UJCML
Union de la Jeunesse Communiste
Marxiste-Léniniste
ÉDIFIONS
EN FRANCE UN PARTI COMMUNISTE DE L'ÉPOQUE DE LA RÉVOLUTION
CULTURELLE
Centralisation et décentralisation
(Homogénéité et Hétérogénéité)
[Tiré de
Jeune Garde, n°6, mai 1967. Le point de vue exprimé
ici par l'UJCML va à l'opposé de celui du PCMLF.]
II faut constamment avoir à l'esprit les tâches
générales que doit être capable de remplir
un véritable Parti marxiste-léniniste : le parti
marxiste-léniniste doit:
1° être présent
dans toutes les classes et couches du peuple, en prenant la direction
de toutes les forces populaires qui luttent contre la réaction
;
2° organiser toutes les formes
de lutte des classes (politique, économique, théorique,
idéologique, armée...
Pour ce qui est du premier point,
nous devons le délimiter rigoureusement.
Etre présent dans tous les
détachements du peuple est indispensable si l'on veut
entraîner dans la lutte pour les transformations nécessaires
la majorité réelle ; mais cela ne signifie pas
que le Parti Communiste doive organiser directement l'ensemble
des classes, couches et groupes sociaux qui, à un moment
déterminé, composent le peuple, ni que son implantation
dans les différentes catégories du peuple revête
la même importance, et puisse être mise sur le même
plan.
Il est clair par exemple que l'implantation
dans la masse ouvrière occupe la place décisive,
et constitue même la pierre de touche du niveau de l'organisation
dans son ensemble et de sa capacité révolutionnaire.
De plus, la forme de la présence
dans les différentes catégories du peuple n'est
pas la même.
Les marxistes-léninistes
doivent organiser directement dans le Parti l'avant-garde ouvrière
et se fondre solidement dans la masse ouvrière.
Dans certains cas, il leur est indispensable
d'agir de même à l'égard d'une autre force
révolutionnaire principale (comme cela a été
le cas pour la paysannerie en Chine).
Par contre, pour ce qui est des
forces secondaires du peuple (catégories de la bourgeoisie
ou de la petite-bourgeoisie, étudiants progressistes,
certaines catégories paysannes dans les pays où
la paysannerie n'est pas dans sa masse une force révolutionnaire
principale), la présence du Parti y prend des formes plus
souples.
Il s'agit en effet parfois de diriger
les luttes progressistes de ces catégories secondaires,
ou bien simplement de les connaître, ou bien encore de
les associer à titre de force d'appoint aux luttes menées
par les forces principales du peuple.
Les méthodes qui permettent
cette forme de présence sont l'enquête dans ces
catégories du peuple, la direction d'organisations de
masses populaires (culturelles, nationales, éventuellement
économiques, politiques), et le cas échéant
la place donnée dans le Parti à certains éléments
avancés de ces diverses catégories.
On ne peut donc mettre sur le même
plan la présence du Parti dans les différents détachements
du peuple ; mais la nécessité de cette présence
ne doit pas nous échapper.
Prenons un exemple concret. Une
grève éclate dans une usine de province ou un quartier
urbain.
Il est clair que le facteur principal
dans cette grève est la façon dont la lutte est
menée à l'usine même, la capacité
du Parti et du syndicat (ou d'autres formes d'organisation de
classe) à organiser correctement l'offensive des ouvriers
contre le patron.
Mais, s'il est principal, ce facteur
n'est pas le seul, et sa combinaison avec d'autres peut être
indispensable au succès : si le Parti, l'avant-garde ouvrière
parvient à entraîner un important mouvement populaire
d'adhésion à la grève dans la localité,
le quartier, la région, cela donnera aux ouvriers un soutien
à la fois idéologique, politique et matériel
qui peut être déterminant ; cela suppose que, outre
son implantation ouvrière, le Parti connaisse les petits-bourgeois,
les universitaires, les étudiants, les petits commerçants
et artisans, certaines catégories de paysans, et assure
parmi eux une certaine forme de présence.
