Histoire du Parti Communiste français

 

 


La formation de la section française de l'Internationale Communiste

Les élections du 16 novembre 1919 sont une catastrophe pour les socialistes, qui n'obtiennent qu'un 1.800.000 voix sur plus de 8 millions. Le formidable élan révolutionnaire n'a pas amené de bouleversements organisationnels, et les prolétaires ne se reconnaissent pas dans un parti aux tendances multiples, contradictoires et majoritairement vendues au système.
A cela s'ajoutent les fortes tendances anarcho-syndicalistes dans le prolétariat, bloquant une véritable confrontation avec la politique.

Ce conflit entre la situation objective et la situation subjective va amener un saut, aboutissant à la création du Parti Communiste.
Le passage de l'état de guerre à la paix se fait très difficilement (coût de la vie atteignant en 1919/1920 400% par rapport à 1914). Aussi, en 1920, et de manière organisée contre la direction de la CGT, une grève générale commence, avec bientôt 700.000 prolétaires.

L'Etat joue alors sur deux tableaux. Tout d'abord la direction de la CGT rattrape les grévistes, proposant des grèves par vagues successives, contribuant à la défaite générale des différents mouvements.
Puis, 18 révolutionnaires sont accuséEs de complot contre la sûreté de l'Etat, dont les principaux dirigeants du comité pour la IIIème Internationale. A l'annonce du 1er Mai 1920, le ministre de la Guerre précise : " Il faut bien qu'on sache que l'armée reste la force publique, et qu'à l'avenir on n'ignore plus qu'elle sera munie de cartouches ".

Le comité pour la IIIème Internationale est alors très affaibli. N'arrivant pas à assimiler le bolchevisme, il est nécessairement rejeter dans le passé. C'est ainsi qu'à côté du Comité se réunit à Lyon ce qu'on a appelé le 1er congrès régional de la IIIème Internationale. A ce congrès assistent l'Union des syndicats de la Drôme, les étudiants socialistes révolutionnaires et les jeunesses syndicalistes de la région, le comité de défense sociale anarchiste, la Fédération socialiste du Rhône, et différents autres groupements.

Ce mouvement populaire est aidé par les bolchéviks. Le télégramme de l'Internationale Communiste destiné au congrès du parti socialiste français à Strasbourg dit ainsi : " Le Comité Exécutif de l'I.C. adresse aux travailleurs français en lutte contre le social-patriotisme et contre toutes les conceptions équivoques et les déformations bourgeoises des principes du communisme, son salut fraternel.

Le Comité Exécutif de l'I.C. espère que sous la pression des masses ouvrières françaises, le congrès de Strasbourg se décidera enfin à rompre avec la IIde Internationale, avec l'organisation jaune dont Noske, Galliffet d'outre-Rhin, est en Allemagne le représentant le plus en vue et qui est de même représenté en France par les agents de la bourgeoisie.
Le Comité Exécutif de l'I.C. appelle tous les communistes français à s'unir en une seule organisation et à déclarer une guerre ouverte à tous ceux qui ont trahi le prolétariat.

Vive le prolétariat révolutionnaire français !
Vive l'épuration des forces ouvrières dont les jaunes de la IIde Internationale doivent être chassés !
Vive la révolution prolétarienne ! ".

Le congrès de Strasbourg est prétexte à deux débats : la question de la défense nationale, la question de l'adhésion à l'I.C.. Il s'agit d'abord pour la majorité des socialistes de justifier la boucherie de 1914/1918. Mayéras dira ainsi que " oui, nous nous sommes aperçus qu'on nous a trompés, que la France luttait pour des buts impérialistes. Cependant, fidèles à l'héritage de Guesde, nous ne voulons pas que cette France soit sabotée par l'invasion et perdue pour le socialisme ".

L'opposition des membres du Comité est faible ; son porte-parole, Raymond Lefebvre, parle du point de vue de la " race française " pour justifier son opposition à la guerre.

En ce qui concerne l'adhésion à l'I.C., trois lignes se distinguent. Celle de Renaudel, farouchement contre ; celle de Frossard, qui sympathise avec l'I.C. mais préfère le modèle des socialistes indépendants d'Allemagne, tout comme Longuet et Paul Faure qui critique la IIde Internationale mais refusent " l'aventure " révolutionnaire.

La dernière ligne est celle du Comité, mais beaucoup de ses membres influents refusent la rupture avec les autres socialistes. De plus, le bolchevisme n'est pas assimilé. Leur leader, Loriot, explique ainsi que le défaitisme révolutionnaire était valable pour la Russie, pas pour la France, que les Soviets doivent être fondés après la prise du pouvoir, et que la critique des partisans de Longuet revient à Lénine seul.

Le Congrès se clôt donc sur un échec pour les révolutionnaires de France. Les socialistes décident de sortir de la IIde Internationale (4.330 voix contre 337), ce qui est un premier pas, mais pas encore de rejoindre l'Internationale Communiste (la ligne du Comité n'obtient que 1.621 mandats).

En juillet 1920, c'est la minorité des Jeunesses socialistes qui va se mettre à la tête du mouvement pour la IIIème Internationale, portée par la vague révolutionnaire. Opposée à la ligne majoritaire, elle demande la convocation d'un congrès, où elle est victorieuse et se transforme en Jeunesses Communistes.

Puis, au congrès d'Orléans de la CGT (27 septembre - 2 octobre 1920), les minoritaires obtiennent 659 mandats contre 1485 voix à la majorité. La progression est forte.

Enfin, il y a le congrès de Tours des socialistes, qui se déroule le 25 décembre ; la principale question étant de savoir s'il faut accepter les 21 conditions d'entrée dans l'Internationale Communiste.

Quelles sont ces 21 conditions ? Résumons en les aspects les plus généraux. Le Parti doit se nommer "Parti Communiste " de tel pays, afin d'apparaître clairement aux yeux des masses et de se distinguer de la social-démocratie. Il doit appliquer le centralisme démocratique, combiner légalité et illégalité, mener l'agitation et la propagande pour le communisme. Son objectif est la dictature du prolétariat, et le Parti doit donc rejeter les éléments centristes ou réformistes.

Il doit être anti-impérialiste, soutenir les luttes de libération des colonies et des nationalités opprimées. Le Parti est relié à l'IC, et doit se plier aux décisions des congrès.

Le congrès de Tours marque la victoire des partisans de la IIIème Internationale, qui obtiennent 3.208 mandats, plus 44 d'un amendement d'ultra-gauche. Les opposants obtiennent 1.022 mandats (motion Longuet - Paul Faure) plus 60 de la motion Pressemane.

Il y a également une première particularité : le nouveau parti prend le nom de " Parti Socialiste - Section Française de l'Internationale Communiste ". C'est une première entorse aux 21 conditions. Il ne prendra le nom de PC qu'à partir du 1er Janvier 1922.



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