaque révolutionnaire sait quils ont toujours
été des anticommunistes farouches.
Mais ayant " trop peu "
de moyens financiers, Thiriart disparaît pendant quinze
ans. " Jeune Europe " est dissoute, certains militants
fondent " lutte du peuple ".
Le mythe national-révolutionnaire
veut que les Brigades Rouges dItalie aient été
secondé par des nationalistes-révolutionnaires,
ce qui il va de soi est une rigolade sans fin pour ceux/celles
connaissant lhistoire des camarades de ce pays
En fait, ce mythe vient du journal
du PC italien, lUnità, qui accusaient les révolutionnaires
des Brigades Rouges dêtre des " nazis-maoïstes
".
Les fascistes étant toujours
prêts à raconter nimporte quoi, le terme sera
même repris positivement par des nationalistes-révolutionnaires
allemands !
Cette tentative de reprise des notions
révolutionnaires (socialisme, léninisme, maoïsme
mais jamais la théorie en tant que tel, et ainsi jamais
Marx ni Engels, tout au moins jusquici) sera également
faite en France dans les années 80 : un groupe "
national-révolutionnaire " prendra le nom de "
bases autonomes " et son journal sera " première
ligne ".
Historiquement " Première
ligne " (Prima Linea) est le nom de la guérilla des
autonomes à la fin des années 1970 en Italie.
Dailleurs, dans lensemble
de lEurope des années 80, les nationaux-révolutionnaires
feront mine de soutenir les guérillas révolutionnaires
- Fraction Armée Rouge, Cellules Communistes Combattantes,
GRAPO
Un nazi allemand proposera même une "
trêve " aux autonomes afin de lutter contre les USA.
Un texte très connu en Allemagne
anéantira les positions fascistes : il sagit de
" Beethoven et MacDonald ".
Leurs auteurs, membres de groupes
autonomes illégaux, y refusent lalternative "
Beethoven ou MacDonald ", allusion aux paroles racistes
de Hitler qui avait dit quil y avait plus de culture dans
une symphonie de Beethoven que dans tout ce quavait produit
les Etats-Unis.
Les révolutionnaires sont
anti-impérialistes, pas anti-américains ; limpérialisme
ouest-européen existe aussi.
La fusion du " national-communisme " et du " national-bolchévisme
"
Thiriart, cest en fait le
fasciste orienté vers lEst. La preuve en est son
affirmation comme quoi il se réjouirait quen cas
dinvasion de lEurope par les soldats soviétiques,
à " Dublin, ils retrouveront des yeux bleus et des
cheveux blonds comme à Kharkov, comme à Vladivostok
".
Mais il est surtout quelquun
qui, en bon fasciste, tente de dévoyer la théorie
révolutionnaire en propageant une idéologie apparemment
proche mais en fait contraire.
Ses disciples actuels, dans la revue
" Nation Europe " que nous avions déjà
exécuté dans le numéro 10 (Europe du Capital
et classes sociales), montrent ainsi sur leur site internet une
carte de " leur Europe " allant de Brest à Vladivostok
avec une étoile rouge dessus.
Ils se revendiquent également
de Lénine et Staline, mais pas de Marx et Engels ! Et
leur Europe contient également une partie de lAfrique,
pour des raisons " stratégiques " !
Les " nationalistes-révolutionnaires
" se considèrent même comme " communistes
", et sont organisés en un " PCN ", le
" parti communautaire national-européen ". La
fraction " NR " qui a refusé ce passage au "
pro-communisme " ouvert sen est retourné à
la croix celtique, au soutien à Bruno Megret et à
la haine ouverte de tout ce qui est révolutionnaire.
Les " communistes ", en
fait nationalistes paneuropéens,
ont déjà réussi
à entraîner une partie de la mouvance pro-soviétique
du PCF révisionniste, qui est organisée dans la
revue " BIP ".
A nous de faire en sorte de les
briser idéologiquement, et de bien faire comprendre aux
fascistes et aux trotskystes quils narriveront pas
à faire en sorte que lon considère lURSS
de Lénine et Staline comme un " totalitarisme "
bien longtemps. Lavenir nous appartient !
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