L'expérience montre que le
soutien populaire aux grévistes (manifestations de solidarité,
aide matérielle, propagande diffusée) est un élément
important dans le développement de certaines luttes ouvrières.
Voyons maintenant à quelles
conditions le Parti pourra effectivement assurer la direction
de toutes les forces populaires et la combinaison juste à
chaque moment donné des formes de la lutte des classes.
Pour que le Parti puisse remplir
ces tâches fondamentales (dont l'accomplissement le définit
en tant que véritable Parti communiste, conjointement
avec la justesse de sa ligne politique), il doit parvenir à
développer l'unité de deux aspects complémentaires
: la diversité des composantes du mouvement et l'unité
de leur directions ; en termes organisationnels : la centralisation
et la décentralisation (voir le texte de Lénine
: " Lettre à un camarade sur nos tâches d'organisation
").
Ces deux aspects complémentaires
du développement du Parti sont aussi indispensables l'un
que l'autre : sans la décentralisation, le Parti sera
incapable de mettre en uvre une ligne de masse ;
il sera incapable de se mettre à
la tête de la lutte de l'ensemble du peuple et de souder
toutes les classes et couches progressistes en un front uni puissant
dirigé par la classe ouvrière ;
il sera incapable de saisir l'état
des luttes de classes sous tous leurs aspects : il comprendra
les ouvriers, mais non les paysans, les ouvriers de telle branche,
mais non les ouvriers de telle autre, les travailleurs manuels,
mais non les intellectuels, les étudiants mais non d'autres
catégories de la petite-bourgeoisie, etc.,
il sera incapable de déterminer
quelle forme de la lutte des classes est, dans le moment actuel,
décisive : la lutte économique ou la lutte idéologique
ou la lutte armée, etc.,
il sera incapable d'organiser en
son sein une juste division du travail et une répartition
adéquate des forces militantes qui lui permettent de satisfaire
dans des délais aussi brefs que possible des besoins nouveaux
nés du développement de la lutte dans son ensemble,
et qui donnent brusquement une importance décisive à
une forme ou un front de lutte donné : travail dans les
organisations syndicales à un moment de développement
intense des luttes revendicatives, besoins théoriques
urgents dans un domaine déterminé du matérislisme
historique ou du matérialisme dialectique, nécessité
soudaine d'une organisation rapide du travail clandestin, etc.
Sans la centralisation, le Parti
ne sera pas un véritable Parti communiste, un Parti de
type nouveau.
Ce sera un vulgaire Parti parlementaire
de type ancien, un parti opportuniste divisé en fractions
et tendances, un club de discussion incapable de diriger la lutte
de tout le peuple ; il ne pourra fondre en un front unique les
différentes forces qui composent le peuple ; il sera-incapable
d'unir les paysans aux ouvriers en son sein, d'unir en son sein
les travailleurs manuels et les intellectuels, de réaliser
dans la pratique l'union de la théorie et de la pratique.
Il sera incapable de combiner les
différentes lignes d'action dans les différentes
classes et couches sociales pour leur donner une orientation
commune, qui puisse réaliser l'unité de toutes
les classes, sans aplatir ni éliminer les traits spécifiques
de chacune d'elles.
La centralisation et la décentralisation
sont donc l'une comme l'autre tout aussi essentielles au fonctionnement
du Parti Communiste.
Cela signifie-t-il que ces deux
aspects soient équivalents, qu'aucun d'entre eux ne soit
plus important à telle ou telle étape de l'édification
ou du développement du Parti?
Certainement pas.
A regarder les choses de près,
il apparaît clairement que la décentralisation -
l'hétérogénéité - est l'aspect
principal pour certaines étapes données, et que
la centralisation (ou l'homogénéité) est
l'aspect principal pour d'autres étapes.
Expliquons-nous.
