UJCML
Union de la Jeunesse Communiste
Marxiste-Léniniste
Sochaux: le lion est mort !
13 juin 1968
Les accords de trahison de Grenelle ont été conclu.
A SOCHAUX comme
partout ailleurs, les travailleurs n'ont rien obtenu.
PEUGEOT veut
leur faire rattraper le temps perdu.
20 voitures de plus par jour,
récupération du prêt patronal le samedi.
5000 ouvriers ont voté la reprise à 100 voix près seulement. Les
ouvriers occupent l'usine à nouveau pour lutter contre les cadences
infernales et obtenir l'indemnisation à 100% non récupérable.
Les membres du comité de grève jurent partout avoir arraché au
préfet la promesse que les CRS n'interviendraient pas.
Ce prétendu
pacte de non agression est en fait l'arme dont ils vont jouer pour
démobiliser au maximum : les piquets sont dégarnis, seulement 6
gars à certaines portes, et puis, sous prétexte de ne pas les
fatiguer, ils manigancent un décalage d'horaires de une heure pour
la relève.
Inutile de dire que ce sera le moment choisi pour
l'attaque des CRS. Il faut dire que chez PEUGEOT, la CFDT est
majoritaire, les délégués sont un peu spéciaux.
Ici, le délégué
s'occupe directement du flicage dans l'usine.
Il pointe lui-même le
dimanche les ouvriers qui vont à l'église.
Pour la CGT, ce n'est
pas mieux, puisque les délégués actuels sont les rescapés de
l'épuration du 1965 (23 ouvriers et 5 délégués CGT licenciés); ce
sont ceux qui ont accepté de travailler main dans la main avec le
patron.
A 3 heures moins dix, les CRS passent à l'attaque.
Les jeunes
travailleurs du piquet les attendent de pied ferme.
De puissantes
lances à incendie sont mises en action, balayant les entrées.
Les
délégués du comité de grève s'affolent : ils n'avaient pas prévu le
coup.
Ils craignent les provocations (!), ils décident donc de
fermer les vannes d'alimentation d'eau. Les palabres ne suffisaient
plus pour briser les luttes, ils n'ont pas hésité à poignarder les
travailleurs dans le dos...
Les ouvriers se replient sur SOCHAUX et MONTBELIARD le long de la
route et dans l'usine.
Entre 6h et 9h du matin, le combat atteint
son paroxysme.
Les CRS ont investi les ateliers des pièces
détachées; ils sont planqués derrière les portes metalliques et
balancent par dessus des grenades au chlore, offensives,
lacrymogènes.
Mais les travailleurs parviennent à enfoncer la porte.
Les CRS, terrorisés, se ruent vers leurs commands-cars pour s'y
mettre à l'abri.
L'un d'eux, abandonné, abat sauvagement d'une
balle de PM un jeune travailleur de 23 ans qui se baissait pour
ramasser une pierre.
Quant à l'autre, tombé tout seul d'un mur
selon la presse du mensonge, il a été projeté par une grenade et
tué. Les grévistes renversent un command-car, y mettent le feu et
s'emparent des armes et des munitions.
Les combattants se replient vers MONTBELIARD.
Dès qu'ils pénètrent
dans la ville, la situation change.
Les CRS sont obligés de
distendre leur front, de se disperser dans les rues qu'ils ne
connaissent pas et où la population soutient les grévistes et
participe au combat.
Sous le pont de chemin de fer de MONTBELIARD,
la résistance s'organise.
Des bobines de câble sont couchées, un
camion est mis en travers et incendié, on commence à dépaver.
Du
haut de la voie ferrée, les combattants harcèlent les CRS, avec les
cailloux du ballast. Les frondes entrent en action, les vitrines
d'exposition de PEUGEOT volent en éclats, les CRS s'effondrent.
Finalement, sous la pression des masses, le préfet de BESANCON
demande aux CRS de se retirer. Bonne aubaine pour les municipalités
des socialos et les pontes de l'UD, qui tentent de rafler quelques
voix de plus aux élections législatives, en se présentant comme les
sauveurs du peuple.
Dare dare, le PCF édite un tract de calomnies
signé Serge PAGANELLI, membre du CC.
Selon lui, comme à Flins,
sans doute certains éléments provocateurs, étrangers au mouvement,
ont accentué le climat provocateur ».
les ouvriers ont compris, ils font des petits morceaux avec le
tract et se remplissent les poches de cailloux...
Vers 3h, les CRS commencent à se replier.