Au moment où les militants
marxistes-léninistes ont pour tâche principale d'implanter
la théorie marxiste-léniniste sous sa forme la
plus générale dans les masses ce qui est le cas
quand une longue période de dégénérescence
opportuniste a obscurci leur connaissance et les a sevrées
d'un mode de pensée correct, au moment où les militants
marxistes-léninistes ont pour tâche principale de
pénétrer dans les différentes couches du
peuple et d'acquérir l'expérience du travail militant
dans ces différentes couches et classes ;
au moment où les marxistes-léninistes
doivent inventer les formes nouvelles de travail, d'élaboration
et d'organisation dans lesquelles se développera la lutte
des classes ; à ce moment-là, qui correspond à
l'étape de la naissance et de la première implantation
du mouvement marxiste-léniniste, étape préalable
à la naissance du Parti proprement dit l'exigence de décentralisation
et d'hétérogénéité l'emporte
de loin sur l'exigence de centralisation (décentralisation
doit être pris ici en son sens le plus fort : l'absence
de centre unique dans cette étape ;
si le processus d'édification
respecte cette exigence, le Parti pourra ensuite appliquer la
" décentralisation " au sens courant).
L'impératif fondamental de
cette étape est que les militants marxistes-léninistes
se dispersent dans les masses, non qu'il s'assemblent centralement
en un point de fixation.
L'essentiel est que les militants
m.-l. acquièrent l'expérience de la lutte dans
les milieux divers, les formes d'organisation les plus diversifiées,
qu'ils accumulent des forces dans tous les détachements
du peuple, qu'ils apprennent à être présents
sur tous les fronts de la lutte des classes, même si la
rançon de ce travail préliminaire est une apparente
incohérence, la constitution de pans d'organisation ayant
leurs caractéristiques spécifiques, l'absence de
direction centralisée du mouvement dans son ensemble et
parfois même d'inévitables malentendus subjectifs
entre des militants qui auront connu des expériences diverses
;
ces malentendus seront sans gravité
si la volonté d'unité l'emporte et permet de passer
correctement à l'étape suivante - d'édification
du parti - lorsque les tâches préliminaires d'implantation
du mouvement dans les masses sont remplies et que la diversité
des expériences, des connaissances et des formes d'organisation
fournit un contenu adéquat à l'élaboration
de la ligne commune, et assure que la ligne centralement élaborée
correspondra aux besoins de tout le peuple et sera effectivement
appliquée à la base dans les différents
détachements du peuple, par des organisations spécifiques,
proches des masses et liées à elles.
Ne pas voir le rôle essentiel
de la décentralisation, de l'hétérogénéité
dans cette première étape serait une erreur lourde
de conséquences.
Une centralisation trop rapide du
mouvement dans son ensemble, alors qu'il n'aurait pas enfoncé
ses racines dans chaque détachement du peuple, reviendrait
à généraliser hâtivement une expérience
partielle déterminée, à tenter de plaquer
des formes d'organisation et des bribes de ligne nées
dans une petite fraction du peuple sur la lutte de classes dans
son ensemble ;
cela aboutirait à une direction
étroite, qui ne pourrait devenir la direction de l'ensemble
du mouvement marxiste-léniniste et des luttes populaires,
et cela freinerait en définitive gravement le développement
du mouvement et l'édification d'une véritable direction
centralisée.
Pour qui veut se donner la peine
de raisonner, ceci n'a rien d'extraordinaire : quel sens aurait
le mot de centralisation, s'il ne s'agissait de centraliser quelque
chose de diversifié, d'hétérogène?
Ce serait vraiment une chose risible
que de prétendre se centraliser soi-même, tout seul,
ce qui serait le cas d'une organisation marxiste-léniniste
représentant une partie du mouvement (a fortiori quand
le mouvement pris dans son ensemble n'est pas assez largement
implanté), et qui voudrait se transformer d'elle-même
en parti.
Pour avoir négligé
la décentralisation préalable nécessaire,
elle enlèverait toute signification à la centralisation.
La création du Parti ne serait
plus cette étape nouvelle et décisive dans laquelle
les composantes hétérogènes du mouvement
parviennent, par un travail commun et une lutte idéologique
conséquente, à forger une unité de pensée
d'autant plus précieuse qu'elle combine des expériences
diverses, et à mettre sur pied une direction unifiée
du mouvement qualitativement supérieure à la somme
des organisations existant antérieurement, mais une simple
futilité administrative !
Mais il serait tout à fait
erroné de ne faire mention que des étapes où
la décentralisation et l'hétérogénéité
sont l'aspect principal.
Il existe inversement des étapes
où la centralisation et l'homogénéité
de la direction sont l'aspect principal.
Il s'agit principalement des moments
où l'organisation marxiste-léniniste peut et doit
se mettre à la tête du peuple pour diriger ses luttes
d'une façon unifiée, conformément à
une ligne d'ensemble élaborée à partir de
l'expérience des masses et de leurs idées ainsi
que de la théorie marxiste-léniniste.
Cela suppose bien entendu l'accumulation
préalable des forces dans tous les détachements
du peuple, dont nous avons parlé plus haut.
Cela suppose également l'unification
idéologique des composantes hétérogènes
du mouvement.
Il est clair que cette unification
idéologique définit la phrase qui précède
immédiatement la création du Parti, et que le recensement
des moyens concrets qui permettent de l'obtenir est de la plus
haute importance.
Lorsque nous disons que dans les
premières étapes de son développement, à
l'époque du début de son implantation dans les
masses, le mouvement marxiste-léniniste doit rester "décentralisé",
ou "hétérogène" (pour reprendre
la terminologie de lyénine), cela signifie-t-il que toute
centralisation en est exclue?
Bien évidemment non. Pour
pouvoir agir, chaque détachement du mouvement doit se
centraliser ; sans centralisation, il n'y a pas de direction
; lorsqu'un groupe de militants ou une organisation marxiste-léniniste
engage une action déterminée sur un front de la
lutte des classes ils ont besoin de se centraliser, de réaliser
leur unité de pensée et d'action pour mener à
bien le travail qu'ils se sont fixés, qui correspond à
leurs possibilités effectives.
Nous insistons simplement lorsque
nous parlons de "décentralisation" sur le fait
qu'il n'est pas encore possible de réaliser une direction
centralisée des luttes de classes pour l'ensemble du pays,
sous toutes les formes et sur tous les fronts, qu'une telle centralisation
resterait formelle, factice et ne correspondrait pas à
une capacité effective de direc-tion, à une homogénéité
réelle.
La dispersion du mouvement dans
les masses signifie qu'il n'y a pas de centre unique du mouvement
dans tout le pays, pour ses différentes composantes sociales
et locales ; elle ne saurait être confondue avec le désordre
et l'absence de méthode ; elle n'exclut pas, mais exige
au contraire des niveaux partiels de centralisation, d'organisation
et de direction des luttes, correspondant à la réalité
du mouvement à chaque endroit et à chaque moment
donné.
Elle n'exclut pas la coordination
de tous les éléments qui participent au mouvement
sur des questions où l'unité de pensée,
d'expérience et d'action peut être réalisée
plus rapidement que pour d'autres.
Il reste que la création
organique d'un centre unique du mouvement pour l'ensemble du
pays et des fronts de la lutte des classes ("création
du Parti"), la " centralisation " au sens fort,
correspond à une étape bien déterminée
du développement du mouvement dans ses diverses composantes,
ses centralisations partielles, ses organisations locales et
spécifiques ; les marxistes-léninistes ne s'abaissent
pas à jouer sur les mots pour tenter de leurrer les autres
et éventuellement eux-mêmes sur l'état réel
des îorces qu'ils sont parvenus à accumuler.
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