Ils reculent en
troupeaux, la tête basse, sous les huées et les sifflets de la
population de MONTBELIARD qui les raccompagne. De temps en temps,
un caillou fait tinter un casque.
Ils s'amassent maintenant le long
de la voie ferrée par petits groupes confus.
Ils ne sont pas fiers
vus de près, les CRS, encombrés de tout leur attirail de boucliers,
sacs à grenades et rembourrages, eux qu'un caillou anéantit à 50
mètres!
Ouvriers et ouvrières, enfants et vieux, les fixent sans crainte;
eux ils baissent le regard ou bien font volte face.
Il sont
maintenant complètement noyés dans la foule qui scande « CRS = SS ».
Une femme se détache, elle vient sous leur nez, les pointe du
doigt, se retourne pour prendre les masses à témoin; elle explique
sa haine pour ceux qui retournent leurs armes contre le peuple.
L'un d'eux, un ancien mineur, tout gauche, tente de se disculper :
« ce n'est pas de notre faute, on nous paye pour cela; c'est comme
vous, on vous paye pour construire des voitures ».
Un ouvrier leur
donnera la clef du problème : « A SOCHAUX, c'est des coriaces,
laisse tomber tes armes et ton barda, rentre chez toi et cherche-
toi un autre boulot ».
Soumis à la critique des larges masses, et
vu le rapport de forces qui leur est défavorable, certains CRS sont
réellement ébranlés. Mais un supérieur, d'un geste, coupe court au
dialogue.
Les combats ont recommencé. De grandes lueurs, suivies d'explosions
violentes, trouent la nuit.
Au cours de l'ultime vague d'assaut, les
CRS lanceront 600 grenades offensives.
Mais les travailleurs ne se
laissent pas intimider : ils savent que ces grenades sont peu
efficaces contre des combattants disséminés.
Du grand arrière de MONTBELIARD, la population afflue. Les vieux
travailleurs qui se sont battus ici-même en 1936, viennent voir
avec leurs femmes comment l'attaque se déroule.
Certains d'entre
eux parlaient ce matin, avant l'ordre de retrait des CRS, d'aller
chercher leur fusil.
Une milice de trente travailleurs était déjà
prévue pour réquisitionner l'armurerie locale.
Les vieux
conseillent les jeunes et renforcent leur résolution.
Certains ont
leur fils ou leur fille en première ligne et ils en sont fiers.
La
première ligne est mouvante et s'adapte très rapidement aux
circonstances et au terrain qu'elle connaît.
Dans la bouche de tous
les travailleurs, les CRS sont comparés aux yankees brutaux et
stupides du Vietnam.
Les 5.000 travailleurs sont déterminés à
opposer la lutte des masses jusqu'au bout contre la violence
réactionnaire.
La situation devient intolérable pour les CRS maintenant, ils
reculent et tout le monde sait que ce n'est pas grâce à l'ordre du
préfet.
Sous les coups des frondes, les CRS s'écroulent, ils
doivent se replier sur l'hôtel PEUGEOT où se trouve installé leur
QG.
Ils commencent à vider les lieux en vitesse dans leur commands-
cars.
Terrorisés, les CRS des trois derniers cars font pleuvoir sur
la foule leurs dernières grenades.
Ils se rendent ainsi coupables
d'un nouveau crime : un enfant a eu la jambe arrachée par une
grenade.
La presse bourgeoise commente à sa façon la prise de l'hotel par
les grévistes; elle parle de pillages, de dévastation...
évidemment, elle n'expliquera jamais la signification du combat, de
sa conclusion, lorsque les travailleurs seront passés maîtres du
repaire à la vermine d'espions et de cadres fascistes.
PEUGEOT vole
à chaque ouvrier environ 1.200.000 francs anciens de profits par
ans.
Aussi les ouvriers n'ont pas été demander la permission pour
se servir dans les caves, regorgeant de foie gras et de mousseux
pour les banquets des patrons, de même, ils ne lui présenteront pas
leurs excuses pour avoir sali les moquettes.
Maintenant que le front a fait la place nette, les arrières-lignes
se rapprochent.
Les combattants organisent une chaîne ininterrompue
de bouteilles qu'ils passent à l'extérieur par les soupiraux des
caves.
En un temps record, des milliers de litres sont ramenés sur
MONTBELIARD, dans un grand climat de liesse. La révolution
populaire, c'est la fête des opprimés.
Sur un mur de l'usine, des travailleurs ont peint en lettres
gigantesques : « LE LION EST MORT »
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